L'aumônier des champions - Forum protestant

À l’été 2024 se dérouleront les Jeux Olympiques de Paris, avec plus de 200 nations représentées, près de 11000 athlètes en compétition, 10 millions de spectateurs attendus, 6000 journalistes accrédités, 31500 volontaires dédiés et… des aumôniers, dont une équipe d’aumôniers protestants. Joël Thibault, ancien footballeur amateur, entraîneur diplômé de la FFF et pasteur protestant ayant fait de l’accompagnement spirituel des sportifs de haut niveau sa vocation fera très certainement partie de ceux-là. Il est également proche du footballeur Olivier Giroud, qui interviendra pour évoquer son rapport à la foi et l’importance à ses yeux de l’accompagnement spirituel.

Écouter l’émission Solaé Le rendez-vous protestant (23 juillet 2023, présentée par Jean-Luc Gadreau et réalisée par François Caunac).

 

 

Jean-Luc Gadreau: Le 26 juillet 2024 débuteront les Jeux olympiques de Paris qui se dérouleront pendant 16 jours. Précisons que plusieurs tournois, comme ceux du handball, du football et du rugby, débuteront quant à eux dès le 24 juillet. Parmi les milliers d’acteurs de cette 33e olympiade de l’ère moderne, des aumôniers, catholiques ou protestants, dont Joël Thibault, aumônier des champions, pour reprendre le titre de son livre récemment sorti aux Éditions du Cerf. Joël, vous serez à l’été 2024 une nouvelle fois au cœur de l’action, car il me semble que vous avez déjà officié comme aumônier aux Jeux olympiques à Rio et à Tokyo?

Joël Thibault: Oui, mais je ne peux pas me prononcer trop rapidement. Je fais aujourd’hui partie de la commission de la Fédération protestante de France qui pilote cette aumônerie mandatée par le gouvernement et par le COJO (1) et les choses sont en cours. J’espère toujours en faire partie en 2024 mais le destin, d’une certaine manière, est entre les mains de Dieu et de cette commission… Cela dit, je possède effectivement une expérience de plusieurs années au sein d’aumôneries officielles, c’est-à-dire dans des compétitions officielles mettant à disposition des lieux de recueillement, de ressourcement, d’écoute et aussi de célébration cultuelle.

 

Jean-Luc Gadreau: Nous allons parler de votre livre, L’Aumônier des champions, qui raconte à la fois votre parcours personnel et ce que vous vivez dans votre ministère. Vous ne serez pas tout à fait seul car nous aurons la joie d’être rejoints par un immense champion, le footballeur Olivier Giroud, qui est l’un de vos amis.

Pour entrer dans la thématique sportive et spirituelle, je vous partage avant toute chose le billet de notre chroniqueuse Sophie Ollier, qui réagit à la notion de sportif de haut niveau:

 

Comment reprendre son souffle ?

Ce matin, jouons franc-jeu. J’ai un peu l’impression qu’on pédale dans la semoule ou qu’on a la tête dans le guidon. On l’entend, on le voit partout autour de nous, on est dans une course contre la montre pour ne pas sombrer. L’urgence est partout: politique, sociale, environnementale… On ne sait plus où donner de la tête et, parfois, même, on est mis KO. La fatigue se fait sentir, la colère monte, des voix s’élèvent, de la violence s’exprime, on est dans un corps à corps constant avec l’urgence de ce monde et des vies qui sont en jeu. Certains rendent coup pour coup et d’autres déclarent forfait. En plus, on doit gérer nos vies, les agendas, les activités, les engagements… Toute cette frénésie nous fait espérer la troisième mi-temps.

Alors, comment faire? Que faire, même? Comment reprendre son souffle dans ce contexte oppressant? J’aimerais vous partager un verset qui se trouve dans le livre d’Ésaïe:

«Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force, ils prennent leur essor comme les aigles, ils courent et ne se fatiguent pas, ils marchent et ne s’épuisent pas». (Ésaïe 40,31)

Ah! Le rêve: courir sans se fatiguer, marcher sans s’épuiser! Alors, pour tout vous dire, j’ai quand même la grande impression qu’on court un sprint en continue pour garder les rennes de nos vies en main, alors que notre vie n’est pas un sprint mais une course de fond. Si nous sommes fatigués, si nos muscles nous font mal, si nos engagements nous font mal en nous prenant une énergie qu’on n’a pas ou plus, alors c’est que nous courons un sprint. Prenons le temps de la respiration régulière pour que dans notre course, dans tous nos projets, nous puissions aussi savourer chaque pas, chaque petite avancée. On nous demande de manger 5 fruits et légumes par jour et de marcher au moins 30 minutes pour notre santé. Pourquoi est-ce qu’on ne fait pas la même chose avec notre vie en général? Pas seulement le côté corporel mais aussi tout ce que la vie nous apporte de spirituel. Pour continuer à être en bonne santé, notre vie, notre être, notre foi, doit marcher au moins 30 minutes par jour. Et si nous pouvons faire ça, c’est parce que Dieu ne nous promet pas d’alléger nos agendas ou de stopper l’urgence mais il nous promet de nous aider, de renouveler nos forces, de nous soutenir, de nous reconstruire, de nous redonner le souffle qui nous manque si nous le laissons faire.

Alors, soyons clairs: Dieu ne pourra pas mettre 27 heures dans une journée de 24. Par contre, si de temps en temps nous prenions ne serait-ce que 2 minutes pour s’en remettre à lui, si de temps en temps nous prenions le temps de faire quelque chose qui a du sens pour nos vies, alors il renouvellera nos forces et nous permettra de courir sans se fatiguer, de marcher sans s’épuiser. Je vous l’assure, seulement 2 minutes avant de sortir de voiture pour aller à un rendez-vous ou en marchant pour aller chercher ses enfants au foot ou à la danse, seulement 2 minutes de pause, de moment où on décide de reprendre son souffle, de laisser Dieu se rendre présent en nous. Ça fait un bien fou. Remettons le sens au milieu de nos vies et de nos projets, ainsi nous serons dans la confiance que, quoiqu’il arrive, nous ne nous essoufflerons pas mais deviendrons des sportifs de haut niveau pour un monde plus vrai et plus humain.

 

Jean-Luc Gadreau: Nous pouvons donc aussi être des sportifs de haut niveau – à notre manière, bien sûr. C’est une bonne nouvelle! Est-ce que les paroles de Sophie vous inspirent, Joël, vous qui côtoyez constamment des sportifs de haut niveau?

Joël Thibault: Tout ce que Sophie partage est très inspirant car je pense que c’est aussi un défi pour les sportifs. Je leur conseille souvent de se préparer toute la semaine plusieurs fois par jour avant un match de 90 minutes, dans le foot, ou 60 minutes dans le hand, ou des fois pour 10 secondes, pour un sprint… mais investissent-ils le même temps dans leur intimité avec Dieu? Certains disent que le sport, c’est la guerre, et je pense que parfois, malheureusement, il y a tellement de pressions et de gens mal intentionnés qu’il faut être armés mentalement et spirituellement pour pouvoir être dans cette paix. «Quand les coups nous assaillent», pour répondre à l’image du Christ.

 

«Le sport était vraiment ma religion au départ»

Jean-Luc Gadreau: Joël, je ne résiste pas à l’envie de vous poser cette question que l’on vous pose si souvent (au point d’en avoir fait d’ailleurs le titre de l’un de vos chapitres): le sport et la foi sont-ils compatibles?

Joël Thibault: Oui, ils sont compatibles… mais c’est un long cheminement. C’est un monde qui est difficile mais pas plus difficile que le monde de la finance, des traders ou de la politique. Il y a des requins partout… et il y a aussi des dauphins partout! C’est une question de motivation et de recherche de l’amour du prochain. C’est la question la plus difficile dans le sport et elle doit être connectée à nos valeurs: est-ce que je veux gagner par tous les moyens et à n’importe quel prix? C’est ce que j’explique dans le livre, d’ailleurs. Certains sportifs sont capables de risquer jusqu’à leur vie et de mourir pour le sport. À 35 ans, parfois, je trouve ça triste.

 

Jean-Luc Gadreau: C’est certain. Par ailleurs, a-t-on le droit de prier pour qu’une équipe gagne?

Joël Thibault: C’est un gros chantier théologique!… Ce sont des questions qui reviennent souvent. Certains répondent non, d’autres répondent oui. Moi je réponds: parfois

 

Jean-Luc Gadreau: Est-ce que ça vous est arrivé à vous, personnellement? Nous n’avons pas les mêmes clubs de cœur, mais ce n’est pas grave!…

Joël Thibault: On se les bénit réciproquement!… Oui ça m’est arrivé et, dans mon livre, je raconte ce moment avec Olivier Giroud où nous étions plusieurs en train de prier. Je pense que cela servait une cause plus grande et qu’aujourd’hui, avoir Olivier en équipe de France permet, de manière assez surprenante, de faire connaître le nom de Jésus.

 

Jean-Luc Gadreau: Être aumônier dans le sport n’est d’ailleurs pouru vous pas une opportunité subite, c’est une étape dans un cheminement personnel fait de sport et de foi. Vous revenez sur tout ce parcours dans le livre mais pouvez-vous nous dire quelques mots sur la façon dont vous êtes devenu aumônier?

Joël Thibault: Je suis avant tout un passionné de sport… et le sport était vraiment ma religion au départ. Je pensais que c’était ce qui allait vraiment donner un sens à ma vie et j’ai tout misé là-dessus jusqu’à ce que je découvre que ce n’était pas ce qui me comblait ni ne me rendait heureux. C’est donc à travers tout ce parcours que j’ai découvert l’Évangile et qu’en regardant vers Jésus, j’ai découvert l’amour vrai. J’ai redécouvert ce qui comblait véritablement ma vie et c’est ce qui m’a mis sur le chemin d’accompagner les autres à travers le sport. Le sport, c’est avant tout des rencontres et c’est ce que j’aime aussi dans ce rôle d’aumônier: rencontrer les gens, pouvoir échanger sur leur vécu. Comme nous avons une passion en commun, le sport, la connexion se fait assez facilement.

 

Jean-Luc Gadreau: Dans l’introduction du livre, pour donner à comprendre le sens profond du ministère d’aumônier, vous revenez sur l’origine du mot et l’histoire qui l’accompagne pour en arriver à l’idée maîtresse que l’aumônier est porté fondamentalement par l’amour du prochain et le partage.

Joël Thibault: Exactement: c’est Martin de Tours qui donne une partie de sa cape à une personne dévêtue. Dans l’aumônerie, nous avons coutume de dire qu’on célèbre quatre enterrements pour un mariage (c’est normalement l’inverse dans la vie) car il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Tous courent après une médaille mais il n’y a qu’un seul vainqueur, et même ceux qui ont la médaille d’argent ou de bronze ne sont pas satisfaits car pour eux, c’est une défaite. Quand il y a l’euphorie, les gens n’ont pas forcément besoin d’accompagnement. Certains si, car ils ont maturé dans leur foi, dans leur parcours, et il y a des besoins d’écoute, d’accueillir les émotions, la déception, la recherche de sens derrière la défaite et aussi derrière la victoire. Tout cela conduit à des remises en question et à des recherches spirituelles.

 

Olivier Giroud: «Donner envie aux autres d’en parler davantage»

Jean-Luc Gadreau: Parmi les sportifs autour de vous, il y a donc Olivier Giroud que vous accompagnez depuis 2017, footballeur international français qui évolue aujourd’hui au poste d’attaquant à l’AC Milan en Italie, 122 sélections avec l’équipe de France, champion du monde en 2018, meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France avec 53 réalisations. Un champion immense, reconnu aussi pour son comportement exemplaire, qui se présente comme un chrétien protestant évangélique, n’hésitant pas à témoigner de sa foi en Jésus Christ. Olivier Giroud nous fait l’immense honneur de répondre à plusieurs questions et la première concerne sa relation avec vous, Joël Thibault.

Olivier Giroud: Qu’est-ce que je voudrais dire sur Joël?… C’est une personne à l’écoute, bienveillante et disponible depuis mars 2017, date à laquelle nous nous sommes rencontrés pour la première fois, un peu par hasard, dans le temple du football français à Clairefontaine. Nous avons énormément échangé sur nos points communs, notre passion, le foot, évidemment, mais pas seulement et nous avons bien sûr également échangé sur notre foi. Ma rencontre avec Joël a vraiment créé un déclic; elle a développé chez moi une envie d’en apprendre davantage sur la vie de Jésus, c’est donc un moment important dans mon chemin de foi. Au fur et à mesure, nos échanges, nos moments de partage sur la foi chrétienne, sur la parole de l’Évangile et aussi les études bibliques ont fait grandir en moi un désir, une soif vraiment d’en savoir plus sur la Parole.

 

Jean-Luc Gadreau: À quoi bon un aumônier pour un sportif tel que vous?

Olivier Giroud: Je pense qu’un aumônier sportif est très important pour la santé mentale. La santé mentale du commun des mortels est un vrai sujet aujourd’hui, mais aussi celle des sportifs car nous sommes exposés au quotidien à une obligation de performance. Face à la pression, de nombreux sportifs se sentent un peu isolés, laissés de côté, et je pense que l’accompagnement des aumôniers sportifs tels que Joël auprès des athlètes est vraiment important. C’est une question sur laquelle il faut porter une réflexion. On dit bien souvent, à juste titre, que le sportif a besoin de se sentir bien dans sa tête pour ensuite être compétitif sur le terrain, et moi je prône vraiment cet accompagnement spirituel auprès des sportifs qui en ressentent le besoin.

 

Jean-Luc Gadreau: Vous qui êtes à la fois chrétien et un vrai champion, quel est votre plus grand défi personnel?

Olivier Giroud: Toujours donner le bon exemple et surtout, rendre gloire à Dieu dans tout ce qui m’arrive, le remercier, avoir un cœur reconnaissant pour cette chance de vivre de ma passion, avoir la chance de vivre toutes ces émotions, de les partager avec ma famille, mes proches, mes amis, continuer à être un peu un porte-drapeau, un ambassadeur du Royaume de Dieu au sein du foot. Beaucoup sont croyants mais peu ressentent le besoin d’en parler (d’autres n’osent pas en parler). Si je peux être un déclencheur, donner envie aux autres d’en parler davantage, d’annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile, je continuerai, quoiqu’il arrive tout au long de ma carrière à rendre gloire à Dieu d’être un représentant – avec toute l’humilité qui est la mienne – de tous les chrétiens sportifs et des autres.

 

Jean-Luc Gadreau: Et quels sont vos projets personnels?

Olivier Giroud: Je ne me projette pas à long terme et encore moins à moyen terme. Disons que j’avance année par année. J’ai envie de jouer au foot jusqu’à ce que mon corps me dise stop car je sais que ça me manquera beaucoup après. Je veux donc profiter chaque instant de la chance que j’ai de continuer à jouer à bientôt 37 ans et prendre un maximum de plaisir. Pour la suite, j’ai quelques idées, notamment rester dans le foot parce que c’est ce que j’ai fait presque toute ma vie… mais je ne sais pas encore dans quelle fonction. Une chose est sûre, je continuerai à évoquer ma foi, qui est très importante dans ma vie.

 

Jean-Luc Gadreau: Auriez-vous une anecdote à nous laisser qui concerne peut-être plus particulièrement votre relation avec Joël Thibault?

Olivier Giroud: Joël aime bien me comparer au personnage biblique de Joseph du fait que rien n’a vraiment été facile pour moi tout au long de ma carrière et qu’il a fallu que je m’arme de patience, de résilience et que je développe une vraie force de caractère. Bien sûr, cette force de caractère, je la puise dans ma foi en Jésus, en Dieu. Je pense que c’est un bel exemple pour beaucoup de jeunes qui, par exemple, rencontrent des difficultés dans leur vie. C’est un message rempli d’amour, d’humilité et de résilience, des valeurs qui me sont très chères.

 

Jean-Luc Gadreau: Merci beaucoup, Olivier Giroud, pour cet échange. Continuez de nous faire rêver et que Dieu vous garde et vous bénisse.

 

«Faire que mon sport soit un moyen d’honorer Dieu»

La lecture de la Bible, si elle est importante pour Olivier Giroud, l’est aussi pour vous, Joël, et vous avez choisi pour notre rendez-vous avec la Parole de citer Romains 12, 1-3 et 21:

1Frères et sœurs, puisque Dieu a ainsi manifesté sa bonté pour nous, je vous invite à vous offrir vous-même en sacrifice vivant qui appartient à Dieu et qui lui est agréable. C’est là le véritable culte conforme à la parole de Dieu.

2Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous discernerez alors ce que Dieu veut, ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait.

3À cause du don que Dieu m’a accordé dans sa bonté, je le dis à chacun de vous, ne vous prenez pas pour plus que vous n’êtes mais ayez une idée juste de vous-même, chacun selon la part de foi que Dieu lui a donné.

21Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois au contraire vainqueur du mal par le bien.

 

En quoi ces versets vous parlent-ils et pourquoi les avoir choisis?

Joël Thibault: Parce que la plus grande des motivations est l’amour. C’est à cause des immenses compassions et bontés de Dieu (on n’aura jamais assez de temps pour explorer tout cela) que nous sommes appelés à offrir notre corps. Moi, en tant que sportif: m’offrir et faire que mon sport soit un moyen d’honorer Dieu. S’il n’y avait pas ce verset, je ne serais pas là aujourd’hui…

 

Jean-Luc Gadreau: C’est quelque chose qui vous porte dans votre ministère. D’ailleurs, peut-on parler de ministère pour un aumônier au sport?

Joël Thibault: Je pense que maintenant, on peut. Mais peut-être que ça aurait été compliqué il y a 30 ans. J’ai porté ma croix, comme Jean-Baptiste, j’ai crié dans le désert… Nous sommes un peu plus entendus aujourd’hui mais je pense qu’il reste un gros travail à faire en France pour que ce statut soit reconnu.

 

Jean-Luc Gadreau: Vous êtes le seul en France?

Joël Thibault: Je ne suis pas le seul: il y a des clubs de rugby dans le Sud de la France qui ont accepté d’avoir des aumôniers dans des clubs où il n’y a pas beaucoup de croyants mais où l’effet bénéfique de ces aumôniers sur la santé mentale des joueurs a été constaté (Olivier évoquait cette problématique tout à l’heure). Il est important de pouvoir vider son sac, déverser ses émotions face à quelqu’un de neutre et bienveillant, recevoir aussi la prière pour ceux qui le demandent (il n’est pas rare en effet que les gens apprécient la prière même s’ils ne sont pas croyants). C’est quelque chose de spécial qui me rappelle beaucoup d’émotions et de témoignages autour de l’impact que peut avoir une simple prière: non pas offensive mais temps de bénédiction et de paix.

 

Jean-Luc Gadreau: Vous êtes donc au cœur du milieu sportif avec toutes les paillettes que l’on imagine, le rêve même (que j’évoquais avec Olivier Giroud), les émotions extraordinaires que le sport génère. Mais il y a aussi la face sombre et des aspects bien plus compliqués. En tant que chrétien, pasteur et aumônier, quel est votre point de vue sur tous ces aspects moins jolis du sport?

Joël Thibault: Le cœur du problème dans le monde du sport, est celui du cœur de chaque être humain. Comme dans toutes les sphères de la société, malheureusement, il y a de la corruption, de la tricherie, de la haine, l’argent qui prend le dessus et beaucoup d’injustices autour de cet argent. On regarde d’ailleurs souvent les choses à travers le prisme du PSG, qui a beaucoup d’argent, mais il y a des joueurs dans une même équipe qui peuvent gagner 30 fois moins qu’un autre joueur alors qu’ils font le même travail, le même volume horaire, et qui des fois même travaillent plus!… Ce côté pas très équitable, parfois, peut provoquer des jalousies et des conflits dans des vestiaires pouvant amener à jeter des sorts sur des joueurs!…

 

Jean-Luc Gadreau: Il y a tout un aspect d’occultisme dont on entend de plus en plus parler dans les journaux. Je crois que vous avez été interviewé plusieurs fois sur le sujet?

Joël Thibault: J’ai fait un documentaire qui s’appelle Ce n’était pas mental pour traiter justement de ces problèmes. Une joueuse était en équipe de France et n’arrivait plus à jouer. Elle savait que son problème n’était pas mental mais n’arrivait pas à trouver de solutions. Personne ne la croyait, elle perdait son shoot… et en fait, c’était un problème d’ordre spirituel que seuls un aumônier ou un pasteur pouvaient traiter. À partir du moment où elle a prié Jésus, son problème s’est arrêté, elle a pu reprendre sa carrière et découvrir qui lui avait fait ça. La personne a même fait une démarche de pardon, ou en tout cas d’excuses. C’était donc bien réel, ce n’était pas mental mais bien spirituel. On le retrouve dans des clubs, dans des équipes nationales… Je pense que si une équipe africaine n’a pas gagné la Coupe du monde c’est que, peut-être, il y avait tellement de concurrence à l’intérieur même des équipes (chacun se jetant des sorts) qu’ils ne pouvaient pas y arriver. Cela nous dépasse, aujourd’hui, en tant que Français, car nous sommes dans nos cultures moins au fait de ces choses-là… mais il existe une véritable emprise et une réalité qui est là.

 

«Pour le bien-être holistique de ces sportifs»

Jean-Luc Gadreau: Nous avons commencé l’émission en évoquant les Jeux olympiques de Paris. Comment cela va-t-il se passer du côté protestant? Avez-vous déjà des petits idées, par rapport à ce que vous avez connu ailleurs?

Joël Thibault: Je pense que cela pourra même aller plus loin que ce que j’ai connu à Rio. La Fédération protestante et l’Église catholique de France ont fait la demande conjointe d’avoir une permanence 24h/24, avec un accueil de nuit, dans le village comme dans toutes les olympiades (donc également pour les Jeux paralympiques qui continueront jusqu’en septembre). Il y aura un centre multiconfessionnel, multi-foi, où les athlètes pourront passer d’un lieu de culte à un autre s’ils le veulent et il y aura aussi des espaces d’écoute et des espaces de célébration. Des contours sont encore à dessiner pour que le COJO prenne toute la dimension de l’importance de ces structures pour ces sportifs venus du monde entier. J’ai déjà vu des rassemblements de 200 athlètes de nations différentes en train de chanter des louanges, les regards fixés sur Jésus. Cela leur fait beaucoup de bien. Vous voyez, on est dans un autre univers que les marabouts et tout ça… Le christianisme rassemble, et j’ai vécu des expériences, que je raconte dans le livre, où des sportifs s’encourageaient entre eux alors qu’ils étaient en compétition. D’autres pleuraient en coulisse dans l’aumônerie, recevaient la prière entre sportifs puis, des années plus tard, grâce à cette expérience, réussissaient à atteindre l’objectif qu’ils souhaitaient atteindre. C’est donc vraiment pour le bien-être holistique de ces sportifs qu’il y a ces services d’aumônerie. Ils sont plus que nécessaires.

 

Jean-Luc Gadreau: Le mot holistique a été évoqué à l’instant. C’est un terme que vous utilisez?

Joël Thibault: Oui, c’est de cette dimension. C’est présent dans le langage anglo-saxon, qui a davantage pris en compte cet aspect corps-âme et esprit. Même dans les pays musulmans, il existe des salles de prière, cela fait partie de leur culture et de l’environnement du sportif. Il faut donc que nous, en France, on puisse avancer, s’inspirer des meilleures nations, sans faire de prosélytisme et en respectant la liberté de croire ou de ne pas croire.

 

Jean-Luc Gadreau: Permettez-moi de reprendre vos mots à la dernière page de votre livre. Vous écrivez:

«Je prie pour que le sport français puisse prendre en compte la place du bien-être holistique des sportifs et investir dans un héritage qui est plus précieux que l’or. Nous irons plus loin, plus vite, plus fort ensemble en prenant soin les uns des autres, chacun avec ses particularités».

Peut-être, pour conclure, un dernier mot de votre part autour de ce qui est, pour vous, un défi en tant qu’aumônier au sport?

Joël Thibault: Le défi en tant qu’aumônier est aussi d’accompagner le sportif quand sa carrière s’arrête, quand les projecteurs s’éteignent. Il faut être présent à ce moment-là parce qu’il est un être humain qui a besoin d’amour, de repères, et qui est en recherche constante d’identité. Sa vie a été focalisée sur la performance et il faut qu’il apprenne à être aimé par Dieu quand les projecteurs sont éteints.

 

Jean-Luc Gadreau: D’autant plus que ce sont des sportifs qui ont souvent commencé leur carrière très jeunes. Ils ont donc particulièrement besoin de ce soutien quand cela s’arrête.

Joël Thibault: Exactement, et la question se pose même pour Olivier: est-ce que c’est son corps qui doit lui dire d’arrêter ou est-ce que c’est son esprit?

 

Transcription réalisée par Pauline Dorémus.

 

Illustration : Olivier Giroud lors du match Ukraine-France le 25 mars 2021 (Source: Wikimedia Commons, CC-BY-SA-3.0).

(1) Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques.

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