« Black Church » (4): L’Église politique
Quatrième et dernière partie d’une série de quatre épisodes portant sur Black Church, de l’esclavage à Black Lives Matter, d’Henry Louis Gates Jr, publié aux éditions Labor & Fides. Aborder l’Église africaine-américaine, c’est nécessairement interroger les enjeux politiques, éthiques ou encore sociétaux qui y sont liés, et chaque page de Black Church est, d’une manière ou une autre, imprégnée de ces questions. Pour en parler, aux côtés de Philippe Gonzalez, le théologien et socio-anthropologue Jean-Claude Girondin, spécialiste de ces questions et de Martin Luther King.
Écouter l’émission Solaé Le rendez-vous protestant (19 février 2023, présentée par Jean-Luc Gadreau et réalisée par Delphine Lemer).
Lire le premier volet: Black Church (1): l’Église matrice.
Lire le deuxième volet: Black Church (2): l’Église autre.
Lire le troisième volet: Black Church (2): l’Église musique.
Jean-Luc Gadreau: Je retrouve à nouveau et pour une dernière fois Philippe Gonzalez, maître d’enseignement et de recherche en sociologie à l’université de Lausanne, codirecteur avec Yannick Fer de la collection Enquêtes chez Labor et Fides dans laquelle est sorti Black Church. À ses côtés, pour aborder aujourd’hui la thématique politique et sociétale développée tout au long des pages de Gates, Jean-Claude Girondin, théologien, socio-anthropologue mais également pasteur dans une Église mennonite multiculturelle, notamment. Bienvenue à tous les deux. Je cite Gates: «Raconter l’histoire de la religion américaine, c’est raconter une histoire politique. Ainsi, toutes les divisions, toutes les contradictions définissant cette grande expérience de la démocratie sont mises en évidence dans la vie religieuse américaine». Il est vrai que chaque page de Black Church se réfère à ce sujet d’une façon ou d’une autre et que nous ne pourrons ici que l’effleurer – certains aspects ayant d’ailleurs déjà été évoqués lors des précédentes émissions. Pour commencer, Philippe Gonzalez, que retenez-vous d’essentiel dans Black Church, d’un point de vue global, sur ces questions d’ordre politique et sociétal?
De la religion des maîtres à la religion d’émancipation
Philippe Gonzalez: Que le christianisme, qui était la religion des maîtres, a été une religion d’émancipation pour les dominés qui ont retourné cette forme de domination qui leur était imposée. Et puis, le christianisme a été une manière pour les esclaves afro-américains de réimaginer leurs conditions d’existence. Ils se sont en partie projetés sur l’au-delà mais également sur l’ici-bas et cela a été un formidable moteur de transformation sociale.
Jean-Luc Gadreau: Jean-Claude Girondin, vous êtes également un spécialiste de la question, ayant notamment beaucoup travaillé autour de la personne de Martin Luther King. La question des droits civiques, cette lutte pour la justice est intrinsèquement liée à l’Église africaine-américaine, avec des options diverses, des moments de son histoire – qui d’ailleurs commence pendant le temps de l’esclavage – nécessitant des actions différentes. Quelques mots de votre part sur cette période de l’Histoire?
Jean-Claude Girondin: La période esclavagiste aux États-Unis est quelque chose de très dur car ce qui est renié fondamentalement c’est l’humanité de ces Noirs, de ces esclaves. Je pense à un auteur comme Mveng qui dit que l’esclavage n’est pas qu’une question de droits de l’homme mais que c’est le refus même de l’humanité de ces hommes. Quand on parle de l’esclavage, on parle de la domination mais aussi de la souffrance, de la déshumanisation des êtres humains et, à ce titre, on comprend qu’aujourd’hui les Noirs, que ce soient aux États-Unis ou dans les Caraïbes, portent encore les séquelles de l’esclavage ainsi que ses conséquences psycho-sociologiques.
Jean-Luc Gadreau: Il y a des marqueurs qui demeurent?
Jean-Claude Girondin: Il y a des marqueurs; Mveng, qui a été historien, philosophe et théologien jésuite, parle de «pauvreté anthropologique». C’est l’annihilation de l’identité noire, c’est l’idée que ce n’est pas simplement une question de pauvreté économique mais de pauvreté de l’être. C’est cela, les conséquences de l’esclave et de la colonisation. On observe aux États-Unis – on peut le voir dans les écrits de King et d’autres auteurs – cette déshumanisation de l’homme noir, et c’est pour cela que King parle dès le début de son combat de «Noir nouveau». C’est un concept qui est très fort chez les Noirs américains. King dira: «Le Noir nouveau est né».
Jean-Luc Gadreau: C’est finalement très proche de l’Évangile, cette forme de renaissance?
Jean-Claude Girondin: Oui. King était pasteur mais le livre nous parle aussi de tous ces auteurs, tous ces réformateurs sociaux, qui à partir de vérités bibliques et théologiques vont reconstruire une humanité nouvelle.
Jean-Luc Gadreau: Je reviens au livre en citant ce petit extrait de Black Church sur le sujet :
«Quant aux Noirs pris au piège de l’esclavage dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord, ils reçurent finalement dans la conversion aux formes protestantes du christianisme une chance d’améliorer leur statut, d’apprendre à lire et à écrire et en fin de compte d’échapper à leur condition, bien que ce ne fût que dans l’au-delà. Beaucoup perçurent également dans les Écritures un message différent de celui prêché par leurs ravisseurs. Le récit de la libération à venir, du salut céleste et de l’amour de Dieu pour tous ses enfants portés par les mots de la Bible s’adressait directement à leur situation désespérée. C’est le paradoxe.»
Philippe Gonzalez: C’est en effet le paradoxe, d’autant plus quand on connaît les conditions dans lesquelles les missionnaires ont choisi de leur prêcher l’Évangile. Il faut dire que, dans un premier temps, les maîtres blancs étaient très réticents à cette prédication de l’Évangile car, si les esclaves se convertissaient, qu’allait-on faire de ces frères et sœurs dans la foi? Il fallait les libérer. D’ailleurs, les premières conversions d’esclaves se font non pas au protestantisme mais au catholicisme. Ce sont des esclaves qui fuient vers le sud, vers la Floride, qui était aux mains des Espagnols catholiques, et qui en arrivant se convertissent au catholicisme et sont libérés. C’est ce qui va être le repoussoir pour les maîtres blancs. Il faut une synthèse théologique et – c’est terrible, je dis ça en frissonnant – ce sont des prédicateurs anglicans qui en 1670 arrivent avec cette idée de la suprématie blanche et disent aux maîtres que ce n’est pas parce qu’ils sont chrétiens qu’ils sont esclaves mais parce qu’ils sont Noirs. C’est l’idée de la blanchité. Ces anglicans voulaient sauver les âmes de ces esclaves et disaient aux maîtres qu’en se convertissant les esclaves seront plus dociles… C’est donc paradoxal car c’est un instrument idéologique de domination et les missionnaires veulent ménager la chèvre et le chou en sauvant les âmes de ces esclaves mais sans les sauver de leur condition actuelle. Ce sont dans ces conditions que ces esclaves afro-américains vont très fortement résonner avec le message biblique et en particulier avec celui de l’Exode et celui du Christ allant vers les exclus, vers les petits de ce monde, et qui, lui-même, a fait l’objet de tortures, est mort sur la croix.
Jean-Claude Girondin: On se rend compte que les Noirs vont s’approprier le message de l’Évangile et que l’Évangile va devenir pour eux une religion de transformation et de contestation sociale. Pour eux, l’Évangile n’est pas (comme c’est le cas pour beaucoup de jeunes) une religion d’évasion, où l’on va accepter sa condition, mais une religion de transformation sociale. Et le message de King c’est cela: un message de transformation et de transformation sociale. Je pense à un sermon de King où il dit:
«C’est bien de parler de la nouvelle Jérusalem, mais quand est-ce qu’on va parler de la nouvelle Chicago? C’est très bien de dire que nous serons vêtus de vêtements blancs quand on sera au ciel, mais de quoi sera-t-on vêtus demain?».
Il y a donc là une appropriation du message et, pour King, si l’Évangile ne va pas jusqu’à transformer la condition politique, sociale, et économique de l’homme noir, cette religion là n’a pas de sens, elle est moribonde. D’une certaine manière, Marx a raison de dire que l’Évangile, la religion chrétienne, c’est l’opium du peuple…
Jean-Luc Gadreau: C’est le méthodisme qui va faire évoluer les choses. En effet, l’Église méthodiste se déclara opposée à l’esclavage, ce qui attira d’ailleurs beaucoup de Noirs qui rejoignent en masse cette Église, puis l’Église baptiste.
Philippe Gonzalez: L’Église méthodiste est centrale dans la diffusion des grands Réveils. Un Réveil, c’est un rassemblement, généralement en plein air (on parle de Tent revival, le Réveil sous la tente), ce qui permettait donc à des esclaves, qui dans les Églises étaient ségrégués spatialement, de se mêler plus facilement à la foule. Un grand nombre d’éléments de spiritualité de ces Réveils est aujourd’hui encore présent dans les Églises afro-américaines, je pense par exemple aux répons entre l’assemblée et le prédicateur ou le chœur.
Jean-Luc Gadreau: Pour les gens qui ne connaissent pas, c’est une chose qu’on voit souvent dans les film. À l’intérieur des Églises afro-américaine, le pasteur prêche et les gens répondent, l’encouragent à continuer à prêcher, réagissent…
Philippe Gonzalez: C’était une forme qui était promue par les Réveils, notamment méthodistes, et qui entrait en résonnance avec les traditions spirituelles africaines qui étaient héritées. De plus, les Réveils sont des moments de démocratisation de la foi mais qui ont aussi des incidences, c’est une démocratisation politique. On le voit aussi dans le lancement du pentecôtisme au début du 20e siècle. C’est incroyable: on a alors un prédicateur afro-américain, William Seymour, qui prêche à Los Angeles devant des Blancs et des Noirs, des hommes et des femmes, tous mélangés. Au lancement du pentecôtisme, on peut imaginer que les gens qui entraient dans cette Église d’Azusa Street (dans cette baraque!) pensaient que c’était la nouvelle Pentecôte, c’est-à-dire qu’il y avait une mixité sociale et raciale qui annonçait quelque chose de nouveau. Lorsque le pentecôtisme va s’institutionnaliser, on va repartir en arrière, on va séparer les Blancs et les Noirs, les hommes et les femmes, réinstituer les hommes blancs en position de pouvoir. On voit donc qu’il y a cette oscillation constante mais que les moments de Réveil sont des moments de démocratisation de la foi et du rapport à la question politique.
L’Église porte l’éducation
Jean-Luc Gadreau: Il y a aussi la question de l’éducation. Il était interdit d’apprendre aux esclaves à lire et à écrire et, en réaction à cet interdit, les gens se montrèrent encore plus désireux d’apprendre à lire et à écrire. L’éducation va être vue comme un vrai pouvoir et on va donc enseigner la lecture et l’écriture dans les Églises. Jean-Claude Girondin, sur cette question de l’éducation dans l’histoire de l’Église africaine-américaine?…
Jean-Claude Girondin: Je trouve assez extraordinaire le rôle que va jouer l’Église. L’Église est au cœur de cette révolution à la fois religieuse, culturelle, politique, éducative et quand on lit Black Church, on est fasciné de voir tout ce que l’Église apporte à la communauté noire. Cela me fait penser à une citation de Serge Molla qu’on trouve dans le livre:
«Au commencement était l’Église, l’Église noire était avec la communauté noire et l’Église noire était la communauté noire. L’Église noire était au commencement avec le peuple noir, tout fut par elle et rien de ce qui fut ne fut sans elle. Dans l’Église noire était la vie et la vie était la lumière du peuple noir. L’Église noire brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas vaincue.»
C’est l’Église noire qui porte l’éducation parce que les collèges, les universités, où naissent-ils? Dans les Églises. Et c’est extraordinaire car il y a un travail qui se fait non seulement au niveau des adultes de manière générale mais aussi plus spécifiquement au niveau des femmes qui elles aussi vont revendiquer leur droit à l’éducation, à la formation.
Jean-Luc Gadreau: Il y a aussi, directement rattachée à cela, la question de l’Évangile social puisque dans cette façon de vouloir que ce message de l’Évangile se traduise dans des actes, l’Église africaine-américaine va être très active dans le domaine du social.
Jean-Claude Girondin: Et aujourd’hui on parle de la mission holistique, de la mission intégrale.
Jean-Luc Gadreau: Pouvez-vous expliquer en quelques mots de quoi il s’agit?
Jean-Claude Girondin: C’est l’idée que l’Évangile – et c’est très puissant chez King – ce n’est pas juste le salut des âmes, c’est l’homme tout entier. Ce message, on le retrouve non seulement chez King mais aussi dans la communauté: l’importance à la fois de s’occuper de l’homme tout entier et de permettre que l’homme s’émancipe. C’est ce que nous pourrions appeler la libération du corps (mais pas seulement, car il s’agit aussi de son esprit). C’est comme lorsque l’on parle aujourd’hui de la décolonisation: on parle également de la décolonisation de la pensée. Et tant qu’on n’a pas atteint ce niveau-là, on peut dire que l’homme est toujours esclave et qu’il est toujours colonisé.
Philippe Gonzalez: Oui, l’Église est vraiment la première institution afro-américaine et il faut prendre la mesure de ce que cela veut dire. C’est un lieu évidemment de culte mais aussi un lieu de sociabilité, de développement politique, de solidarité. Lorsque Abraham Lincoln réfléchit à la question noire, avant de penser la libération des esclaves et l’abolition de l’esclavage, il avait cette idée qu’une fois libérés, les esclaves afro-américains devraient repartir en Afrique. Et ce sont des pasteurs afro-américains qui vont lui expliquer qu’ils sont là depuis des siècles, qu’ils ont fondé ce pays, font partie de l’histoire de l’Amérique et que, chez eux, c’est ici. Le pasteur comme figure politique, cela ne date donc pas de King. King en a été une des versions éminentes mais il est un héritier de cette figure-là. Et pour la question de la solidarité sociale, les États-Unis ce n’est pas la France, il n’y a pas de Sécu. Medicare, c’est une invention d’Obama qui est dénoncée comme un afro-socialisme par les républicains. La solidarité sociale se fait donc au sein de l’Église. C’est dans les Églises qu’on va constituer des mutuelles, qu’on va cotiser. Les gens qui payaient leurs contributions ecclésiastiques contribuaient ainsi à un fond de solidarité ecclésiale, diaconale, pour permettre la prise en charge des unes et des autres.
Martin Luther King et l’Évangile de transformation sociale
Jean-Luc Gadreau: On a déjà beaucoup parlé de Martin Luther King car il est au cœur de toute cette histoire. Une citation de lui qu’on peut lire dans Black Church:
«Je suis beaucoup de choses pour beaucoup de gens, responsable en matière de droits civiques, agitateur, fauteur de trouble et orateur… Mais en mon for intérieur, je suis fondamentalement un homme d’Église, un prédicateur baptiste. L’Église est ma vie, j’ai donné ma vie à l’Église».
Parlez-nous encore un peu de King, Jean-Claude Girondin. C’est quelqu’un qui compte aussi dans votre histoire personnelle puisque vous avez beaucoup travaillé sur lui. Qui est-il pour vous, personnellement?
Jean-Claude Girondin: Moi je considérais King comme un réformateur social. Souvent, quand on parle de King, on s’arrête sur son message pour la paix, la réconciliation et je vois que le cœur même du message de King est ce qu’il appelle la «communauté bien-aimée» (Beloved Community). C’est considérer qu’il ne s’agit pas seulement de parler de la paix mais aussi de s’intéresser à comment les gens dans une société vont vivre ensemble. Et King est pour moi ce réformateur social qui nous promet le dépassement des préjugés, du racisme, des questions de couleur de peau, pour apprendre à vivre ensemble. Je trouve cela extraordinaire car on aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait un message de repli sur soi (à l’image de certains pasteurs ou même de ce que l’on voit avec la Nation de l’islam, finalement), mais King va au-delà. Et c’est ce qui m’intéresse chez lui: comment il porte ce message de paix, un message de paix qui veut dépasser les barrières entre les hommes, quelles que soient les barrières. Comme personne venant de la Guadeloupe, je trouve chez King de l’espérance. On peut rêver avec King, rêver de transformation, on peut sortir de la victimisation. Je pense que quand j’ai découvert King, j’ai trouvé quelqu’un avec qui je pouvais marcher, avec qui je pouvais cheminer pour m’engager dans mon pays, pour apporter cet Évangile de transformation sociale – non pas un Évangile d’évasion, d’acceptation. Je pense qu’on peut avec King s’engager pour la transformation, pour changer les choses dans un pays.
Jean-Luc Gadreau: Ce que vous dites est beau et cela me touche. King va être assassiné à Memphis, ce qui met fin de manière tragique et violente au mouvement des droits civiques des années 1960 et place l’Église noire à un carrefour spirituel et politique. Il y a ensuite une longue histoire qui continue, avec la nécessité de se réinventer. Où en est-on aujourd’hui, Philippe Gonzalez?
Philippe Gonzalez: L’Église afro-américaine aujourd’hui rencontre plusieurs défis. Il y a le défi sur lequel revient souvent Gates, celui de la starification. Les Églises fonctionnent comme de petites entreprises (en tout cas aux États-Unis) et certaines figures pastorales surfent sur le télé-évangélisme. On pense aux marchands du Temple, pour reprendre une métaphore biblique. Un autre défi est d’affronter la sécularisation, car celle-ci touche aussi la communauté afro-américaine, l’Évangile et la communauté ecclésiale n’étant plus nécessairement un horizon dans lequel les gens se retrouvent et notamment en regard des nouvelles questions.
Il faut notamment être à l’avant-garde sur la question de la dénonciation du racisme, on l’a vu ces dernières années avec les manifestations autour de George Floyd. J’aimerais citer une phrase de Gates qui me paraît importante, il écrit: «Le racisme systémique est peut-être un nouveau concept pour beaucoup, mais ses racines sont profondes». Je pense que l’un des défis de la société américaine est de réussir à parler à l’ensemble de la société américaine des racines de ce racisme systémique, sans clivage, alors qu’on est face à une société de plus en plus clivée, polarisée. Un exemple: il y a quelques années, dans la Convention des Baptistes du Sud (qui est la plus grande famille protestante américaine) ont eu lieu des débats extrêmement durs et des divisions autour de cette notion de racisme systémique. Des motions ont été déposées par des frères et sœurs afro-américains qui visaient à faire reconnaître par cette famille d’Églises la réalité du racisme systémique et ce n’est pas rien car les baptistes du Sud sont nommés ainsi parce qu’ils se sont séparés des baptistes du Nord sur la question de l’esclavage avant la guerre de Sécession. Historiquement, ces baptistes du Sud pensaient que l’esclavage était tout à fait licite au regard de la Bible. On voit qu’on a là un héritage et que le Sud des États-Unis – qu’on appelle la Bible Belt – est aussi traversé par un clivage très profond entre Blancs et Noirs autour de lectures très différentes de la Bible et de l’Évangile.
Jean-Luc Gadreau: Pour finir, Jean-Claude Girondin, retournons en France. Comment se vit cette multiculturalité du point de vue des Églises protestantes évangéliques? En tant que pasteur mennonite, qu’auriez-vous à dire?
Jean-Claude Girondin: Il y a des choses positives. Par exemple, moi j’enseigne à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine la gestion pastorale de la diversité culturelle. Il y a la même chose à Nogent.
Jean-Luc Gadreau: C’est déjà une bonne chose de pouvoir enseigner cela.
Jean-Claude Girondin: Oui, nous avons aussi organisé un certain nombre de colloques avec la Fédération protestante de France, donc il y a des choses positives même s’il reste encore du travail. Je reviens encore à ce concept de Beloved Community. L’idée, c’est comment nous apprenons à vivre ensemble, comment, à un moment, nous dépassons toutes ces questions de couleur de peau, de préjugés, pour vivre pleinement l’Évangile. C’est cela, pour moi… Nous avons fait beaucoup de progrès mais le chemin est encore long.
Jean-Luc Gadreau: Merci pour tous ces apports passionnants! Il y aurait encore beaucoup de choses à dire mais le plus simple est encore de lire Black Church et de se faire sa propre idée.
Transcription réalisée par Pauline Dorémus.
Photo: Martin Luther King Jr. durant la marche pour les droits civiques sur Washington du 28 août 1963. (Photo Rowland Scherman, Wikimedia Commons/domaine public).