Lutter ensemble contre les violences conjugales (1/2)
Dans le cadre de son podcast consacré aux femmes engagées du protestantisme, Jérémie Claeys rencontre Valérie Duval-Poujol, théologienne, féministe, militante, autrice et vice-présidente de la Fédération protestante de France. Dans ce premier volet, Valérie Duval-Poujol raconte l’origine de sa foi et de son militantisme, ses années de formation en langues étrangères et en théologie et l’émergence de son engagement contre les violences faites aux femmes.
Écouter ce podcast de la série Protestantes !.
Jérémie Claeys. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint, un homme tous les 14 jours. 244000 femmes par an subissent des agressions physiques ou sexuelles. Ces chiffres, publiés par le ministère de l’Intérieur, font état d’une augmentation de 15% par rapport à 2021 et, en 2019, on estimait que seules 14% des victimes avaient porté plainte. Ce chiffre aurait augmenté ces dernières années notamment à la suite du mouvement #Metoo, mais en incluant les maltraitances verbales, psychologiques, économiques ou spirituelles, on compte plutôt 2 millions de femmes violentées.
La violence conjugale concerne tous les âges, tous les milieux socioprofessionnels ou ethniques, toutes les religions y compris le monde chrétien. Or cette violence y est encore taboue, trop souvent tue, dissimulée voire légitimée et excusée par des lectures erronées de certains textes bibliques. Ce sujet, la théologienne Valérie Duval-Poujol s’en est emparé. En 2018, elle fonde l’association Une place pour elles, qui a pour objectif la sensibilisation sur les violences conjugales faites aux femmes et qui se bat pour que ces violences cessent. Plus tard, elle collabore à la création d’une charte d’engagement contre les violences conjugales à destination des Églises. Elle cosigne également aux côtés de Cosette Fébrissy et de son père, le pasteur Jacques Poujol, le livre Violences conjugales: accompagner les victimes, et, en 2021, elle publie La Bible est-elle sexiste ? Sans oublier qu’en 2023 elle a préfacé le livre La Violence conjugale dans les Églises évangéliques en France de Murielle Selon (1).
C’était donc une évidence, il fallait que je discute du sujet avec Valérie. Mais Valérie porte de nombreuses autres casquettes : théologienne passionnée par la Bible, elle est docteure en histoire des religions et en théologie. En 2004, elle a d’ailleurs écrit Lire la Bible aujourd’hui (2). Parmi ses nombreuses activités aujourd’hui, précisons que Valérie est vice-présidente de la Fédération protestante de France depuis 2018, qu’elle enseigne dans diverses facultés de théologie un peu partout en France et qu’elle anime de nombreuses formations autour de la Bible, de l’œcuménisme, des femmes ou de la relation d’aide. Ensemble, nous avons discuté des violences conjugales, de la patriarcalisation de l’évangile et de la Bible.
Bonjour Valérie Duval-Poujol, je suis ravi de pouvoir discuter avec toi. Comment aimes-tu te présenter ? Peux-tu également nous dire à quel moment la foi chrétienne et tout particulièrement le protestantisme ont fait irruption dans ta vie ?
Valérie Duval-Poujol. C’est vrai qu’on se présente de façon différente selon les milieux et, puisque nous sommes dans un cadre intime, je souhaiterais plutôt commencer par des choses qu’on ne dit pas en général et dire que j’adore la mousse au chocolat, les voyages et Jean-Jacques Goldman ! On peut aussi se présenter par ses passions, il me semble que cela permet de se présenter autrement. Et concernant la foi, j’ai eu la chance, comme Obélix, d’être tombée dans la marmite quand j’étais petite. C’est un privilège de grandir dans un foyer chrétien et de se voir transmettre cela très jeune : on gagne beaucoup de temps. Cela me donne des racines très solides de savoir que mes ancêtres étaient Huguenots et qu’ils ont résisté à travers les siècles. Chez nous la foi était vivante, on parlait des personnages de la Bible autour de la table comme si c’étaient de vraies personnes. Je pense que la foi est comme une plante qu’on arrose et qui grandit, par étapes. Dans mon milieu baptiste, ces étapes sont le baptême à l’âge adolescent, un moment où l’on s’approprie plus personnellement les choses, et puis, vers 16 ans, la compréhension que ce ne sera pas une activité parmi d’autres, qu’elle prendra la première place. On appelle cela la vocation, l’appel ou simplement l’envie d’être cohérente en décidant de faire des études de théologie et d’y consacrer sa vie.
«J’étais très influencée par Martin Luther King»
C’était comment la foi pour toi quand tu avais 16 ans ?
Je crois que c’était l’influence de modèles, de figures qui à mes yeux avaient vraiment changé le monde. J’étais très influencée, en tant que baptiste, par Martin Luther King et j’adorais cette citation où il affirmait que le chrétien n’est pas un simple thermomètre qui prend la température mais un thermostat qui change la société. Je me disais oui, c’est ça, pour un chrétien la foi est une foi en action, une foi qui veut changer les choses. Quand on est ado on a des idéaux, j’avais envie de changer le monde et pour moi la foi était la bonne solution.
Il faut dire aussi que tu es tombée dans une famille assez militante !
Oui, c’est vrai que ça donne des racines. Mon père comme ma mère étaient engagés ; ce n’est pas réservé aux femmes l’engagement féministe ! Mon père était vraiment très ouvert sur ces questions, il m’a toujours dit que rien n’était impossible et que le Seigneur ne s’était pas trompé en me faisant femme. À partir de là, tout est possible. Cette confiance dans la vie, cette assise qu’il m’a donnée a permis cette ouverture et cette envie d’engagement. Ils étaient très ouverts également à la psychologie et tous deux ont écrit de nombreux ouvrages sur le sujet. C’était assez pionnier dans notre monde chrétien d’accéder à ces ressources humaines tout en les associant à la foi. On s’était bien rendu compte qu’il fallait pouvoir aborder les problèmes des gens, en parler avec les bons outils. C’est donc une autre marmite dans laquelle je suis tombée : on me surnommait Freud quand j’étais petite parce que je voulais analyser tout le monde, tout le temps !
C’est une belle chose, ce prisme psychologique associé à la grille de lecture spirituelle qui t’a été transmise. Il me semble d’ailleurs que tu as collaboré avec ton père sur plusieurs ouvrages ?
Oui et c’est précieux d’avoir ce point de vue intergénérationnel, et celui d’un homme qui plus est, associé à mon point de vue de femme. Enfin ce sont aussi des compétences différentes : moi spécialiste des traductions de la Bible, exégète, lui à la fois conseiller conjugal et familial, pasteur et psychologue. Cela permet vraiment cette interdisciplinarité, ce regard croisé, c’est très riche d’altérité. Et de pouvoir vivre cette expérience en confiance, en famille, c’était un privilège.
Tu as ensuite entamé des études en langues étrangères avant de t’orienter vers la théologie.
J’aurais bien fait théologie à 18 ans mais on m’a sagement donné le conseil de faire d’abord d’autres études et c’est vrai que cela m’a permis d’acquérir une certaine maturité, de voyager, de partir vivre à l’étranger… Mais je n’avais qu’une hâte : attaquer la théologie, le grec et l’hébreu !
Qu’est-ce qu’on te disait ? Que ce n’était pas un vrai métier, la théologie ?
Si, si mais que c’était difficile et particulièrement en tant que femme d’en vivre si on ne voulait pas être pasteure. Je savais que je voulais faire autre chose, enseigner, et de ce fait c’était bien d’avoir plusieurs cordes à mon arc.
On dit souvent de toi que tu es pasteure, alors que pas du tout !
Je crois qu’en protestantisme on a un peu cette faiblesse, cette tendance à vouloir que tout le monde soit pasteur pour pouvoir exercer un ministère, même quand il n’est pas pastoral ! Il me semble que le ministère de docteur est un ministère d’enseignant qui est reconnu dans les Écritures et qui devrait être reconnu à part entière dans nos milieux. On peut être docteur sans forcément être pasteur. Cela dit mon mari, mon père, mon cousin, mon oncle ainsi que ma grand-tante sont pasteurs donc je sais tout à fait ce que c’est !
Et comment se sont passées tes études de théologie ?
C’était formidable ! J’ai délibérément choisi un endroit qui était différent de ma zone de confort ; j’étais une évangélique baptiste, je suis allée à la faculté d’Aix-en-Provence, plutôt réformée-évangélique. Je voulais vivre une altérité, découvrir la liturgie que je ne connaissais pas. Pour moi la liturgie était l’opposée de l’Esprit, je ne comprenais pas. Effectuer un stage pastoral en Église réformée puis pratiquer moi-même une liturgie m’a permis de comprendre que cela n’empêchait pas du tout d’être à l’écoute de l’Esprit. J’ai beaucoup appris pendant ces années. Cela n’a pas pour autant changé mes convictions profondes, par exemple je suis toujours en faveur du ministère féminin et de la place de la femme dans l’Église alors que ce n’était pas le cas de cette faculté. Mais c’étaient vraiment des études très riches, très intéressantes. De plus, c’est à ce moment-là que j’ai rencontré mon mari, Samuel. Certains m’ont dit, ça y est, tu as rencontré ton mari, tu peux arrêter tes études ! Non, j’ai poursuivi jusqu’au doctorat.
C’est horrible de dire une chose pareille !
C’est notre milieu, un peu patriarcal !
On reviendra sur cette idée de patriarcat… C’est intéressant de voir que tu as réussi par la suite à allier ton goût pour les langues étrangères à ta passion pour la théologie car tu es notamment devenue traductrice de la Bible.
Quand j’étais jeune je voulais être archéologue et finalement je suis devenue archéologue du texte. J’essaye de restituer ce qu’il y a de meilleur dans le texte en grec ou en hébreu tout en le rendant actuel. C’était formidable de pouvoir placer cette passion que j’avais pour les langues au service du Texte et des autres.
«Le projet de la Nouvelle Français courant associait mes trois passions : la Bible, les femmes et l’œcuménisme»
Tu as entre autres participé à la traduction de la TOB, Traduction œcuménique de la Bible.
Oui, la nouvelle révision de la TOB, en 2010, c’était un travail en équipe. Pour la Nouvelle Français courant j’étais cheffe de projet et c’était un travail d’équipe extraordinaire qui a réuni 60 collaborateurs de toute la francophonie (Belgique, Suisse, Canada, France et Afrique francophone). C’était vraiment extraordinaire toutes ces confessions, ces hommes, ces femmes et ces trois années de travail collectif, jour et nuit. Je suis très fière du résultat, d’autant plus que ce projet associait mes trois passions : la Bible, les femmes, l’œcuménisme.
Pourquoi les femmes ?
Parce que l’un des axes de révision de la Nouvelle Français courant était un langage épicène, inclusif et de lutter contre les traductions sexistes encore malheureusement très nombreuses dans nos traductions françaises. Avec la Nouvelle Français courant, nous avons fait particulièrement attention à ce qu’il n’y ait pas de traductions sexistes, à ce que on suive le grec et l’hébreu dans la traduction française quand ils incluent les femmes.
C’est une sacrée responsabilité. Vous faites l’Histoire, en quelque sorte, avec cette traduction.
C’est vrai. J’ai toujours été sensible à la parabole des talents : beaucoup donner quand on a beaucoup reçu. J’ai l’impression d’avoir beaucoup reçu et je ne le dis pas du tout par orgueil. J’ai reçu une éducation, je suis dans un pays où on peut être soigné, où il y a la liberté d’expression… Il nous sera beaucoup demandé si on a beaucoup reçu donc si on a les moyens de faire quelque chose, faisons-le.
C’est un aspect qui me touche et m’impressionne chez toi quand on se plonge dans ton parcours: tu fais beaucoup de choses ! Il y a une énergie constante et très présente dans tout ce que tu fais.
C’est un cadeau, l’énergie. Je me dis qu’on n’a qu’une vie et que c’est bien d’être ce thermostat, si possible.
Qu’est-ce qui a fait que tu t’es intéressée au sujet des violences faites aux femmes ? Y a-t-il eu un moment particulier pour toi, une histoire qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ?
J’ai la chance de donner toutes les semaines des formations dans des Églises, d’enseigner, d’être à l’écoute et de rencontrer énormément de femmes. Et c’était frappant, lorsque j’ai abordé le sujet des textes qui parlent des femmes dans la Bible et en particulier les textes de violences, j’ai eu chaque semaine des témoignages de femmes vivant ces situations. Des femmes d’Église, des femmes chrétiennes engagées… C’est une prise de conscience progressive. Mon père, qui a accompagné énormément de victimes et qui était pionnier dans la lutte contre les violences sexuelles et spirituelles, nous rapportait de tels récits à table (en respectant bien entendu la confidentialité), j’ai donc eu conscience très jeune que, malheureusement, les abus existaient aussi dans les Églises. Progressivement, j’ai eu envie à mon tour de faire quelque chose. Longtemps j’ai pensé que d’autres allaient le faire, j’attendais, je priais, je disais « Seigneur change les choses, fais que ça s’arrête, qu’il n’y ait plus de violence ». Mais rien ne bougeait. Alors je me suis dit, si ça m’anime, si ça me touche, je dois peut-être essayer de faire quelque chose, avec d’autres. Ça a été l’impulsion de l’aventure Une place pour elles, des formations et des livres sur le sujet.
Une place pour elles, c’est donc la première brique de ta contribution à cette cause ?
Oui et non ! C’est sans doute un mélange. Je crois que la traduction de la Nouvelle Français courant, en travaillant à la source des textes, a déjà révélé cette grande sensibilité que j’avais à l’égard de la place de la femme dans nos Églises, dans les religions mais aussi plus particulièrement dans mon milieu évangélique. Je crois que c’est finalement un tout très cohérent. Les violences sont le haut de l’iceberg, un iceberg beaucoup plus massif appelé patriarcat.
Tout à fait. On entend souvent, quand une femme est dans une situation de violence, qu’elle n’a qu’à partir. Pourtant on sait bien que c’est beaucoup plus compliqué que ça…
De nombreuses fausses croyances circulent à ce sujet, «Si c’était si grave elle partirait !». On se dit aussi que ça n’arrive que chez les autres, pas dans notre milieu. Ce qu’on oublie, c’est le phénomène de l’emprise. Il faut dire et expliquer ce mot d’emprise. Elle est comme un lapin pris dans les phares d’une voiture : impossible de bouger. Pourquoi le lapin ne s’en va-t-il pas ? Pourquoi se laisse-t-il écraser ? Elle est sous emprise. On ne se lève pas un matin en décidant de commettre un féminicide, de tuer sa compagne, ce sont des années d’humiliation, de traquage, de menaces… Même quand le conjoint n’est pas là (on n’oublie pas les hommes victimes, mais la majorité des victimes sont des femmes), elles entendent encore sa voix dans leur tête, se sentent épiées, observées, traquées.
Tu fais notamment référence à l’impuissance apprise, une notion qui m’a intrigué. Peux-tu expliciter cette idée ?
Sans doute que notre culture patriarcale – non seulement dans les Églises mais plus globalement dans la société – a préparé un terreau pour que les femmes ne sachent pas poser de limites et dire non. C’est très difficile, davantage encore dans un milieu chrétien où on nous apprend depuis toujours à aimer notre prochain comme nous-mêmes, que l’amour pardonne tout, excuse tout, supporte tout. Il y a une grande confusion autour de ces idées. On n’a pas appris aux petites filles à savoir dire non. Et en réalité, l’amour, ça commence par le respect.
Comment une emprise s’installe-elle dans un couple ?
Encore une fois, on ne se lève pas un matin en devenant auteur d’un féminicide. Certains d’entre eux ont d’ailleurs également été victimes mais ça n’est pas une fatalité, on peut faire un travail sur soi. 4 millions d’enfants dans notre pays ont grandi dans un foyer où il y a de la violence, c’est énorme. Et si la parole se libère petit à petit, il faut toutefois continuer de penser aux enfants dans ces situations. C’est tout un climat de violence, c’est ce désir de contrôler l’autre, qu’il soit notre chose, qu’il nous appartienne et c’est pour cette raison que les féminicides ont souvent lieu lorsque la femme décide de partir. C’est à ce moment-là qu’ils passent à l’acte (« si je ne l’ai plus, alors personne ne l’aura »), assassinent leur épouse voire leurs enfants. On a eu des cas terribles, même dans les Églises, même de la part de pasteurs.
« Libérer la parole, en parler car le pire, c’est le tabou »
Là tu parles d’assassinats mais il y existe de nombreuses autres formes de violences conjugales. Est-ce qu’on peut les évoquer ?
Ici aussi les féminicides représentent la partie émergée de l’iceberg. En France, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon tous les deux jours et demi, mais si on considère les seules violences physiques, c’est 200.000 femmes, et si on élargit à tous les types de violences – elles peuvent être aussi psychologiques, sexuelles (avec l’exemple du viol conjugal, condamné seulement depuis peu par la loi française), spirituelles, économiques –, on arrive au chiffre beaucoup plus large de 2 millions de femmes. Ce sont nos sœurs, nos compagnes, nos filles, nos collègues, nos voisines, c’est celle qui est assise à côté de moi au culte… Cela concerne toutes nos sœurs, nos sœurs d’Église, nos sœurs en humanité et que va-t-on faire par rapport à ça ?
C’est énorme…
C’est l’éléphant au milieu de la pièce. On voit bien que la parole se libère aussi sur les violences intrafamiliales et sur l’inceste en particulier. Il n’y a pas de compétition, il faut mener ces différents combats en équipe, de front, et libérer la parole, en parler car le pire, c’est le tabou. Martin Luther King (j’aime beaucoup le citer, vous comprenez, je suis baptiste alors c’est une figure qui m’a marquée) dans sa prison à Birmingham, Alabama, en lutte pour les droits civiques, a dit « ce qui m’effraie ce n’est pas la cruauté des méchants, c’est l’indifférence des justes ». Cela nous appartient d’agir, de faire notre part, de faire le colibri, pour reprendre l’expression de Pierre Rabhi. C’est, à l’origine, une histoire qu’il a écrite dans laquelle survient un grand incendie de forêt. Alors qu’aucun animal ne fait quoi que ce soit pour l’arrêter, un petit colibri décide d’aller chercher une goutte d’eau et la dépose sur le feu. Quand les autres animaux se moquent de lui et lui demandent ce qu’il fabrique, celui-ci leur rétorque : « je fais ma part ». C’est une invitation pour chacune et chacun, là où il l’est, à faire sa part. Et faire sa part, cela peut être se former pour davantage reconnaître les signaux, apprendre à employer les bons mots, se renseigner sur les numéros essentiels (pour rappel, le 3919 est le numéro d’urgence pour toutes les femmes victimes de violences et c’est le 119 pour les enfants), lire un livre sérieux sur le sujet, soutenir par un don Une place pour elles ou devenir membre… Là où l’on est, faire sa part comme le colibri.
C’est vrai qu’on peut se sentir impuissant face à la gravité de la situation.
Moi, ce qui m’a encouragée, entre autres, outre les textes bibliques bien sûr, c’est la situation de l’Espagne ou du Canada qui ont réussi à faire chuter les chiffres. Il n’y a pas de fatalité, ces pays se sont donné les moyens, ils ont formé toutes les personnes susceptibles d’être en relation avec des femmes, les assistant-e-s social-e-s, les enseignant-e-s, les médecins, afin qu’ils aient le réflexe d’oser poser la question, tendre une perche, interpréter les signes, pour qu’ils puissent repérer une personne isolée, qu’on n’arrive jamais à voir seule, qui a été isolée des autres, etc. En formant les gens, l’Espagne a réussi à faire chuter les chiffres de toutes les violences faites aux femmes, pas seulement les féminicides, donc c’est possible.
Pourquoi est-ce que c’est difficile de faire de même en Europe francophone ?
On a sans doute encore de fausses croyances, qu’en tant que chrétiens ou qu’en tant que protestants on serait protégés, que ça n’arrive pas chez nous. « La petite maison dans la prairie », quoi ! Nos familles, c’est Charles Ingalls, les Bisounours et la Bibliothèque rose ! Face à ces croyances, la Bible peut beaucoup nous aider. La Bible c’est l’antidote car elle contient de nombreux textes de violences faites aux femmes, dans l’Ancien Testament en particulier, depuis Sarah vendue par Abraham, ou Agar, renvoyée par lui dans le désert, jusqu’à la pauvre Abigaïl, mariée à Nabal, la brute, en passant par les parents de Samson, avec ce mari qui n’écoute pas sa femme. Et le point culminant de ces textes se trouve en Juges 19 avec la pauvre épouse de second rang, la concubine du lévite, violée en réunion toute la nuit et découpée en morceaux par son mari… Là, c’est le summum. On entend rarement des prédications là-dessus… Pourquoi ces textes existent-ils ? La Bible nous montre que le monde n’est pas la Bibliothèque Rose, qu’il y a des victimes, et ces textes font écho à leurs cris pour que nous aussi, aujourd’hui, soyons à l’écoute et décidions d’agir.
(Lire la deuxième partie de l’entretien)
Transcription: Pauline Dorémus
Illustration du podcast Protestantes! par Anna Wanda Gogusey et portrait de Valérie Duval-Poujol.
(1) Cosette Fébrissy, Jacques Poujol et Valérie Duval-Poujol, Violences conjugales, Accompagner les victimes, Empreinte Temps présent (EssenCiel), 2020. Valérie Duval-Poujol, La Bible est-elle sexiste ? Parcours biblique, Empreinte Temps présent, 2021. Mureille Selon, La violence conjugale dans les Églises évangéliques en France: La comprendre pour agir, L’Harmattan, 2022.
(2) Valérie Duval-Poujol, Lire la Bible aujourd’hui, 10 clés pour mieux comprendre, Empreinte Temps présent, 2023.
