Séparatismes et petites phrases médiatiques
«Propos caricaturaux», «raccourcis simplificateurs», «formules toutes faites»… le débat sur la projet de loi «visant à renforcer les principes républicains» ne manque pas d’excès et d’approximations, en particulier sur ces «victimes collatérales» que sont les protestants évangéliques. Mais, pour Vincent Miéville, plutôt que «jouer le jeu des petites formules et entrer dans la danse des réponses à l’emporte-pièce sur les réseaux sociaux» mieux vaut «démontrer, dans notre quotidien, que nous ne sommes pas ce que certains disent de nous».
Texte publié sur le Blog-notes de Vincent.
On peut légitimement regretter les propos caricaturaux et même contestables tenus par certains responsables politiques à l’égard des protestants évangéliques, tous mis dans le même sac séparatiste. On peut aussi regretter les raccourcis simplificateurs, et donc inexacts, de formules toutes faites comme lorsqu’on prétend vouloir mettre en concurrence la loi de la République et la loi de Dieu. Mais faut-il pour autant jouer le jeu des petites formules et entrer dans la danse des réponses à l’emporte-pièce sur les réseaux sociaux?
Je suis protestant évangélique et je respecte les lois de la République, je suis attaché à la laïcité (l’Union d’Églises que je préside est née au milieu du 19e siècle, en plein régime concordataire, et l’un de ses principes fondateurs est la séparation d’avec l’État). En tant que croyant, mon désir le plus cher est d’obéir à la loi de Dieu, que Jésus résume par deux commandements: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu» et «Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Je ne pense pas que ça puisse entrer en conflit avec la loi de la République!
L’actuel projet de loi «visant à renforcer les principes républicains» est, avec justesse, contesté sur plusieurs points, notamment par les Protestants: voir par exemple l’excellent «plaidoyer» de la Fédération Protestante de France (1). Le Conseil National de Évangéliques de France s’est aussi exprimé sur le sujet (2). Et il est vrai que les protestants évangéliques sont parmi les principales victimes collatérales, d’un point de vue médiatique, étant l’instrument d’un jeu de politique politicienne, comme on dit. Nous n’avions pas besoin de ça après les dégâts d’un certain évangélisme politique en provenance d’outre-Atlantique (même si, heureusement, tous les évangéliques américains ne sont pas comme ça, loin de là!).
Il faut bien-sûr reconnaître qu’il peut y avoir des dérives dans le milieu protestant évangélique en France (comme dans tout milieu, qu’il soit religieux ou laïc). Et il faut les dénoncer. Certaines vont à l’encontre de la loi de la République mais aussi à l’encontre de la loi de Dieu (quand il s’agit de manipulation, de harcèlement, de corruption…)! Mais ça reste, heureusement, marginal. Faut-il rappeler que les protestants évangéliques en France sont, d’une manière générale, des gens comme les autres, respectueux des principes de la République, attachés à la liberté de conscience puisqu’ils insistent sur l’importance d’une foi personnelle et libre, et qui prient même régulièrement pour les responsables politiques en place, comme la Bible les y invitent. Franchement, il n’y a pas de quoi avoir peur de nous!
Ceci étant dit, je reviens à ma question: faut-il pour autant jouer le jeu des petites formules et entrer dans la danse des réponses à l’emporte-pièce sur les réseaux sociaux? C’est une exercice périlleux et risqué, qui peut même s’avérer contre-productif. On le sait, en général sur les réseaux sociaux, on s’adresse principalement à ceux qui sont d’accord avec nous… Ou alors, pour les autres, on conforte ceux qui nous suspectent déjà, considérant que les démentis systématiques doivent bien cacher quelque chose de louche. Les réseaux sociaux sont le lieu du soupçon plutôt que de la confiance et de la bienveillance. Je ne dis pas qu’il ne faut rien dire… mais qu’il faut peut-être en user avec parcimonie.
Des étiquettes apposées arbitrairement, des clichés et des idées fausses, il y en aura toujours… Mais il ne faut pas se résoudre à s’y laisser enfermer, ni à perdre trop d’énergie dans une lutte incertaine. L’essentiel n’est-il pas de démontrer, dans notre quotidien, que nous ne sommes pas ce que certains disent de nous? Si nous accomplissons la loi de Dieu, résumée par ce double commandement de l’amour pour Dieu et pour notre prochain, alors non seulement nous ne serons pas en contradiction avec la loi de la République mais nous ferons mentir ceux qui nous accusent ou nous caricaturent…
En réalité, il s’agit tout simplement de suivre ce bon vieux conseil de l’apôtre Pierre:
«Ayez une bonne conduite parmi les païens; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites et de remercier Dieu le jour où il viendra» (1 Pierre 2,12).
Illustration: François de Rugy questionnant François Clavairoly sur ces «communautés protestantes différentes que celles qui étaient traditionnellement implantées en France» lors de l’audition des «représentants de diverses confessions religieuses» à l’Assemblée nationale le 4 janvier 2021.
(1) Plaidoyer contre le projet de loi : le protestantisme alerte et conteste, FPF, janvier 2021.
(2) Projet de loi « respect des principes républicains », CNEF, 11 janvier 2021.