Travail: les femmes comme les hommes? - Forum protestant

Travail: les femmes comme les hommes?

Si les inégalités entre les femmes et les hommes restent ancrées à de multiples niveaux en milieu professionnel, elles évoluent, ont été exacerbées par la crise sanitaire et, en tout cas, intéressent plus que jamais. Comme en témoigne cette cinquième sélection de textes (sur un ensemble de huit) à lire pour enrichir le débat sur le travail en prévision de notre convention du 11 décembre 2021.

À lire: nos sélections précédentes: Le travail a-t-il un sens?, Maudit travail?, Télétravail pour tous? et Travail automatisé ou travail en miettes?

Dans le sillage de la parution en mai 2021 du numéro de Foi&Vie consacré au travail et en attendant notre convention cet automne sur le même sujet, le Forum participe avec Regards protestantsCampus protestant et Musée protestant à la réflexion. Habitués à relayer sur Twitter, sur Facebook, dans notre newsletter, des textes et des réflexions qui approfondissent et font avancer le débat, nous en proposons ici un échantillon autour de la question du sexisme au travail.

 

 

Inégalités persistantes et avancées certaines

En dépit de la réaffirmation des lois visant à assurer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, de réelles disparités persistent. Selon l’état des lieux établit par l’Observatoire des inégalités, les femmes gagneraient toujours 23% de moins que les hommes et 16,3% de moins à temps de travail équivalent. Et lorsqu’on progresse dans l’échelle des salaires, l’écart entre les femmes et les hommes s’accentue. Ces disparités reflètent des discriminations salariales basées sur le genre et démontrent que le plafond de verre demeure une réalité dans la plupart des milieux professionnels, les femmes peinant à accéder aux emplois les mieux rémunérés et aux postes décisionnels.

Dans leur article ‘Sales boulots’, publié dans la revue Travail, genre et sociétés, Pauline Seiller et Rachel Silvera expliquent que femmes et hommes ne sont pas égaux face aux professions étiquetées comme sales et ne seraient pas infériorisés de la même manière. Alors que les hommes seront plus valorisés pour des tâches les exposant directement à la saleté, les femmes le seront davantage au sein de professions où le relationnel prime.

Sur la question de la discrimination sexiste à l’embauche, Bertrand Lhommeau et Véronique Remy s’interrogent: les recruteurs ont-ils une préférence entre les hommes et les femmes? Les chiffres l’affirment, dans 84% des recrutements masculins, les recruteurs déclarent être indifférents au sexe de la personne recrutée; dans 4% des cas ils estiment qu’une femme aurait été un avantage et les 13% restant la perçoivent comme un inconvénient. Les raisons invoquées par cette dernière catégorie sont révélatrices du poids des stéréotypes de genre: la nature du poste ou de certaines des tâches liées au poste, un choix personnel, la crainte d’une réaction négative de la part des autres salariés ou de clients et enfin les risques d’absentéisme liés à la garde des enfants.

Discriminées, les femmes le sont également en matière de patrimoine. C’est sur ce point qu’insiste Christian Baudelot dans sa recension du livre de Céline Bessière et Sibylle Gollac Le Genre du capital. C’est au cours d’une enquête ethnographique sur les fonds d’études notariales et de cabinets d’avocats que les deux sociologues ont pu mettre en lumière les profondes inégalités de genre, héritées de traditions séculaires, régissant la répartition du patrimoine familial.

On constate en revanche une réelle amélioration de la répartition des tâches domestiques, domaine difficilement dissociable du secteur professionnel, tant il peut contraindre et limiter les femmes dans leurs carrières. Selon une récente étude du Centre d’observation de la société réalisée entre 2005 et 2017, les jeunes couples semblent en effet partager les tâches ménagères de manière plus égalitaire.

 

Des projets pour lutter contre le sexisme au travail

Pour lutter contre ces inégalités criantes, de nombreuses initiatives sont mises en place. Dans un entretien à Usbek & Rica, Jessica Bennett, auteure de l’essai Feminist Fight Club, expose sa fonction de gender editor au New York Times. Sa mission: associer davantage le lectorat féminin dans l’écriture des articles, utiliser le genre comme angle de vue, s’assurer de couvrir les sujets importants relevant de thématiques féministes.

Les biologistes de formation Flora Vincent et Aude Bernheim soutiennent quant à eux qu’on peut utiliser l’IA pour rendre la société plus égalitaire. Sur un ton optimiste, les auteurs de L’Intelligence artificielle, pas sans elles! sont convaincus que les algorithmes peuvent être mis au service de l’égalité des sexes. Codés par des humains, ceux-ci reproduiraient en effet les stéréotypes sexistes sociétaux. A l’origine de Wax Science, association scientifique et féministes destinée à promouvoir la mixité dans le milieu largement masculin et encore sexiste de l’informatique, leur objectif est d’œuvrer au changement des mentalités.

Dans un esprit résolument optimiste, l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail présente de son côté les projets inspirants à découvrir concernant l’égalité femmes-hommes. Parmi ceux-ci, la lutte contre la non-mixité dans des secteurs professionnels tels que l’industrie agroalimentaire ou encore la prise en compte de la pénibilité de certaines tâches féminines, jusqu’ici très sous-estimées. La lutte contre les violences sexistes au travail fait également partie des nouveaux combats menés, notamment dans le domaine ultra-féminisé du service à la personne.

Une crise sanitaire qui impacte davantage la carrière des femmes

A contrario, la pandémie de Covid-19 et les confinements successifs ont engendré un accroissement des inégalités femmes-hommes, le télétravail révélant des disparités considérables de conditions de travail dans la sphère privée, tout particulièrement chez les cadres. Alors que durant cette période une femme sur trois a vu son activité professionnelle stoppée, un quart seulement de celles qui ont pu conserver leur emploi disposaient d’un espace de travail isolé contre 41% des hommes. C’est également à la population féminine qu’a majoritairement incombé la gestion des tâches ménagères ainsi que la garde des enfants. Cette amplification des inégalités au sein des couples est corroborée par de nombreux témoignages de femmes rapportés par Guillemette Jeannot. Sans détour, elles décrivent le confinement comme «une des pires périodes» de leur vie. De quoi réévaluer les dispositifs de lutte contre les inégalités au travail, au bureau comme à la maison.

Illustration: pompier et pompière en 2016 dans l’Ain (photo Benoît Prieur – CC-BY-SA).

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