Commémorer la Saint-Barthélemy ? - Forum protestant

Le massacre de la Saint-Barthélemy fait partie de la mémoire collective des Français, consensuellement réprobatrice. Symbole d’un sommet de violences sanglantes contre des civils, au temps des guerres de religion entre catholiques et protestants, la Saint-Barthélemy désigne un événement qui bouleversa la minorité protestante le 24 août 1572. Mais faut-il pour autant commémorer la Saint-Barthélemy après 450 ans?

Écouter l’émission Solaé Le rendez-vous protestant (18 septembre 2022, présentée par Jean-Luc Gadreau et réalisée par Delphine Lemer).

 

Jean-Luc Gadreau: Nous nous trouvons dans la bergerie du Mas Soubeyran, dans les Cévennes, où s’est déroulée l’Assemblée du Désert le dimanche 4 septembre 2022 et nous allons en quelque sorte prolonger cette assemblée du Désert au travers d’une conversation autour de la thématique de cette assemblée: Commémorer la Saint-Barthélemy? (avec ce point d’interrogation final très important). Pour ce faire, avec moi trois invités que je m’empresse de vous présenter: une pasteure, tout d’abord, Ingrid Prat, qui exerce son ministère à proximité de ce lieu où nous nous trouvons, dans l’Église protestante unie Gardon et Vidourle, sur le secteur de Saint-Hippolyte-du-Fort et qui a apporté le message final de cette assemblée 2022. Avec nous également, Marianne Carbonnier-Burkard, historienne, maître de conférence, écrivaine et vice-présidente de la Société d’Histoire du Protestantisme Français. Et enfin Olivier Millet, professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne après avoir été professeur à Avignon, Paris-Est et Bâle et qui a également publié plusieurs ouvrages, des études consacrées à Jean Calvin, Montaigne, Joachim du Bellay et Marguerite de Navarre ainsi qu’à la tragédie humaniste et à la littérature religieuse de la Renaissance.

Avant de nous interroger sur la notion de commémoration, il faut sans doute rappeler rapidement ce que c’est que la Saint-Barthélemy. Marianne Carbonnier-Burkard, en tant qu’historienne pouvez-vous répondre brièvement à cette question?

 

De l’attentat raté à la tuerie

Marianne Carbonnier-Burkard: La Saint-Barthélemy, c’est le massacre du 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy. En réalité, c’est une pièce en plusieurs actes qui a probablement commencé par le mariage le 18 août d’Henri de Navarre avec la sœur du roi Charles IX, Marguerite. Ce mariage était vu à la fois comme un symbole de réconciliation entre protestants et catholiques (Henri de Navarre est protestant et Marguerite catholique, c’est donc un mariage mixte) et comme une chose horrible car, dans la population parisienne, que la sœur du roi puisse épouser un hérétique est très mal perçu. Après le mariage, l’attentat raté contre l’amiral de France Gaspard de Coligny conduit les huguenots de l’entourage de Coligny à réclamer justice au roi et sans doute à faire pression sur ce dernier pour qu’il agisse contre les Guise, immédiatement désignés comme les auteurs de cet attentat. Au lendemain de l’attentat manqué, Catherine de Médicis réunit un conseil du roi étroit – sans doute sans Charles IX – avec le duc d’Anjou et Henri de Guise (qui à Paris est considéré comme un héros, donc intouchable) et décide, pour en finir avec le risque de subversion, d’éliminer les huguenots qui font pression pour que le roi châtie les Guise. L’idée est donc d’éliminer Coligny et tous les capitaines huguenots qui l’ont accompagné au mariage. Ainsi, dans la nuit du 23 au 24 août, Coligny est assassiné par les hommes du duc de Guise et les capitaines huguenots qui logent au Louvre sont également sortis du lit et tués par les gardes du roi et les Suisses, qui font l’appoint. Après cet assassinat, qui fait du bruit dans Paris endormie, commence une tuerie qui est cette fois-ci encadrée par la milice bourgeoise qui entre dans les maisons repérées comme celles des huguenots et se livre non seulement à une tuerie mais à des pillages, à un débordement complet. Charles IX présente le massacre comme étant un acte de justice préventive du roi face à une sédition qui était avérée.

 

Jean-Luc Gadreau: Olivier Millet, c’est, semble-t-il, un épisode problématique de l’Histoire nationale et européenne, cette Saint-Barthélemy?

 

Olivier Millet: Oui, puisque le massacre intervient dans un contexte européen très divisé, avec des pays protestants et des pays catholiques. Dans les pays protestants se propage immédiatement l’image d’une France où le pouvoir est massacreur, alors même que le pays essayait depuis des années de trouver des voies de pacification religieuse à travers les édits de pacification qui suivaient chaque guerre civile. C’est une image très forte car elle torpille en grande partie les efforts diplomatiques de la monarchie française et notamment la diplomatie matrimoniale des rois de France. Dans les pays catholiques, c’est au contraire une grande fête, tout comme dans les milieux catholiques en France d’ailleurs. On ne compte pas les poèmes, les textes triomphants, les feux d’artifice, les médailles en souvenir de ce qui est vu comme une libération.

 

Jean-Luc Gadreau: Ce qui est étonnant c’est qu’on était dans une période plutôt paisible entre religions.

 

Marianne Carbonnier-Burkard: En tout cas, en 1572, depuis le traité de Saint-Germain-en-Laye de 1570, on est en pleine paix. Le scandale vient aussi de là, du fait que c’est un massacre qui a eu lieu hors temps de guerre, en pleine paix, et a fortiori après le mariage de Henri de Navarre.

 

Olivier Millet: D’ailleurs, en Allemagne mais aussi dans d’autres pays, on ne l’appelle pas tout de suite la Saint-Barthélemy, appellation protestante, mais les noces de sang.

 

«Souviens-toi»

Jean-Luc Gadreau: Commémorer la Saint-Barthélemy, c’est ce qui nous interroge. Commémorer, c’est rappeler le souvenir, entrer sur le terrain de la mémoire. Dans Solaé le rendez-vous protestant, nous avons un traditionnel rendez-vous avec la Parole, le texte biblique et, justement, dans le judaïsme et le christianisme, se souvenir est une démarche primordiale. C’est ce qui transparaît dans cette recommandation offerte dans l’Ancien Testament (Deutéronome 8,2-6, 11):

 

«2Souviens-toi de la longue marche que le Seigneur ton Dieu t’a imposée à travers le désert pendant 40 ans. Il t’a ainsi fait rencontrer des difficultés pour te mettre à l’épreuve, afin de découvrir ce que tu avais au fond de ton cœur et de savoir si oui ou non tu voulais observer ses commandements.

3Après ces difficultés, après t’avoir fait souffrir de la faim, il t’a donné la manne, une nourriture inconnue de toi et de tes pairs. De cette manière, il t’a montré que l’être humain ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.

4Tes vêtements ne sont pas usés, tes pieds n’ont pas enflé durant ces 40 ans.

5Comprends-donc bien que le Seigneur ton Dieu veut t’éduquer comme un père éduque son fils.

6Observe les commandements du Seigneur ton Dieu, conduis-toi comme il le désire et reconnait son autorité.

11Prends bien garde ensuite de ne pas oublier le Seigneur ton dieu en négligeant d’obéir à ses commandements, à ses règles et à ses décrets que je te communique aujourd’hui.»

 

 

«Garder la mémoire, c’est vivre»

Jean-Luc Gadreau: Pasteure Ingrid Prat, ce besoin de faire mémoire, donc de ne pas oublier, que pouvez-vous nous en dire d’un point de vue théologique?

 

Ingrid Prat: Ce «Souviens-toi» qui est rabâché dans tout l’Ancien Testament (il est martelé, je crois, près de 170 fois!), il faut se poser la question de son enjeu sous-jacent.

 

Jean-Luc Gadreau: D’ailleurs, avec ce rassemblement, j’ai vu des gens réagir et demander pourquoi choisir ce thème, pourquoi se rappeler d’un massacre?

 

Ingrid Prat: Dans l’Ancien Testament, et en tout cas dans le Deutéronome, Dieu dit que c’est une question de vie ou de mort: «Si tu oublies, vous disparaitrez, et vous disparaitrez complètement». C’est une chose que l’on trouve souvent et ce thème va de pair, je crois, avec l’Alliance. C’est un contrat qui est passé entre deux parties, deux parties qui doivent s’engager mutuellement dans le souvenir. Quand tout va bien, en général, on ne pense pas à Dieu, on est un peu tout-puissant, on croit qu’on se suffit à soi-même. En revanche, quand les choses commencent à partir de travers, que ce soit pour soi ou pour le monde… pouf! Dieu réapparait soudainement. C’est là qu’on entend des phrases du style: «Mais qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu pour que cela arrive?». Et ce refrain du «Souviens-toi» qui est rabâché tant de fois, il dit, pour paraphraser le texte qu’on vient d’entendre: «Tu as rencontré des difficultés, tu as souffert de la faim, tu as souffert de la soif, tu as souffert de la fatigue» (c’est la référence aux «pieds gonflés» du texte), «tu as vécu la misère» (ce sont les «vêtements usés»), «d’accord, mais moi, le Seigneur, ton Dieu, je ne t’ai jamais abandonné parce que la manne, les cailles, l’eau de Mara, c’était moi. Alors n’oublie pas de t’en souvenir, d’en garder la trace dans ta vie pour qu’à chaque fois que tu vivras quelque chose de difficile, tu puisses garder confiance et reprendre le chemin de la vie. Tu n’es pas victime, tu es fort de ce que tu as traversé». Pour moi, ce «Souviens-toi» fait appel à nos expériences de vie. Où est-ce que je peux trouver dans ma vie les traces de l’action de Dieu, de la présence de Dieu, de son passage? Et ça, il faut vraiment que je m’en souvienne, c’est crucial, parce que ça va me permettre de garder la confiance et l’espérance. C’est vivre, en somme. Garder la mémoire, c’est vivre.

 

Jean-Luc Gadreau: C’est une belle phrase… Qui résume tout!

 

Ingrid Prat: Oui, vivre libre et surtout responsable. Ce n’est pas parce que j’ai souffert, ce n’est pas parce que j’ai vécu des choses traumatiques que je ne peux pas vivre et que je ne peux pas m’en sortir. Par contre, si je ne me souviens pas, eh bien je suis mort, condamné à une vie dans laquelle je vais me morfondre de tout ce que j’ai vécu de mal et revivre les mêmes turpitudes à perpétuité. Ce «Souviens-toi», vraiment, c’est un chemin de vie, qui fonctionne que l’on soit croyant ou non.

 

 

«Un éclairage réciproque du présent et du passé»

Jean-Luc Gadreau: Je me tourne vers le professeur Olivier Millet. Vous qui intervenez à l’Assemblée du Désert sur ce thème, comment l’abordez-vous, en écho, peut-être, à ce que vient de dire la pasteure?

 

Olivier Millet: C’est plutôt en historien que je me positionne. Avant le 18e siècle, les huguenots ne pouvaient pas vraiment se souvenir, pour des raisons politiques. La Saint-Barthélemy a déclenché une nouvelle guerre de religion suivie d’un édit de pacification reprenant, comme tous les édits de pacification, une clause qui est celle de l’amnistie, c’est-à-dire de l’effacement de la mémoire. Pourquoi? parce que quand on sort de ces évènements-là, de ces guerres civiles, des gens ont été spoliés, tués, des situations ont été usurpées, on s’est emparé de biens, de positions sociales, etc. Il faut donc absolument qu’il y ait une amnistie, c’est-à-dire qu’on renonce à se tourner vers le passé, pour pouvoir continuer à vivre. Cela vaut jusqu’à la fin du 17e siècle, jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes et c’est cette révocation, en créant un nouveau traumatisme – sur la durée cette fois et non pas lié à quelques semaines ou mois de massacre – qui va en quelques sortes amener les protestants à se souvenir. Mais là, le souvenir sera installé dans l’opinion publique non pas vraiment par les protestants mais par quelques grands écrivains, avant Voltaire, qui prennent les choses en main non pas pour la foi chrétienne, encore moins pour la cause protestante, mais parce que cela fait partie de leur agenda politique, idéologique et de leur projet pour l’avenir.

 

Jean-Luc Gadreau: Aujourd’hui, Marianne Carbonnier-Burkard, c’est un évènement qui compte encore, puisqu’une commémoration a été organisée à Paris.

 

Marianne Carbonnier-Burkard: Oui, le 16 septembre, une plaque et un jardin mémorial de la Saint-Barthélemy ont été inaugurés par la maire de Paris place Saint-Germain L’Auxerrois, au pied de l’église dont le tocsin célèbre aurait retenti la nuit de la Saint-Barthélemy comme signal du massacre. De plus, l’attentat contre Coligny a eu lieu tout près et toutes les rues avoisinantes – dont la topographie est évidemment complètement bouleversée depuis le 16e siècle – ont été témoins de ces massacres.

 

Jean-Luc Gadreau: On n’est pas loin non plus du temple de l’Oratoire du Louvre, avec sa statue de Coligny.

 

Marianne Carbonnier-Burkard: D’ailleurs, autour de l’inauguration de cette statue, on avait essayé de ne pas mentionner la Saint-Barthélemy… Il y a eu une gêne à l’égard de la mémoire du massacre qui a perduré jusqu’à aujourd’hui.

 

Jean-Luc Gadreau: Cette inauguration est donc un évènement particulièrement intéressant.

 

Marianne Carbonnier-Burkard: Oui. En 2016, une plaque avait déjà été inaugurée au pied du Pont-Neuf, avec de très beaux vers d’Agrippa d’Aubigné choisis par Olivier Millet. C’était une manière pour la Ville de Paris de reprendre les choses en mains après les massacres de 2015 qui ont en quelques sortes relancé une série de guerres de religion – d’un autre type, mais tout de même. Il y avait cette idée que faire mémoire de ce massacre ancien était aussi l’occasion de prêcher la tolérance, la laïcité, le vivre ensemble, tous ces thèmes développés à l’occasion de l’inauguration de cette plaque en 2016 mais également en 2022 à l’occasion du 450e anniversaire.

 

Jean-Luc Gadreau: Repérez-vous derrière ce besoin de se souvenir une vigilance concernant l’actualité, les défis contemporains, Olivier Millet?

 

Olivier Millet: Bien sûr! Ce qui m’intéresse le plus en tant qu’historien, c’est qu’évidemment les études récentes sur la Saint-Barthélemy – qui est un phénomène appartenant au passé – éclairent indirectement certains phénomènes modernes de guerres de religion, de massacres ou de génocides (je pense au Rwanda, par exemple). Et inversement, ce qui est arrivé va permettre de mieux comprendre certains évènements du passé grâce à l’œuvre d’historiens, de sociologues et d’anthropologues. On est ainsi de mieux en mieux informés sur ce que signifie ce type d’évènement sur le plan humain, sociologique, moral, etc. Il y a un éclairage réciproque du présent et du passé.

 

Jean-Luc Gadreau: Ingrid Prat, vous avez apporté le message final de cette Assemblée du Désert 2022 sur ce thème. Comment conclut-on pastoralement un tel sujet et, vous me voyez sans doute venir, comment pourriez-vous conclure notre conversation?

 

Ingrid Prat: Eh bien, en repartant sur le terrain de la mémoire qui, pour moi, fonde la réconciliation et le pardon. C’est vraiment une ouverture sur l’avenir, si on garde en mémoire tous ces textes de l’Ancien Testament («Souviens-toi, souviens-toi…»), qui sont aussi réitérés dans le Nouveau Testament où l’on ne se souvient pas seulement de sa propre histoire mais où l’on se souvient aussi de garder les commandements, commandements que Jésus va résumer en disant: «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, de toute ta pensée» et «Aime ton prochain comme toi-même». Voilà, c’est peut-être bateau… mais je conclue sur l’amour!

 

Jean-Luc Gadreau: C’est une belle conclusion. Et il y a aussi beaucoup d’amour de partagé dans un évènement comme l’Assemblée du Désert où des familles se retrouvent, des gens se rencontrent. C’est aussi cela, l’Assemblée du Désert, au-delà du thème. On peut encourager tout le monde à passer par le Musée du Désert, qui est un lieu magnifique à visiter qu’on soit croyant ou pas, protestant ou non protestant, un lieu d’Histoire et de mémoire. Et puis, on peut peut-être aussi encourager à venir voir une Assemblée du Désert (elles ont toujours lieu le premier dimanche de septembre), là encore sans forcément être protestant, car c’est vraiment quelque chose à découvrir et à vivre, je crois. Merci à vous trois, Olivier Millet, Marianne Carbonnier-Burkard, Ingrid Prat d’avoir joué le jeu de cette discussion rapide sur un sujet si important.

 

En apprendre davantage

Chronique de Claire Bernole, rédactrice en cheffe de l’hebdomadaire Réforme

Commémorer la Saint-Barthélemy, c’est une question qui n’a pas manqué d’animer quelques conférences de rédaction à Réforme, entre les tenants du «Oui, il faut commémorer la Saint-Barthélemy, cela concerne directement notre public qui, en grande partie luthéro-réformé et très attaché à l’histoire du protestantisme, se sent proche de cette question» et les tenants du «Non, inutile de rappeler ces querelles sanglantes, montrons au contraire que nous les avons dépassées, et puis, on ne va pas faire de Réforme une revue d’histoire! (ça, c’est l’éternel argument) En plus, tout a déjà été dit sur le sujet». Mais cette volonté d’apporter toujours quelque chose de nouveau, d’inédit, est-ce que ce n’est pas un peu une obsession purement journalistique à l’heure de traiter d’un marronnier, comme on dit dans notre profession? Et de fait, rares sont les journalistes qui prennent plaisir à traiter ce genre de sujets récurrents, incontournables, à l’instar du 14 juillet, de Noël ou de l’Assemblée du Désert, sujets qui demandent parfois des trésors de créativité pour ne pas répéter exactement la même chose d’une année sur l’autre.

Eh bien, non seulement nous avons tranché en faveur d’un traitement de cette actualité vieille de 450 ans, mais de plus nous en avons fait le sujet d’un supplément intitulé La Saint-Barthélemy, entre histoire et mémoire. Ce qui a fait pencher la balance du côté du oui? De façon déterminante et définitive, ce sont les travaux de l’historien Jérémie Foa, sur lequel s’est penché mon collègue Louis Fraisse. J’évoquais cette obsession journalistique de trouver toujours du neuf, du nouveau à apporter, une parole pour aujourd’hui, qui nous éclaire ici et maintenant et qui ne se contente pas de ressasser l’Histoire: sans cette recherche, notre métier de journaliste ne serait rien. N’est-ce pas également la démarche de l’historien lorsqu’il mène ses propres travaux? Cet ouvrage que Jérémie Foa a publié à l’occasion des 450 ans de la Saint-Barthélemy nous en a appris davantage sur cet épisode historique, en particulier que les familles protestantes avaient été identifiées dans de nombreux cas par leur plus proches voisins, faits mis au jour par des recherches récentes. Et puis, il y a eu les travaux de Denis Crouzet qui raconte dans son ouvrage comment un idéal morbide de pureté a gonflé de résolutions les meurtriers, les acteurs de ce massacre de la Saint-Barthélemy. De tragiques trahisons et de bien noirs desseins qui obscurcissent toujours le cœur humain lorsqu’il s’agit d’extrémismes religieux. J’ai eu l’occasion de recueillir pour Réforme des témoignages de chrétiens (il se trouve qu’ils étaient également protestants) ayant fui l’Irak au moment de la prise de pouvoir de Daech dans le pays. Or, eux aussi avaient constaté que leurs voisins musulmans avec qui ils avaient toujours eu de bons rapports, en qui ils avaient confiance, n’avaient pas mis longtemps avant de se retourner contre eux.

Je ne sais pas si tous les extrémismes ont exactement les mêmes ressorts mais ils ont des points communs, en témoigne encore la notion de purification ethnique. N’exprime-t-elle pas dans des termes contemporains un projet similaire à celui du massacre de la Saint-Barthélemy? Avec la Saint-Barthélemy, il n’est certes pas question d’ethnie mais de religion. Pourtant, la notion de purification et d’extermination entre en jeu, là aussi. C’est ainsi que l’Histoire (en l’occurrence un épisode vieux de plusieurs siècles), nous fait encore réfléchir et discuter aujourd’hui. La connaissance du passé nous est utile pour comprendre le présent et, nous l’espérons, mieux choisir notre avenir.

 

Transcription réalisée par Pauline Dorémus.

Illustration: Gaspar Bouttats, Massacre de la Saint-Barthélemy, vers 1686 (Wikimedia Commons, domaine public).

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