Cultiver la foi
«Cultiver la foi signifie donc produire des formes de pensée qui, à toutes les époques, rendent compte de manière renouvelée de la façon de vivre une relation avec Dieu.» Ouvrant le Festival de poésie de la foi à Nice du 27 au 30 octobre, Jacqueline Assaël rappelle que cette relation permet de confier «à ses auditeurs ou à ses lecteurs» ce qu’on a «de plus secret, de plus intime, de plus fragile, de plus subtil et de plus inspiré».
Extrait du Manifeste d’ouverture du Festival de poésie de la foi à Nice du 27 au 30 octobre 2022.
Organiser un Festival de poésie de la foi, dans mon esprit, consiste à cultiver la foi, selon le slogan que j’aime bien répéter. Slogan et jeu de mots qui donne plusieurs sens à cette expression. La culture, au sens où elle représente un apprentissage de connaissance des pensées d’autrui, à l’échelon universel, dans le temps et dans l’espace, de manière réfléchie et approfondie, n’a pas bonne presse de nos jours, semble-t-il. La démarche paraît trop fastidieuse, trop laborieuse, trop compliquée… Elle représente pourtant la seule manière de respecter l’autre, en s’intéressant aux valeurs sur lesquelles il fonde sa vie, et la seule manière de respecter sa propre foi en l’énonçant de manière à lui donner un poids parmi les sociétés humaines.
Même si une telle entreprise n’est pas forcément dans l’air du temps, il est nécessaire de résister à la pente naturelle qui pourrait nous entraîner vers la facilité, la superficialité et la désinvolture. Résister est justement un mot qui fait partie de la culture protestante. Chaque époque présente ses obstacles particuliers. Aujourd’hui, le risque contre lequel il est important de réagir consisterait à abandonner une culture de la foi. Les éditions Jas sauvages que j’ai fondées se sont donné cette mission, avec tous ceux qui coopèrent à cette aventure éditoriale.
Cultiver la foi, dans le domaine du religieux, signifie donc produire des formes de pensée qui, à toutes les époques, rendent compte de manière renouvelée de la façon de vivre une relation avec Dieu. Sur le plan individuel, pour les croyants, il est non seulement sérieux, mais aussi joyeux de se livrer à une telle réflexion. Car la foi ne peut pas apporter pleinement le bonheur dont elle est porteuse à une conscience qui demeure passive. Mais l’attention et l’éveil de la pensée exercés jour après jour – comme on cultive la terre sans relâche –, pour saisir en l’occurrence les signes de la présence de Dieu garantissent le bien-être et la joie.
Une des voies par lesquelles il est possible de s’engager pour nourrir la spiritualité consiste à fréquenter les textes bibliques et les expressions nouvelles d’art qu’ils inspirent. Une fréquentation de ces productions en commun multiplie sans doute l’énergie qu’elles sont capables de diffuser. C’est pourquoi un Festival qui nous réunit tous autour d’une littérature, d’une musique ou de représentations qui suggèrent le bonheur d’une vie de foi ne peut être que bénéfique pour tous ceux qui viennent y participer. (…)
Apprendre à parler de la foi
Les intervenants de ce Festival sont poètes, musiciens, universitaires, pasteurs. Certains viennent de loin et ils ont tous accepté avec énormément de bonne grâce de venir nous apporter le fruit de leurs compétences, de leur science et de leur art qu’ils mettent tous en œuvre avec passion, inspiration et beaucoup d’exigence, chacun dans son domaine. Certains sont des fidèles de ces Festivals dont la formule a été inaugurée en 2019 à Marseille, rééditée ensuite à Grasse, avant de faire escale à Nice : je pense à Verena Dietrich et Étienne Pfender qui nous enchantent par leur virtuosité et nous édifient avec leur concert-lecture Éloge du don, à Olivier Millet qui donne régulièrement à nos Festivals leur ancrage dans la tradition protestante, à Bernard Rordorf qui déniche toujours des sujets inédits pour méditer sur l’association entre foi et poésie, à Yves Ughes qui renouvelle aussi ses proférations poétiques en variant les angles de son expérience personnelle de la foi, en multipliant aussi les offres de formation littéraire, avec ses ateliers d’écriture notamment.
Bref, une équipe s’est constituée autour du projet de ces Festivals et nous sommes heureux que de nouveaux poètes, musiciens, pasteurs, universitaires la rejoignent avec enthousiasme, disponibilité et générosité au fil du temps, dans un bel esprit de partage.
Ces intervenants viennent d’horizons divers. Ils ne sont pas exclusivement protestants. Certains appartiennent à d’autres confessions chrétiennes, d’autres portent en eux d’autres fois, et certains ont été invités à ce Festival parce que leurs textes racontent des expériences de vie très fortes, dont je n’ai même pas eu l’idée de demander si elles étaient sous-tendues par un rapport à une quelconque transcendance. Ce sont des expériences de vie qui sont appelées à nous parler, simplement dans une fraternité en humanité; elles sont dites avec la grâce – c’est-à-dire la puissance – de la poésie et nous pouvons les accueillir et les méditer, chacun avec nos convictions, en nous disant que rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger, et en les enveloppant de notre sympathie.
Au cours de ce Festival, il va cependant vous être proposé la plupart du temps de vous laisser assaillir, en vrac, par toute sorte de témoignages de foi protestante, au travers du temps, du 16e siècle à nos jours, à travers des lectures, des conférences, des dialogues, etc. Les formes et les sujets sont variés et il n’y aura pas de temps mort. De quoi se gorger de paroles, pendant ce week end de la Réformation. Les poètes protestants d’aujourd’hui, qui sont assez nombreux, – les publications variées des éditions Jas sauvages le montrent –, perpétuent la démarche des pionniers de la Réforme qui ont diffusé leur vision de Dieu et de la foi à travers l’élaboration de doctrines théologiques, dans l’Église, et d’une parole plus personnelle à l’intérieur de la société. Vous allez le découvrir: la parole poétique est celle d’un individu, qui confie à ses auditeurs ou à ses lecteurs ce qu’il a de plus secret, de plus intime, de plus fragile, de plus subtil et de plus inspiré dans son rapport avec Dieu. Il est toujours émouvant et intéressant de l’entendre, dans sa spécificité qui établit un dialogue unique avec chacun. Aux croyants elle peut apprendre à parler de la foi, dans la communion du partage. Aux autres elle suggère le compagnonnage radieux – victoire sur l’intolérance et la stérilité d’une surdité bornée –, de celui qui croyait au ciel et [de] celui qui n’y croyait pas, ou de celui qui y croit autrement.
Tous les temps de ce Festival sont des temps forts, car chaque intervenant y apporte l’essentiel de sa recherche personnelle. Certaines séquences seront plus développées que d’autres en raison d’une association de paroles, d’une conjonction d’interventions sur un même sujet: il y aura des soirées autour de différents auteurs, un mini-colloque, un concert-lecture exceptionnel à l’ouverture du Festival, des bouquets de lectures et de conférences, des temps d’action pour le public lui-même, avec la création personnelle en atelier samedi matin pour ceux qui le voudront, ou à travers le questionnement qui pourra s’engager avec les auteurs.
Ce Festival sera aussi un peu placé sous le signe de la transmission, comme un discret fil rouge, avec cette interrogation : comment l’idée de la foi et l’expression des sensations et des émotions poétiques qui s’y attachent peuvent-elles se transmettre ? L’expérience est ouverte en grand à travers ce Festival : que va-t-il s’y passer pour chacun d’entre nous? Réponse dimanche soir, au terme de 4 jours de poésie ininterrompue; ou au-delà… au terme des méditations que ce Festival pourra susciter. En tout cas, merci de votre présence, car c’est elle qui rend possible l’espoir d’une transmission.
Illustration: temple du Saint-Esprit à Nice.
Commentaires sur "Cultiver la foi"
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Produire des formes de pensée, c’est cultiver sa foi, elle si belle et profonde cette partie de la phrase qui nous amène à notre être intérieur , son développement !