« Le religieux n'est plus intégré culturellement » - Forum protestant

« Le religieux n’est plus intégré culturellement »

Le politologue et enseignant à l’Institut européen de Florence a expliqué, lors du petit-déjeuner du Forum du 12 mai 2015, comment on fait face aujourd’hui en France à une laïcité tentée d’exclure le religieux de l’espace public. Le religieux peut alors apparaitre comme quelque chose d’incongru, qui ne fait plus partie de l’évidence sociale.

 

Le problème de la laïcité est parallèle à celui des religions, c’est une restructuration en miroir. On se situe aujourd’hui dans une laïcité agressive, qui veut exclure le religieux de l’espace public. Si l’on faisait un micro-trottoir pour demander ce qu’est la laïcité, 80 % des gens répondraient que la religion doit être privée. Ce n’est absolument pas l’esprit de la loi de 1905 ! La laïcité juridique et constitutionnelle organise la place de la religion dans l’espace public mais ne la chasse pas. Qu’on puisse prier dans la rue ou porter le voile à l’université, c’est considéré comme une atteinte à la laïcité par beaucoup de gens alors qu’il n’y a aucune base légale pour l’interdire. Quand l’abbé Pierre est entré comme député à l’Assemblée nationale, il était en soutane, et personne, pas même les élus communistes, n’a songé à lui demander de la retirer. Aujourd’hui, ce serait impensable.

 

Trois rapports à la religion : le gallicanisme, la séparation, l’exclusion

Dans le fond, on se demande quels sont les enjeux. Ce n’est plus le pouvoir politique, comme en 1905 entre l’Église et la République. Il n’y a pas de parti catholique ou chrétien. On n’est pas non plus dans ce qu’on appelait autrefois le Kulturkampf, la guerre des cultures. Une dimension existe avec la tension entre la religion et la culture dominante mais ça n’est pas un combat. Ce n’est pas comme si la laïcité était menacée par le retour du religieux.

Il existe trois formes de rapport à la religion. D’abord, le gallicanisme, qui prévoit que l’État décide du religieux. La grande période, c’est Louis XIV mais c’est encore un peu présent aujourd’hui. Les religions dépendent du ministère de l’Intérieur, on essaye d’établir une représentation de l’islam, sur le modèle du Concordat de Napoléon, pourtant ni démocrate, ni laïc. L’État dit qu’il faut former des imams, soutenir les musulmans modérés, réformer le Coran. Ce courant gallican existe donc, il vient du côté jacobin et centralisateur mais officiellement, il n’y aucune forme juridique. Le deuxième modèle, c’est la séparation, la loi de 1905. Elle ne régit pas la religion mais les cultes. C’est une loi sur la pratique, pas sur la croyance. La troisième forme, c’est l’exclusion. Quand on fait une loi sur le voile, on n’est pas dans la laïcité mais dans le souhait d’exclure le voile de l’espace public. A l’extrême-droite, la laïcité est devenue un mode codé pour l’islamophobie. Le FN est passé d’une référence identitaire chrétienne à une référence identitaire laïque. L’interdiction des crèches dans les mairies, on la voyait dans les années 1910, mais après c’était fini. Cette demande aujourd’hui montre qu’on est à un stade supérieur à la philosophie de la loi de 1905, on est dans une volonté d’exclusion du religieux.

 

Le religieux s’est déculturé, il ne fait plus partie de l’évidence sociale

Le débat sur la laïcité aujourd’hui porte sur la visibilité, sur les signes : le voile, le crucifix, les minarets, la crèche, la soutane, la kippa … Ce n’est jamais un débat sur le pouvoir ou les valeurs. C’est curieux car ce débat sur la visibilité est doublé d’une volonté de visibilité. Il y a deux ans, au Québec, une chaîne de restauration rapide annonce que 40 % de ses établissements passent au tout halal avec un argument uniquement commercial : « Dans certains quartiers, notre demande est presque exclusivement halal, c’est plus simple à gérer ». Il y a eu un énorme scandale, les gens ne voulaient pas manger du religieux sans le savoir. Ça aurait été une chaîne de couscous, personne n’aurait rien dit … Cette situation montre la déconnexion entre le marqueur culturel et le marqueur religieux. Quand ils sont associés, ça passe. Mais là, le non-religieux a pris un aspect religieux. Avec cette obsession-là, le religieux doit non seulement ne pas être visible, mais même plus invisible, il doit être chassé de l’espace public.

Le religieux n’est pas menaçant politiquement ou sociologiquement, mais apparaît comme quelque chose qui n’est plus intégré culturellement, d’incongru, d’un peu bizarre. Le religieux s’est déculturé, il ne fait plus partie de l’évidence sociale. Ce qui a disparu, c’est cette familiarité du religieux, indépendamment de la croyance. Les religions aussi se sont déculturées. On reconnecte en essayant de trouver un terrain commun, ce qu’Habermas appelait « traduire les normes religieuses en valeurs acceptables par les non-religieux ». C’est pourquoi le pape François préfère se positionner dans un débat au-dessus de la norme, sur des valeurs comme la charité. Mais on ne comprend plus le sacré dans nos cultures, et les communautés de foi n’arrivent plus à parler en tant que telles ou alors elles apparaissent comme des sectes. Elles peuvent se sentir exclues, on demande aux gens de ne plus apparaître comme croyants dans l’espace public, ce qui n’est pas l’esprit de la loi de 1905. Conséquence : elles s’isolent, se battent ou essayent de se reconnecter.

 

Ecoutez son intervention en intégralité :

Commentaires

 

Hilbold (5 septembre 2015)

Je suis totalement d’accord avec vous sur cette laïcité à la française dont je suis partisan mais pas sous la forme qu’elle prend en ce moment et vous avez totalement raison : nos élites veulent éradiquer le religieux de notre société. Mais notre foi en notre Seigneur est plus forte que toutes leurs turpitudes et mensonges car ils nous mentent depuis 40 ans (ce n’est pas de gauche ou de droite), ils nous ont menti sans vergogne sur notre situation réelle. Le pasteur Martin Luther King, le dernier prophète, a dit que cela arriverait et que celui qui n’a pas de passé n’a aucun avenir, c’est pour cela que les Français et les Françaises doutent d’eux mêmes et se jettent dans les bras des partis extrêmes. C’est très dangereux et ce n’est pas la solution. Je me battrai pour notre Seigneur jusqu’au bout. Je précise que je suis protestant et fier de l’être dans un pays de païens.
Salutations fraternelles en Christ notre Rédempteur.

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