Le travail tout au long de la vie - Forum protestant

Le travail tout au long de la vie

Si l’emploi prend une place éminente dans une réflexion sur le travail, l’activité humaine ne se limite pas à cette modalité ni à la période dite active. La notion de vocation, élaborée à partir des récits bibliques des origines et de l’apport de la Réforme du 16e siècle, est à réinterpréter dans le contexte actuel de mutations et de tensions du monde du travail. Elle peut ainsi contribuer à une vision dynamique et non statique de l’activité humaine, prenant également en compte la vulnérabilité et l’interdépendance qui la caractérisent. Elle ouvre à la question de la reconnaissance.

Texte publié dans le dossier ‘Le travail, entre contrainte économique et vocation’ du numéro 2021/1-2 de Foi&Vie.

 

L’orientation donnée à cet article peut être exprimée à travers trois types d’observations.

Dans la trajectoire d’une vie humaine, premièrement, la période d’activité professionnelle est précédée, suivie et même entrecoupée de périodes où la personne ne travaille pas de manière rémunérée. Statistiquement, cela se traduit notamment par le fait que la catégorie dite des actifs constitue un peu moins de la moitié de la population française. Or ce type d’analyse tend à focaliser l’attention sur le travail rémunéré, et peut laisser entendre que le reste de la population (la majorité, en fait) serait à qualifier d’inactive. Il paraît nécessaire d’inclure d’autres formes d’activité, qu’une telle répartition binaire peine à mettre en évidence. D’aucuns proposent de les mettre en valeur par un revenu universel (1).

De plus, deuxièmement, on peut remarquer que la première comme la dernière expérience du travail, aux limites de la vie, est celle de bénéficier du travail d’autrui. Plus généralement, dans de nombreuses circonstances, chacun dépend, parfois de manière vitale, de l’action d’autres personnes, rémunérées ou non. Cet aspect a été particulièrement mis en évidence par la pandémie de 2020. Sandra Laugier l’a analysé, très récemment, dans un bref essai cosigné par Najat Vallaud-Belkacem, où les auteures adoptent une perspective féministe inscrite dans celle d’une société du Care (2). Une réflexion sur le travail gagne à prendre en compte la dimension de la vulnérabilité de la personne humaine et de l’impact du travail d’autrui.

Enfin, troisièmement, les actions individuelles les plus simples, que l’on tend à percevoir comme des actes autonomes, dépendent en fait de multiples interactions. Un acte aussi banal que de se préparer un café ou encore de revêtir un T-shirt propre est rendu possible par la mise en œuvre, en amont et en aval, de savoir-faire très variés, par des personnes et des organisations actives dans la production, la transformation, le transport, la commercialisation, le traitement, l’élimination ou le recyclage de matières premières, d’objets, d’énergie, d’infrastructures, etc. Je souligne par cela que l’activité humaine est caractérisée par une interdépendance qui ne peut être mise en évidence que par la prise en compte de critères multiples, par exemple le prix, mais aussi l’empreinte carbone, ou encore le coût/bénéfice social et l’impact sanitaire et environnemental (3). La valeur ajoutée de l’activité humaine ne saurait se calculer en unité monétaire uniquement (4).

Les perspectives ouvertes par ces observations introductives invitent le théologien à relire les références bibliques et historiques traditionnellement invoquées en relation avec le thème du travail et de la notion de vocation qui lui est liée. Je le ferai en pointant quelques aspects du récit de création de Genèse 2 et 3, d’une part, et de l’apport des réformateurs du 16e siècle, d’autre part (5).

L’accent ne porte pas tant sur le travail proprement dit que sur le décalage, l’écart constaté et vécu entre l’effort à fournir et le résultat, marqué par les épines et les ronces, par la sueur d’un labeur ingrat.

Le second récit de la création de l’être humain, en Genèse 2, exprime clairement la conviction que le travail fait partie du projet divin et de la vocation humaine : Dieu place sa créature dans le jardin pour qu’elle cultive la terre et la garde (Genèse 2, 15). Ce verset est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions dans le contexte environnemental qui s’impose désormais à tous. On y redécouvre que l’être humain n’est pas propriétaire, mais intendant du monde créé. Il me semble utile de signaler que dans la perspective de ces textes fondateurs anciens, il en va bien d’une capacité de transformer et d’habiter la terre (6). De ce fait, il n’est pas légitime de s’appuyer sur ces textes pour donner une image essentiellement négative du travail. L’activité, la créativité et la capacité de transformation font partie de l’expérience humaine devant Dieu (7). Le travail n’y est pas considéré comme un mal nécessaire dont l’être humain serait appelé à se libérer.

En revanche, le récit de Genèse 3 souligne que l’expérience humaine de cette vocation est ambivalente. Après l’épisode du fruit défendu, l’homme, la femme et le serpent sont destinataires de paroles qui portent précisément sur le travail et les relations qu’il génère. Il est impropre de parler de malédictions : Ève est immédiatement appelée mère des vivants (v.20), les humains bénéficient de la sollicitude divine (v.21) et se voient confirmés dans leur travail (v.24). Mais les paroles divines mettent en lumière le caractère douloureux de l’expérience du travail. L’accent ne porte pas tant sur le travail proprement dit que sur le décalage, l’écart constaté et vécu entre l’effort à fournir et le résultat, marqué par les épines et les ronces, par la sueur d’un labeur ingrat (v.17-19).

L’engendrement, à travers la figure féminine, est marqué par la difficulté et la souffrance. De plus, les relations entre hommes et femmes sont faites d’attirance et de domination (v.16). Dans notre contexte, je propose d’élargir cet aspect aux relations humaines dans le travail : expériences de proximité et de conflit, de coopération et de domination, de reconnaissance et d’écrasement.

Enfin, la parole adressée au serpent souligne une hostilité réciproque entre l’animal et l’être humain (entre le serpent et la femme, v.15). Le lieu même du travail humain, la terre dont la créature est issue (aussi bien la femme que le serpent) est porteuse d’une menace de destruction réciproque. De fait, l’ensemble de ce récit configure une tension entre un désir d’harmonie et des expériences de rupture, entre la créature et son Dieu, dans les relations entre les personnes, au sein de leur environnement et dans leur activité.

La lecture que nous faisons du texte de la Genèse engage à porter un regard lucide sur l’expérience du travail. S’il est au cœur de la vocation humaine, il est aussi l’occasion de faire l’expérience de l’échec, de l’ingratitude, du conflit et de la souffrance. Entre une vision purement négative et une image idéalisée, la réalité ambivalente constitue l’expérience commune de l’être humain au travail.

Une longue tradition théologique et ecclésiale invitait à accueillir la part de souffrance comme une juste punition de la faute, l’attitude du croyant étant faite d’obéissance et de soumission. Une autre ligne d’interprétation, inspirée des prophètes et de la figure du Christ, s’y oppose : celle-ci accepte la réalité de la souffrance humaine, mais la combat également sans relâche, au nom d’une exigence de justice et d’amour (8).

Notons au passage que les auteurs bibliques établissent une limite ferme au travail humain : le septième jour, le travail s’arrête (le mot sabbat vient d’un verbe qui signifie arrêter). Dans les Évangiles, le Christ atteste à de multiples reprises que la règle du sabbat est à comprendre comme une protection de l’intégrité humaine.

La tradition réformée contemporaine met l’accent, au plan international, sur l’exigence de justice politique, économique, sociale et environnementale. Elle réinterprète ainsi le thème traditionnel de la sanctification (9). Le travail, comme l’activité humaine en général, est à la fois le lieu où l’on fait constamment l’expérience de l’incomplétude, de la fragilité et de la faillibilité humaines, et le cadre donné pour une recherche constante de plus de justice, de respect et de reconnaissance. Accepter la faiblesse humaine ne saurait se traduire par la soumission à des ordres injustes. La vocation prend ici la forme d’un appel constamment renouvelé à plus de qualité, mais aussi à plus de justice et de reconnaissance.

Luther joue sur la racine du mot Beruf, métier, qui contient la notion d’appel (Ruf). Il souligne ainsi que l’exercice d’une profession profane est un lieu spirituel.

La notion de vocation a été mise en valeur par les réformateurs du 16e siècle. À l’abolition de la distinction entre état religieux et état laïc répond la spiritualisation et la sanctification de toute la vie humaine, en particulier du travail.

Luther joue sur la racine du mot Beruf, métier, qui contient la notion d’appel (Ruf). Il souligne ainsi que l’exercice d’une profession profane est un lieu spirituel, que c’est dans l’activité humaine ordinaire, au service de la société et du bien commun, que chacun est appelé à accomplir sa vocation chrétienne (10).

Calvin, pour sa part, insiste sur le fait que comme l’ensemble de la vie ordinaire, le travail est un lieu par excellence de sanctification, c’est à dire, dans la perspective du réformateur, la recherche constamment renouvelée, jamais aboutie, de conformer sa vie aux exigences de solidarité et de justice, par laquelle le croyant manifeste concrètement la confiance placée en Dieu (11).

Il est nécessaire de réinterpréter la notion de vocation dans le contexte contemporain. De multiples facteurs font que la question du travail est marquée par des mutations importantes – que le dossier de ce numéro de Foi&Vie explore – et par les tensions que ces mutations génèrent (12). La notion de vocation est marquée par les mêmes facteurs. Elle ne s’exprime plus forcément de manière statique, dans le fait de trouver le métier auquel on est appelé – ou de trouver sa place dans celui qui s’impose à nous – et encore moins d’y rester quoi qu’il en coûte. En outre, elle n’est plus à rapporter prioritairement voire uniquement à une activité rémunérée. Au contraire, elle gagne à être comprise comme un processus dynamique, en relation avec une compréhension évolutive de l’être humain : nous nous voyons nous-mêmes comme des personnes en évolution, en développement, en croissance dit-on parfois.

On peut relier l’idée de vocation à la quête d’une activité qui ait du sens, ou à la quête d’un sens dans son activité. Parler de vocation, c’est donc entrer dans un processus d’interprétation de son expérience, de sa trajectoire professionnelle mais aussi de ses divers engagements non rémunérés. C’est porter un regard à la fois critique et compréhensif sur sa propre activité et sur celle de l’organisation au sein de laquelle elle s’inscrit. C’est encore soumettre ce regard à une instance tierce, à une autorité divine auprès de qui elle trouve sa source. Porter un regard critique engage aussi à nommer les situations où la vocation d’une personne est contrariée, niée ou biaisée, à lutter contre les dérives et à accompagner les personnes qui ne se trouvent plus en mesure de percevoir en quoi leur situation leur donne la possibilité de répondre à ce qu’elles discernent d’un appel.

La vie professionnelle est précédée et suivie de longues périodes où l’on ne travaille pas et durant lesquelles, de la prime enfance à la grande vieillesse en passant par les études et la retraite, on dépend, parfois de manière déterminante, de l’action d’autrui. La première et la dernière expérience que je fais du travail, c’est celui dont je suis le bénéficiaire.

La notion de vocation est également à élargir de manière à intégrer d’autres aspects que le seul travail rémunéré, sans pour autant dévaloriser l’activité professionnelle. Comme le soulignent beaucoup d’auteurs, la contribution au bien commun passe par de nombreuses voies, notamment par le bénévolat, mais aussi par les responsabilités assumées à l’égard des proches et dans la vie sociale ordinaire (13).

Enfin, il me paraît essentiel d’intégrer dans une réflexion sur le travail les notions de vulnérabilité et d’interdépendance. La vie professionnelle est précédée et suivie de longues périodes où l’on ne travaille pas et durant lesquelles, de la prime enfance à la grande vieillesse en passant par les études et la retraite, on dépend, parfois de manière déterminante, de l’action d’autrui. La première et la dernière expérience que je fais du travail, c’est celui dont je suis le bénéficiaire. De plus, pour beaucoup, la vie active elle-même est ponctuée de périodes de fragilité, de transition, de vulnérabilité. L’ensemble de la vie humaine ne saurait être soumis aux seuls critères de performance, mais la qualité de vie des uns et des autres dépend aussi de la qualité du travail de certains et de l’esprit dans lequel tous sont à l’œuvre.

De ce fait, envisager le travail à travers la notion de vocation ouvre à reconnaître celle d’autrui, dans ses diverses activités et manières d’être au monde. En définitive, dans nos périodes de fragilité comme dans celles d’épanouissement, notre qualité de vie dépend en bonne partie de la manière dont les uns et les autres accomplissent leur activité au plus près de leur conscience. Collectivement, nous nous trouvons devant le défi de mieux reconnaître et soutenir la contribution de chacun au bien commun, si modeste soit-elle. Cela passe par des actions politiques, mais aussi par un travail d’interprétation et donc de parole.

Introduire le thème de la reconnaissance engage à mettre en relation critique un point de vue sociologique et un regard théologique. Il revient à Axel Honneth, philosophe et sociologue allemand, d’avoir développé cette thématique (14). Elle a ensuite été reprise par Paul Ricœur dans l’une de ses dernières publications (15). Le registre de la reconnaissance est souvent adopté, aujourd’hui, pour expliciter les concepts théologiques de grâce et de foi : l’expérience croyante de la grâce peut être comprise comme celle d’une reconnaissance offerte de manière inconditionnelle, à laquelle répond la foi, qui s’exprime alors comme gratitude et confiance en cette parole de reconnaissance première. Il convient toutefois d’éviter de faire de la grâce la simple réponse à un besoin humain (16). Accueillir la grâce, c’est aussi reconnaître sa condition pécheresse, dont on peut dire, pour rester dans le même registre, qu’elle est nourrie de l’illusion que l’on peut parvenir à obtenir pour soi-même – et à exiger d’autrui comme de la société en général – la pleine reconnaissance de sa personne, de son statut et de son activité. Dans une perspective chrétienne, l’expérience de la grâce permet précisément de reconnaître ses fragilités, faites tour à tour de vulnérabilité et de faillibilité (17).

À l’inverse, il convient toutefois de se garder de nier la réalité du besoin de reconnaissance. Si la reconnaissance sociale peut être une quête sans fin, dans la mesure où elle ne trouve jamais de réponse définitive, elle n’en demeure pas moins un aspect essentiel de la condition humaine, encore renforcé, aujourd’hui, par la prépondérance de l’individu par rapport à ses différents cadres de référence. Le travail spirituel et théologique d’accompagnement, fait de relecture, d’interprétation et donc de parole, peut aider à différencier les enjeux et à restituer au besoin de reconnaissance sa juste place : un révélateur de souffrance et un aiguillon de justice, dépouillé toutefois de l’apparence illusoire d’une baguette magique.

Au plan collectif et donc politique et socio-économique, j’estime, avec d’autres, qu’il devient important de mieux reconnaître et valoriser la contribution de chacun au bien commun. Je me garde toutefois d’indiquer ici un moyen qui s’imposerait en soi et qui, de ce fait, ferait l’économie du débat de fond sur la finalité : promouvoir une vision de cette contribution tout au long de la vie, prenant en compte l’interdépendance et la vulnérabilité, mais aussi l’exigence de qualité et de justice.

 

Illustration: Adam et Ève après la Chute (bas-relief de Jacopo Della Quercia vers 1428, église San Petronio de Bologne)

(1) Voir par exemple Raphaël Liogier, Sans emploi. Condition de l’homme postindustriel, Les liens qui libèrent, 2016.

(2) Sandra Laugier, Najat Vallaud-Belkacem, La société des vulnérables. Leçons féministes d’une crise, Gallimard (Tracts/Gallimard 19), 2020.

(3) David Graeber (Bullshit Jobs, Les liens qui libèrent, 2019, édition en anglais en 2018) en fait en quelque sorte la démonstration par la négative, en décrivant une forme d’emploi qu’il définit comme « si totalement inutile, superflue ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à en justifier l’existence, bien qu’il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat, de faire croire qu’il n’en est rien » (p.39 de l’édition de poche).

(4) Dans d’autres cadres de réflexion, certains remettent en question un mode de financement de l’action publique reposant en bonne partie sur la taxation du travail (impôt direct, financement de la Sécurité sociale, taxes diverses). Pour les uns, il s’agit de prendre en compte la part toujours moindre que le travail prend dans le coût de production, en taxant en priorité les revenus du capital ; pour d’autres, il en va de justice sociale et de lutte contre les inégalités ; pour d’autres encore, il est préférable de réduire l’impact environnemental en taxant en priorité l’usage d’énergie et de ressources non renouvelables, par exemple.

(5) Voir également mon article ‘Le travail’, Évangile&Liberté, n°338 (avril 2020), pp.12-18.

(6) On peut remarquer que la suite des récits des origines raconte le développement de l’humanité, la découverte de techniques et la construction de villes. Certes, les auteurs de ces textes n’étaient pas en en mesure d’envisager l’effet de destruction qui accompagnerait un développement illimité.

(7) On observe parfois un tel point de vue dans des études critiques, à l’exemple de celle de David Graeber, Bullshit Jobs, op.cit., p.334s. (édition de poche) : « Le récit biblique du jardin d’Éden, tout comme le mythe de Prométhée, considère que l’obligation de travailler a été imposée aux hommes pour les punir d’avoir défié le Dieu créateur ». L’auteur ajoute toutefois que le labeur humain constitue aussi, selon ces textes, « une concrétisation, à une échelle plus modeste, du pouvoir divin de création » (p.335).

(8) Interpréter un texte biblique demande d’être attentif également à l’histoire de la réception et des effets produits par ce texte et surtout par les interprétations qu’on lui a données. Ce que l’on reproche parfois au texte biblique peut être, en fait, le produit d’une lecture particulière, par exemple dans un contexte socioreligieux où elle vient en appui de la parole des puissants. Il est alors particulièrement utile d’être à l’écoute d’un débat d’interprétation qui peut aussi, en sens inverse, mettre l’accent sur le caractère subversif de la parole biblique.

(9) Un exemple éminent de cette perspective de l’exigence de justice est la confession d’Accra de l’Alliance réformée mondiale (2004), que la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER) a reprise à son compte (consulté le 18 décembre 2020). De même, la déclaration par laquelle la CMER s’associe à la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification met également l’accent sur la dimension de la justice. Voir Brigitte Cholvy, Frédéric Chavel, Michel Stravou, Déclaration commune sur la doctrine de la justification. Nouvelle traduction œcuménique et commentaires, Salvator, 2020, pp.110-124.

(10) Sur ce point, voir aussi l’article de Françoise Mési dans le dossier de Foi&Vie.

(11) Voir l’article de Caroline Bauer dans ce même dossier de Foi&Vie.

(12) Entre les prophètes de la fin du travail et les apôtres des lendemains qui chantent, une analyse médiane est proposée, par exemple, par Michel Lallement : Le travail sous tensions. 2e édition revue et augmentée, Sciences Humaines Éditions, 2018.

(13) Michel Lallement, ibid., p.113, relève que l’Organisation internationale du travail s’efforce d’élaborer des outils statistiques qui prennent en compte les diverses formes de travail. Voir BIT, 19e Conférence internationale des statisticiens du travail, 2013, pp.56 et suivantes (consulté le 18 décembre 2020).

(14) Voir Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, Cerf (Passages), 2010 (en allemand en 1992). Partant d’une proposition de Hegel, qu’il estime être le premier à reprendre et à développer, s’appuyant également sur les approches psycho-sociales et psycho-affectives de Mead et de Winnicott, Honneth propose de distinguer trois types, ou trois niveaux de la reconnaissance : un niveau psycho-affectif, où se développe en particulier la confiance en soi ; un niveau qu’il qualifie de juridique, où se développe en particulier le respect de soi, et un niveau qu’il qualifie d’éthique ou de social, où se développe l’estime de soi. Il en va d’être reconnu dans sa personne, dans son statut particulier et dans son action. Comme l’indique le titre de son ouvrage, pour Honneth, la vie sociale est le lieu d’une lutte pour la reconnaissance. Celle-ci prend une forme individuelle, mais elle a aussi, dans le monde contemporain, une forte dimension collective.

(15) Paul Ricœur (Parcours de la reconnaissance. Trois études, Stock (Les Essais), 2004) opère la relecture critique des réflexions d’Honneth. Au préalable, Ricœur explore le champ sémantique du verbe reconnaître, dont on peut relever trois aspects principaux : il désigne d’abord un acte d’identification, un processus cognitif par lequel ce qui est observé est associé à ce que l’on connaît déjà. Ensuite, la quête de la reconnaissance implique un passif, le fait d’être reconnu, de recevoir reconnaissance, expérience qui peut, enfin, générer un actif, celui de la gratitude, qui désigne encore un autre aspect du champ sémantique de la reconnaissance.

(16) Pierre Paroz (La reconnaissance. Une quête infinie ?, Labor et Fides (Lieux théologiques), 2011) se réfère à Axel Honneth, mais pas à Ricœur. Il cherche à montrer, par une comparaison très didactique entre différents récits mythologiques, que la proposition chrétienne de la grâce n’est pas une réponse à un besoin, mais une offre qui implique un déplacement de la demande.

(17) Pour poursuivre la réflexion théologique et éthique sur le thème de la reconnaissance, on trouvera plusieurs articles sur le thème dans L’amplitude de la reconnaissance, Revue d’éthique et de théologie morale, n°281 (hors-série 11), Cerf, 2014, accessible en ligne sur cairn.info. Voir aussi, en allemand, Evangelische Theologie 76/6, 2016, avec un dossier piloté par la théologienne Isolde Karle.

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