Et si l’on essayait, sérieusement, de s’en sortir - Forum protestant

Et si l’on essayait, sérieusement, de s’en sortir

« Combiner astucieusement les initiatives individuelles et un encadrement souple et incitatif par l’administration » : plutôt que nous tourner « comme d’habitude en rangs serrés vers le gouvernement »,  nous devrions plutôt, si nous voulons sortir de cette crise sanitaire à fortes conséquences économiques, « tenter chacun dans notre coin de faire redémarrer le système ». En combinant sécurité, reprise de l’économie et autonomie et sans immédiatement dénoncer les quelques défauts des nombreuses solutions proposées.

Texte paru sur Entrepreneurs pour la France.

 

 

On peut aborder les pandémies de deux manières différentes : soit on privilégie la continuation de l’activité économique en acceptant une morbidité augmentée comme dommage collatéral, soit on tente de gérer d’abord la crise sanitaire aux dépens de l’économie. La mort par la pandémie, ou la mort par l’asphyxie économique sont les Charybde et Scylla du coronavirus.

C’est probablement le risque évident de la saturation des hôpitaux qui, dans un premier temps, a orienté la plupart des pays vers une voie intermédiaire : freiner l’expansion incontrôlée de la pandémie par le remède historique du confinement, d’autant plus que nous manquions dramatiquement des remèdes supposés nécessaires – masques, lits, respirateurs, tests, etc. – par ailleurs souvent mal identifiés ou spécifiés.
Cela a en général permis de limiter les décès dans un cadre que nous avons considéré comme inévitable à défaut d’être acceptable sauf peut-être dans les Ehpad. Le problème économique créé par cette politique est très rapidement apparu par le biais du financement nécessaire. Qu’à cela ne tienne : le problème était remis à plus tard grâce au déficit, aux prêts et emprunts. On ne voulait pas répéter les errements de la crise de 2008-2009.

 

Un problème sanitaire compliqué d’une forte composante économique

Il apparaît à ce jour que ce n’est pas tout à fait aussi simple. On connaît mieux la maladie bien entendu mais on la connaît encore très mal : on a pu la freiner par le confinement, mais on ne sait pas comment en sortir, en particulier sans disposer d’un vaccin encore totalement hypothétique. Tous les jours on nous informe que la maladie ne pourra disparaitre naturellement que si 70 % de la population a développé des anticorps alors que ce n’est encore le cas que de 5 à 10 % d’entre nous ! Comment faire ce saut sans vaccin et sans déclencher de nouvelles vagues de contamination ?

Par ailleurs, mettre des financements à disposition des entreprises est une chose, les faire redémarrer une autre. Prenons quelques exemples :

La restauration annonce crûment que 40 % des établissements ne se relèveront pas de cette crise dont on ne sait d’ailleurs pas encore aujourd’hui à quelle date elle va se terminer pour eux et comment (c’est 1 million d’emplois en France actuellement). Le tourisme suit de près et n’est pas beaucoup mieux loti.

Les transports aériens sont qu’on le veuille ou non d’abord tournés vers l’international. La crise du coronavirus, comme la tour de Babel dans la Bible, a remis brutalement en place la notion de frontière. Ceci n’a rien que de très logique : en cas de crise, on se réfugie dans sa famille, dans sa tribu, dans son pays. Le trafic aérien international mettra certainement du temps à redémarrer. Derrière, la construction aéronautique et tous ses sous-traitants vont mettre du temps à sortir de convalescence s’ils y arrivent. Les autres transports en commun doivent résoudre le problème de la promiscuité.

Le bâtiment, 1 million d’emplois également environ, tente de redémarrer timidement mais a des difficultés importantes à gérer les distances sociales, voire les approvisionnements.

L’éducation (900 000 enseignants, 12,4 millions d’élèves sans intégrer les étudiants) : comment faire redémarrer cette machine dans une pandémie où, pour le moment, la seule réponse à efficacité vérifiée (et encore) a été ce que l’on appelait autrefois la quarantaine.

 

La tête dans le sable et les yeux au ciel

Au milieu de notre malheur nous avons eu quelques chances exceptionnelles : en particulier l’existence des téléphones portables, celle d’Internet et des médias télévisuels. À la crise de la mobilité, nous n’avons pas eu à ajouter une crise de la communication. Si l’on avait compté sur la Poste – des chèques envoyés le 15 mars ne sont toujours pas encaissés ou débités – , on en serait encore à discuter du droit de retrait et des trois ou quatre tournées hebdomadaires face à des boîtes aux lettres condamnées. Il me semble que nous pouvons cette fois-ci, et ceci malgré le dévouement personnel de quelques agents consciencieux, retirer définitivement à cette organisation sa médaille de service public.

Pour tout arranger, les Français se tournent comme d’habitude en rangs serrés vers leur gouvernement alors que ce problème est manifestement au-delà de sa compétence (plus probablement de celle de Dieu, s’il existe).

Si nous voulons nous en sortir, nous devons prendre notre destin en main et tenter chacun dans notre coin de faire redémarrer le système. Chaque fois qu’une solution est proposée, notre première réaction collective ou individuelle semble être d’en chercher les défauts. Amazon a continué à livrer pendant le confinement : les syndicats lui ont fait un procès et les juges l’ont condamné ! On n’a trouvé personne pour essayer d’améliorer leur fonctionnement et continuer à approvisionner les consommateurs en ordinateurs comme en petit pois. Le gouvernement propose de renvoyer les enfants à l’école. Non seulement les parents n’en peuvent plus, mais pendant ce temps-là ils ne peuvent pas retourner travailler. D’emblée, plus de la moitié des Français, professeurs ou parents confondus, ont dénigré le système. Il semble qu’il n’y ait quasiment que les maires à avoir essayé systématiquement de trouver des solutions. Quand on a parlé de faire repartir trains et avions, Air France et la SNCF ont expliqué que leurs moyens de transport ne pouvaient fonctionner que remplis. C’est certainement vrai en temps normal, mais en temps normal on ne paye pas des indemnités de chômage partiel. Que vaut-il mieux : faire rouler des trains à moitié remplis pas tout à fait rentables ou bien payer des indemnités à des gens qui restent chez eux ? Quant aux tenants de l’écologisme, ils installent consciencieusement des haies supplémentaires sur la piste du 100 mètres. On pourrait peut-être arrêter d’un seul coup toutes les centrales nucléaires : sans électricité, la situation serait certainement simplifiée …

Si pour améliorer la sécurité collective, il faut confiner quelques personnes reconnues contagieuses, est-ce un drame comparé à confiner tout le monde ? Si le Cantal, indemne à date, s’organise différemment et peut produire plus vite que la Seine-Saint-Denis, est-ce un drame ou une injustice ? Alors il faut comparer la quantité de soleil annuelle à Font-Romeu et à Béthune, et faire quelque chose.

 

S’en sortir par l’initiative encouragée

Nous devons combiner astucieusement les initiatives individuelles et un encadrement souple et incitatif par l’administration (les maires et les préfets ?). Que peuvent bien signifier les disputes entre un maire et un ministre sur l’obligation ou la recommandation du port d’un masque que chacun peut faire chez lui dans l’après-midi (surtout si l’on trouvait les élastiques) comparées à la mort accélérée de 500 personnes par jour ou à la faillite de sociétés et la fabrication systématique de chômeurs ? Sans évoquer pour le moment la dette qu’il faudra tout de même un jour rembourser …

Cela devrait se faire selon trois axes :

1. Maximiser la sécurité. Tout le monde doit porter un ou des masques. Ce n’est certainement pas la panacée mais cela ne fait pas de mal même au moral car cela rassure et diminue au moins les échanges de postillons. N’attendons pas qu’on nous les fournisse ; une bonne moitié de la population a des notions ne serait-ce qu’historiques de couture et peut les fabriquer cet après-midi. De plus, si un pays comme la France n’est pas capable en urgence de créer des ateliers pour les faire dans un délai qui court depuis deux mois, alors il faut quitter la France car ce pays est mort ou le sera à brève échéance … Les retraités par exemple peuvent faire des masques comme certains ont déjà fait des repas. Il faudra peut-être ajouter des gants.

Tout le monde doit se laver les mains et la lotion hydroalcoolique peut être présente partout et tout le temps. Pendant le lavage des mains, chanter Frère Jacques, c’est une bonne durée de référence.

Tout le monde peut sortir mais tout le monde doit respecter au maximum les éloignements. Et accepter de faire la queue. C’est notre nouveau mode de vie pour l’instant. Au passage, cela devrait réjouir les écologistes puisque nous faisons pour le moment un test en vraie grandeur de la vie frugale à laquelle ils aspirent pour leurs congénères : l’homme recule devant les autres espèces et arrête de consommer du pétrole et des voitures. Il ne faut pas dire que c’est insupportable pour les enfants : il faut leur donner l’habitude dès maintenant de le faire. C’est le nouveau lavage de dents, à la maison d’abord et à l’école ensuite.

Généraliser les prises de température, faute de mieux et les tests le plus vite possible afin de pouvoir a minima mettre en quarantaine les personnes malades. Nous l’avons fait le premier jour avec les rapatriés de Chine, pourquoi avons-nous arrêté ? Il faudrait que chacun sache peut-être s’il est : en bonne santé et protégé, en bonne santé mais pas protégé, en bonne santé mais contagieux, malade et contagieux … Je ne suis pas médecin, je ne sais pas si c’est possible. Mais ma liberté devrait quelque part être évaluée en fonction de mon état et des risques pour moi et les autres. À titre personnel, je m’interroge tout de même sur ce fameux 5 à 10 %, peut-être à vérifier.

2. Favoriser la reprise de l’activité économique dans tous les secteurs le plus vite possible et en sautant ou en modifiant l’organisation des vacances et des habitudes. Considérons que nous avons été jusqu’à maintenant pendant deux mois en vacances forcées. Si nous voulons manger demain, nous devons recommencer à produire aujourd’hui. Il faut donc partir du principe que tout le monde doit proposer son mode de redémarrage qui pourra d’un côté alléger ses problèmes économiques, salariaux, ou financiers et de l’autre limiter dans la mesure du possible les risques l’accompagnant. Une place sur deux dans les cinémas, les restaurants, les avions et les trains. Une personne tous les mètres dans les magasins, les boutiques, chez les coiffeurs, etc. Essayons de nous projeter chacun d’entre nous dans les solutions, pas dans les problèmes. Et soyons simples et constructifs. Essayons de nouvelles solutions et évaluons-les en permanence.

De ce point de vue, les actions de type syndical sur Amazon ou celles des enseignants, voire des parents contre une éventuelle rentrée scolaire sont inadmissibles et mortifères. Quel peut être mon intérêt à améliorer ma situation par rapport à celle mes concitoyens dans une société qui aura cessé de fonctionner ? Politiques, syndicalistes, salariés ou travailleurs, entrepreneurs patrons, rappelons-nous chaque jour que nous essayons de vivre en améliorant notre situation et celle de la société dans laquelle nous vivons, lesquelles sont intimement liées, encore plus aujourd’hui qu’autrefois. Et si demain la CGT était condamnée pour avoir, sciemment, aggravé la situation de ses mandants en les empêchant de conserver ou retrouver un salaire ?

3. Stopper progressivement mais fermement la drogue des subventions et autres médecines douces. Une fois de plus les Français se sont tournés vers l’État. Que ce soit pour les individus ou les entreprises, tout a été garanti, au moins sur le papier. Si l’on veut réellement que tout le monde s’y mette, que les professeurs fassent un double horaire pour assumer une classe coupée en deux, que des patrons payent des heures supplémentaires ou rognent sur leurs marges pour livrer les commandes, que des restaurateurs servent des repas à table mais en parallèle en drive-in, etc. Il faut arrêter la distribution générale illimitée ou au moins la limiter drastiquement. Nous sommes ainsi faits que nous marchons à la carotte mais aussi au bâton. Ne punissons personne, mais cessons peut-être de récompenser. John Fitzgerald Kennedy a eu un jour cette phrase devenue célèbre : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour lui. »

 

Illustration : boite à lettres condamnée pour cause de Covid-19 en Ardèche (photo CC-Sarang).

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