Des rêves encore rajeunis de Printemps et de poésie protestante
«Un nouveau foyer de poésie printanière de la foi»: à Strasbourg, du 28 avril au 1er mai, une conférence, des lectures, un concert et un prix Poètes de la Parole pour celles et ceux (de 18 à 35 ans) qui auront envoyé leurs textes entre ce 4 janvier et le 31 mars, afin que la foi, «au diapason d’une poésie contemporaine inventive» puisse «s’exporter au-delà des murs des temples et dialoguer avec toutes les consciences».
La propagation des Printemps des poètes protestants
Dans un article paru sur le Forum protestant le 10 mars 2019 (1), je confiais «rêver d’un Printemps des poètes protestants ou d’un Printemps des poètes dans le protestantisme». J’en annonçais aussi les prémices, avec l’organisation d’une après-midi de poésie de la foi qui allait se tenir à l’Institut Protestant de Théologie de Montpellier dans le cadre des activités culturelles de sa Bibliothèque. Finalement, il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que mon rêve devienne une réalité riche et multiple. Déjà en 2019, la paroisse ÉPU de Marseille Sud-Est s’associait à mes éditions Jas sauvages pour organiser un Printemps, avec trois jours de poésie ininterrompue. Le format a été repris au mois d’octobre dernier, avec un Printemps en automne (pour cause de Covid et de report), principalement à l’initiative d’Yves Ughes, paroissien de l’ÉPU de Grasse-Vence et auteur d’un recueil de la collection Alter. Effectivement, les auteurs des éditions Jas sauvages prennent en relais ce type d’initiative, chacun à sa manière. Par son action de longue date en poésie dans les villes de Grasse et Vence dans les Alpes Maritimes, Yves Ughes a pu intéresser les responsables municipaux et faire rayonner la culture protestante au cœur même de la cité. Étienne Pfender, auteur de haïku bibliques et violoniste, met pour sa part souvent sa virtuosité musicale au service de la parole poétique de la foi. Julien Nathanaël Petit, aumônier universitaire à Strasbourg, dont un recueil est en préparation dans la collection Prièmes, s’est associé quant à lui à Patricia Rohner-Hégé, qui dirige la Médiathèque protestante de sa ville, pour allumer un nouveau foyer de poésie printanière de la foi, dans l’Est de la France.
Le prix Poètes de la Parole
Ils prévoient eux aussi diverses manifestations, du 28 avril au 1er mai 2022, avec une conférence à deux voix le jeudi: Qu’y a-t-il de protestant dans la poésie (par Philippe François et moi-même), un atelier d’écriture le vendredi avec Colette Nys-Mazure, poète chrétienne bien connue, le concert Éloge du don le samedi soir avec Étienne Pfender et Verena Dietrich, des lectures, etc. Une des originalités de leur approche consiste à insérer dans cette période, le dimanche après le culte, la remise d’un prix de poésie nommé Poètes de la Parole, destiné à la jeune génération (18-35 ans). Il sera ouvert du 4 janvier au 31 mars. Les participants sont invités à envoyer leurs textes à l’adresse poetesdelaparole@gmail.com, et à défaut par voie postale à Poètes de la Parole, Paroisse universitaire Saint Paul, 1 place Eisenhower, 67000 Strasbourg. Le jury constitué de Agathe Bischoff-Moralès, Emma Doude, Philippe François, Raphaël Georgy, Julien Petit, Patricia Rohner-Hégé et moi-même déterminera son choix en fonction de la qualité littéraire des textes reçus et de leur inspiration spirituelle. Le règlement complet du concours peut être consulté sur le site des éditions Jas sauvages, sur celui de la paroisse Saint Paul de Strasbourg, sur celui de la paroisse de l’Étoile à Paris, ou sur celui de la Médiathèque protestante de Strasbourg notamment.
Je rêve d’une jeune poésie protestante
Cette initiative émanant de Julien Petit m’entraîne dans de nouveaux rêves poétiques. J’imagine que nous allons pouvoir encore découvrir de nombreux talents et continuer à contribuer à l’essor d’une culture protestante actuelle.
Depuis que les éditions Jas sauvages existent, les textes de poètes méconnus, inédits, ont en effet été révélés au public. Dans les paroisses, en particulier, les auditeurs de veillées ou de journées poétiques répondent favorablement à ces propositions. Les deux premiers recueils publiés, en fin 2018 (Périchorèse de Michel Block) et en 2019 (Soixante dix haïku bibliques d’Étienne Pfender), ont déjà fait l’objet d’un retirage et d’une édition enrichie pour le second (Cent soixante-dix haïku bibliques), signe d’un succès relativement inespéré. La formule des rencontres entre auteurs et lecteurs répond manifestement à un besoin de culture partagée.
D’autres auteurs se manifestent et de nouveaux recueils sont en préparation. Ils sont d’inspirations très différentes, d’une force parfois sombre et endeuillée, ou parfois solaire, au-delà du temps. Ils disent tous l’expression d’une foi profonde. Ils témoignent d’une exigence d’écriture propre à la recherche poétique, toujours en quête de subtilité et d’indicible.
Je ne doute pas que cette finesse de pensée imprégnée de spiritualité existe aussi dans la jeune génération. Chaque juré a sans doute ses attentes spécifiques. En ce qui me concerne, je rêve d’une jeune poésie qui sache éventuellement s’emparer d’un substrat biblique et se l’approprier de façon personnelle, à la manière d’un texte de Michel Block évoquant dans un décor de vent et de plage les vertus désaltérantes d’une petite bouteille; j’y trouve un écho et une transposition de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine, autour de leur puits:
Rien qu’un peu de paix
de quoi remplir une petite bouteille
et Te la donner
pour constater sans le comprendre
ce miracle de la voir ne pas se vider
alors que j’y viens puiser souvent
Tant chaque jour me donne soif
(Extrait de Périchorèse)
Ou alors, j’aspire à lire une jeune réflexion capable de prolonger avec sa propre authenticité des méditations comparables à celles de Nicolas Dieterlé :
Ce à quoi il faut arriver, c’est percevoir à travers le bruit du monde le silence qui en est la source.
(Extrait de Trouées de lumière)
J’espère que dans ces textes à venir la foi saura se dire en inventant ses propres formes et sa musique souple et en liberté pour être au diapason d’une poésie contemporaine inventive, pour pouvoir s’exporter au-delà des murs des temples et dialoguer avec toutes les consciences en recherche de sens ou à l’écoute des autres, quand ils murmurent une parole travaillée et discrète, par laquelle ils ont l’ambition de communiquer le meilleur et le plus secret d’eux-mêmes.
Illustration : Jésus et la Samaritaine (détail, gravure hollandaise de 1712).
(1) Jacqueline Assaël, Pour un printemps des poètes protestants.