Le sacrifice de Caïn - Forum protestant

Un récit qui «en montre peut-être plus que ce qu’on dit»: en relisant dans le détail l’histoire de Caïn et Abel, Philippe Kabongo-Mbaya voit «des logiques qui rendent le mal et la mort si inévitables, là-même où visiblement ils ne semblent relever d’aucune nécessité; où ils auraient pu être écartés». Un récit de faux-semblants où Dieu est le premier à relativiser le sacrifice et où «la malédiction apparaît comme une délivrance. Un horizon de précarité marqué à la fois par la mobilité et la liberté. En somme l’invitation à entrer dans l’Histoire !».

 

Genèse 4,1-16

L’histoire de Caïn et Abel est parmi celles dont on se souvient dans la Bible. Sa charge de violence est également lourde des questions qui restent sans réponse. Le tragique incarne un récit dépouillé. Organisée tel un conte, la scène laisse entrevoir ruptures, rebondissements, interpellations, dialogues et silences énigmatiques. Face à la rage des rivalités idéologiques de notre temps, on y a vu un modèle de «rivalité de bénédiction» (1). Dépourvu d’un happy end identifiable, le récit offre un épilogue comparable à un reflux dont l’écho libère une incertitude infinie.

Le projet n’est pas de proposer une énième exégèse ou une interprétation anthropologique, mais de retrouver des logiques qui rendent le mal et la mort si inévitables, là-même où visiblement ils ne semblent relever d’aucune nécessité; où ils auraient pu être écartés. Les thèmes que la tradition a charriés sont-ils les seuls éclairants pour ce mythe ? Premier meurtre, rivalité, jalousie, etc. Tout a été dit. Souvent aux dépens de ce que le récit lui-même décrit: une situation de célébration, des offrandes, ce qu’elles exprimaient, ce qu’elles nous donnent à voir encore aujourd’hui. Deux oblations dont il faut essayer de déterminer non pas les possibles mobiles, mais leurs formes, les indices des significations enfouies. Le récit en montre peut-être plus que ce qu’on dit. Il est donc possible d’explorer d’autres cadres interprétatifs.

 

Une naissance bardée des privilèges

L’histoire se déroule en plusieurs étapes. D’abord les naissances et les marques d’identification d’emblée situées en tête de la narration. L’identité de chacun apparait déjà comme un signalement vers un attendu logique, suivant l’orientation prévisible du récit. Les noms: Caïn, dont le sens peut être lance, forgeron, javelot, etc. Mais aussi possession, acquisition (2). Ce qui est valorisant pour un être venu ainsi au monde. Abel, lui, c’est différent. Son nom renvoie à buée, vapeur, vanité, etc.: tout ici dit l’évanescent, l’inconsistant, l’instable, le fragile. Caïn et Abel: le décor est planté par cette déclinaison d’identités de valorisation et de péjoration narcissiques. Des trajectoires scellées. Ce premier moment s’offre comme une clé pour le reste de la narration. En voici un deuxième.

Caïn et son frère n’apportent pas les mêmes offrandes à Dieu. S’il en était autrement, comment les aurait-on partagés, de telle sorte que chacun puisse espérer avoir droit à ce qui lui revient ? Pour l’un, ce sont les «fruits de la terre». Tandis que le second donne «les premiers nés de son bétail et leurs graisses». Les présents sont différenciés, sont-ils pour autant de valeur ou symboliquement de qualité inégale ? On y a vu la rivalité originaire entre agriculteurs et pasteurs.

On pourrait s’intéresser aux modalités mises en œuvre pour disposer de ces offrandes. Là, la récolte (ou la cueillette); ici, l’abattage d’un animal. Le sang a coulé pour ce dont Abel est chargé; ce qui n’était pas le cas pour le don de Caïn. Il y a le sang (3), mais aussi les graisses de la victime tant appréciés pour ces rituels. L’Éternel pose un regard favorable sur Abel et son offrande, mais fait l’inverse sur Caïn et son don. Pourquoi ce choix divin, qui n’a cessé de tourmenter tant des lecteurs de ce mythe ? Dieu a-t-il préféré le sacrifice sanglant, le prédisposant ainsi à être le modèle supérieur pour la course vers la reconnaissance ?

Peut-être faudrait-il regarder autrement le problème. Au départ, les insinuations symboliques de leurs noms prédisaient les destins de deux célébrants en binôme opposé: un fort et un faible; un gagnant et un perdant. Le choix de l’Éternel opère un changement inattendu de cette programmation prédictive. Comme si l’Histoire rebattait les cartes ! La réception et le rejet des offrandes suggèrent en creux l’inversion de la valorisation et de la péjoration narcissiques du début. Ce deuxième moment introduit en réalité une césure dans le récit. Cette remarque a son importance.

 

Le sacrifice ajourné

Les cadeaux apportés à Dieu entrent donc en concurrence. L’offrande du sang de brebis l’emporte contre les épis de blé ou de maïs, les corbeilles de figues ou de raisins. Le rituel montre des réalités et des gestes sans trop les dévoiler. Les deux frères présentent leurs dons; mais simultanément, en retour, les choses apportées les représentent eux-mêmes. Ainsi, comme il a été dit, se dessine un conflit dans un mouvement de rivalité. Ce qui n’est pas indifférent quant à la hiérarchie dans le clan. L’ainé est face au cadet: c’est l’heure de la vérité. Cette course vers la reconnaissance vise à n’en point douter le contrôle de ce qui consacre la légitimité par-delà des apparences et des données de naissance.

L’enjeu de ce qui se passe reste subtil. Au baromètre de la ritualité, l’oblation du sang et des graisses est mieux cotée que le don des végétaux. Bien qu’ainé, Caïn a perdu la partie. Il est «très irrité et son visage est abattu», dit le texte. Ce n’est pas seulement l’offrande qui est refusée, mais l’écroulement de ce que Caïn se croyait être: son nom, statut, rang, privilège. L’identité blessée est une forme sévère de l’humiliation, et en tant qu’épreuve narcissique, elle réclamera réparation. Car, suivant la traduction d’André Chouraqui, «ses faces tombent», (verset 6). Les masques ne tombent que pour endosser davantage la vigueur de la victimisation. Pourtant, une obscurité persiste. Comment comprendre que l’agrément ajourné de ce jour-là se reçoive en tant que décision pour toujours, une sanction sans espoir contre toute offre rituelle possible qui viendrait de Caïn ? Cette imprécision n’a-t-elle pas contribué à l’opacité du mal insinuée par la narration ? Quel Dieu arbitraire aurait ainsi pris parti pour l’Injustice ! Pourquoi une souveraineté insondable serait-elle comme par essence génératrice d’une partialité intemporelle, toujours valable et éternelle ?

La réclamation se relance. Fallait-il qu’il en fût ainsi: quelle nécessité imposait cette logique discriminatoire intraitable et exclusive ? Quelle raison justifiait le rejet d’une offrande comme condition d’acceptation d’une autre ? Comment soutenir un bien qui a besoin du mal pour être ? Allumer une guerre pour espérer la paix ? La logique se rebiffe devant un questionnement qui ne date pas d’hier. Toutefois, peut-on croire que cette scène soit racontée pour enfermer le lecteur dans cette impasse ? Le scandale de la situation ressemble au contraire à un aiguillage discret, incitant à se diriger vers plus d’ouverture et de liberté de sens dans la méditation du le récit. La césure signalée ci-dessus concerne précisément ce moment particulier de l’histoire.

On peut le remarquer: dans la narration, les concernés ne se sont pas encore parlé. C’est seulement lorsque cela brûle beaucoup Caïn, que l’Éternel lui parle. Il l’interpelle: «Si tu agis bien, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n’agis pas bien, le péché est tapi à ta porte, et son désir se porte vers toi; à toi de le dominer». Une interpellation doublée d’une injonction ! Notons qu’après «Tu ne mangeras pas du fruit de l’arbre…», au chapitre 2,17, adressé à Adam, ce «…à toi de le dominer» apparaît ici comme possiblement l’énonciation de la deuxième Loi (4) proférée par la bouche de Dieu. Et le dialogue gagne en intensité vers la fin du récit. Il peut y avoir bruits et fracas comme un tohu-bohu sans Création. Comme les chaos et ténèbres immémoriaux. Cependant, l’Histoire n’émerge que lorsque qu’une Parole permet du lien entre humains, comme surgissement de sens, en vue d’une reconnaissance partagée.

 

Les ressorts de la fatalité

Une autre observation. La scène résume ce qui se passe entre ses héros principaux: Caïn et Abel. Le résultat de leur seule volonté. À la différence des chapitres 2 et 3 où l’Eternel Dieu et le Serpent ont respectivement l’initiative; au chapitre 4 ce sont les deux frères qui endossent ce rôle. Car une fois le cadre narratif posé, l’histoire débute, en effet, par «Au bout d’un certain temps…». C’est seulement au verset 6 que Dieu intervient, après la présentation et de l’acceptation des offrandes (c’est-à-dire les victimes rituelles), et donc l’amorce de la victimisation. «Au bout d’un certain temps»: l’échec rencontré dans l’événement de l’offertoire, en ce temps-là (et seulement là), affecte désormais le reste de temps, résumant la totalité de temps. Cette illusion fataliste veut que ce qui n’a pas marché un jour ne pourra plus jamais marcher et que ce qui a réussi un temps, se répétera toujours.

L’installation d’une telle conscience de réitération à l’infini est le cœur du drame ici décrit. Elle fige le reste du temps dans une généralité intemporelle. Sa détermination est inexorable parce qu’elle est comprise comme atemporelle. La scène montre paradoxalement que cette position face au destin recèle un ressort profond, qui prépare à la ruse accusatoire. Une macération du ressentiment qui se transforme en un déni de justice (5). On peut alors tourner le dos à la lumière, rester reclus dans une introversion désespérée. «Si tu agis bien… tu relèveras la tête, (…)»: tout ce qui est incurvé, comme le verra Martin Luther, est déjà représailles, la réalité du péché. La plainte justiciable dissimulant en fait une soif hémorragique de vengeance !

Les paroles de l’Éternel cherchent à ouvrir un autre temps, en démasquant pièges et impasses d’une célébration en perdition. «… Toi, domine-le…»  résonne comme une invitation à la traversée. Face au tragique avec sa puissance d’écrasement, ce que Dieu révèle à Caïn surpasse ce qui brûle (6) en lui, qui le consume et qui pourrait tout embraser. À la sortie du temps des victimes offertes et de victimisation, l’Éternel Dieu invite ainsi Caïn à passer à autre chose: une manière frappante de défataliser cette histoire. Quelle Histoire pourrait être libérée de ses ténèbres, du feu, du sang et des fracas, si aucun avenir ne s’offre à sa marche folle, si elle est pensée comme une mécanique aveugle déterminée par sa linéarité ?

Lorsque les événements épousent une discontinuité sans transition, sans transiger entre eux, on dit que l’Histoire bégaie. Sortant de la présence du Seigneur et de son appel («Toi, domine-le»), Caïn parle à Abel. On a glosé sur l’absence de ce qu’il lui avait dit. Est-ce vraiment un manque, puisque chacun peut comprendre ce qu’il avait pu lui demander dans la suite de l’histoire: le rendez-vous meurtrier (7).

Ce qui se déroule ici compte singulièrement pour l’hypothèse que nous voulons vérifier au cœur de cette tragédie. Tout manifestement se présente comme un crime de vengeance. Déconsidéré sans raison devant les hommes et devant Dieu, Caïn est hors de lui: le désir de réparation le consume tel un feu dévorant. Ainsi le mythe du fratricide originaire n’aurait-il été qu’un acte passionnel. Une saillie de jalousie (8) que nombre des commentateurs va désormais considérer comme un raz de marée de l’émotion ! Ce mobile étant transparent, de quelle autre enquête aurait-on besoin pour chercher à comprendre un tel crime ?

Pour être légitime, l’approche psychologique de l’histoire mériterait toutefois d’autres éclairages. Nous l’avons déjà indiqué: on ne pourrait se contenter de la distance que cette démarche tient envers ce qui est en présence, qui fait le cadre particulier de cette histoire et qui se révèle signifiant pour cette narration. C’est une scène rituelle, une situation de célébration où sont exposés les dons rituels, induisant des interactions entre les protagonistes. Cette contextualisation exige dès lors une attention spécifique aux logiques propres et à ce qui fait la singularité des actes et des paroles de l’événement.

 

De l’offrande des choses au sacrifice du frère

Le rendez-vous fatal fut fixé. «Caïn se jeta sur Abel, son frère, et le tua.» Les faits sont limpides. Ce qui ne l’est pas moins, c’est la qualification du crime accompli lors de cet affrontement fratricide. Un crime de sang. Sur neuf versets qui en rendent compte, près de la moitié répètent le mot «frère» ! L’insistance ne semble pas fortuite. Abel n’était donc pas seulement celui que Dieu avait agréé, et dont l’offrande était le modèle de ce qui réjouit Dieu; Abel était avant tout le frère de l’assassin. La fratrie ou la fraternité devenues des théâtres de lutte pour la reconnaissance, des espaces de compétition pour s’accréditer, pour compter aux yeux des autres, l’existence pouvait-elle être autre chose que la recherche de moyens d’y parvenir ? Caïn et Abel: le condensé mythologique du désir de puissance depuis la nuit des temps. Une quête de ce qui n’a pas de prix, et qui, mieux qu’une simple offrande, justifie des gestes sacrificiels hors normes, monstrueux, des donations ultimes ou totales…

Instruit d’une longue tradition théorique, allant d’Aristote à Freud, René Girard nous a familiarisés avec le sujet. De ses pénétrantes analyses, on peut retenir entre autres ce constat:

« »L’homme désire toujours selon le désir de l’Autre » est, dit Girard, le postulat du désir mimétique dans un conflit… dont les protagonistes deviennent interchangeables et transformés en ‘doubles’ symétriques, ‘en miroir’ dans une relation duale de la rivalité… qui conduit à la violence mimétique. (…) Les protagonistes d’un tel conflit… ne voient pas qu’ils sont interchangeables, symétriques, des ‘doubles’, mais l’observateur extérieur le voit: il y a double logique, celle du désir et celle de l’imitation. En d’autres termes, faire de l’Autre un modèle, c’est faire de lui un rival» (9).

Si, comme il a été suggéré, l’acceptation d’Abel et de son offrande a renversé la logique des prédestinations; si la valorisation et la péjoration narcissiques ont été redressées en faveur d’Abel, c’est que ce dernier est devenu modèle pour Cain au sens girardien. Son offrande également. Ce faisant, Abel n’est plus que le rival. Comme le montre Girard,

«le désir mimétique est sans sujet et sans objet, puisqu’il est toujours imitation d’un autre désir et que c’est la convergence des désirs qui définit l’objet du désir et qui déclenche des rivalités où les modèles se transforment en obstacles et les obstacles en modèles» (10).

La compréhension de cette remarque permet de mesurer la distance entre l’apparence d’un crime passionnel et la nature possible de ce qui s’est joué ici. C’est, en effet, la malédiction du geste sacrificiel, le ressort enfoui du mortifère de l’acte accompli là. Caïn a voulu offrir comme son frère; celui-ci étant devenu à la fois l’obstacle et le modèle de son ambition, c’est donc lui qui est immolé ! Un crime sacrificiel déguisé, alors ? De la même manière qu’aux versets 6 et 7, l’Eternel Dieu attend de Caïn une conduite qui défatalise le cours fatal de la rivalité (le rejet d’un jour ne signifie pas une sanction pour toujours), de la même manière, aux versets 10 à 12, Dieu dévoile la nature réelle de l’acte de Caïn, en tuant son frère ! C’est probablement ce moment que le récit cherche à dissimuler à notre examen. Le meurtre excède assurément le cadre d’un simple crime passionnel et ses mobiles paraissent plus profonds que les considérations psychologiques ou morales.

Que dit le texte ?

«Le SEIGNEUR dit à Caïn: Où est Abel, ton frère ? Il répondit: Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ?»

Le Dieu qui s’inquiète de l’absence d’Abel est le même qui s’était déjà approché de Caïn à l’échec de son offrande. Sa question adressée à ce dernier n’est pas une simple accroche dans la trame du récit. L’interpellation apparaît au contraire comme une confirmation, la preuve même, de sa préférence discriminatoire en faveur du frère cadet. Il est pourtant possible de la comprendre différemment. La sollicitude de l’Éternel, soulignons-le, est de la même fidélité et dans la même suite qu’aux versets 6 à 8.

«Le SEIGNEUR dit à Caïn: Pourquoi es-tu fâché ? Pourquoi es-tu renfrogné ? Si tu agis bien, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n’agis pas bien, le péché est tapi à ta porte, et son désir se porte vers toi; à toi de le dominer

Que révèle cela ? Comme nous l’avons rappelé, au moment de la crise des offrandes, l’Éternel s’était déjà soucié de Caïn pour le relever du désespoir, d’une expérience de victimisation en excès. Qu’est-ce qui importe ici ? La bravade des rituels performants ou la sollicitude de Dieu qui montre que rien n’est définitivement perdu ?

Si par les dons rituels qu’ils apportent aux dieux, les humains cherchaient à capturer leur bienveillance (11), ici elle est accordée à quelqu’un dont l’offre cérémonielle n’avait rien donné !

«Qu’ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ? dit le SEIGNEUR… Je ne prends pas plaisir au sang des taureaux, des agneaux et des boucs» (Ésaïe 1,11).

À l’oblation de Caïn et celle d’Abel, il y a ce qui s’était passé, mais aussi sa perception par les concernés. Dieu toujours se tient aux côtés de celui qui est seul, de la victime, et non jalousement près des offrandes, soucieux des gains et parmi les gagnants. «Où est Abel, ton frère ?» Interpellant de cette manière le fils ainé d’Adam, l’Éternel Dieu ne s’acharne aucunement sur un suspect parfait. Car, invité à désamorcer la fatalité de la violence sans fin, Caïn aurait pu se rapprocher de son frère comme le Seigneur lui-même l’avait fait à son profit.

 

La dette de sang, un sacrifice caché

C’est pour tenter une distanciation d’avec ce registre inquisitorial surchargé souvent de moralisme qu’il nous faut camper sur les images et connotations présentes dans le texte lui-même. Il y a les sangs (12), la terre et les formes verbales décrivant relations et actions. Puisque l’assassinant d’Abel par son frère rejoint le cadre rituel de la narration, il doit, par conséquent, s’interpréter dans cette économie sacrificielle. La question surgit: à qui profite le crime ? Qui serait le destinataire du sacrifice ? Il faudrait d’abord que le meurtre, sacrificiel ou non, soit établi ! Le sang d’Abel parle (13), bien que le crime ait été furtif, réalisé pour demeurer muet. On le voit, la dénégation demeure une manière de déni.

Renommer le meurtre originaire ne se justifie que s’il se distingue d’une allégorisation ou d’une extrapolation abusive. En grec, allêgorein désigne le fait de parler par figures de langage. Cela consiste à représenter une notion abstraite au moyen d’éléments réels, concrets. L’extrapolation, quant à elle, renvoie au discours qui procède par une généralisation, ou une déduction, sur la base des éléments de comparaison non probants. C’est un modèle d’argumentation qui avoisine l’amalgame. Or, devant ce que l’on voit dans la narration, la contextualisation plaide au contraire pour s’en tenir à une symbolisation spécifique. En s’assurant, en revanche, de sa portée pour la compréhension des événements dans la suite du récit. Voici ce qu’il relate  au travers de ce réquisitoire :

«Qu’as-tu fait ? Le sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. Maintenant, tu seras maudit, chassé de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras la terre, elle ne te donnera plus sa force. Tu seras errant et vagabond sur la terre» (14).

Dans ce passage, le nom d’Abel n’est pas cité. C’est «ton frère» qui est répété deux fois, comme aux versets 8, 9 et 10. Cette identification du meurtrier avec sa victime n’est pas une simple manière de parler, avec en creux un rappel intime du tragique au regard de la situation, (c’est ton frère que tu as tué). On pourrait plutôt y déceler une autre identification: l’auteur du crime n’est pas dissocié ou extérieur à son offrande; il demeure lié au sort de sa victime. Dans certaines cultures, le don rituel consiste à céder ce qui ne peut s’offrir, mais qui symbolise en même temps le summum du renoncement. Le mythe de la ligature d’Isaac, «le sacrifice interdit» (15), vient à contre-point comparativement à l’immolation d’Abel. Car, lorsque Dieu dit à Abraham: «prends ton fils, ton unique…» (Genèse 22,2), l’impossible demande peut s’entendre aussi comme une interrogation étonnée, «tu prendrais ton fils, ton unique… ?» et non dans l’immédiateté d’une mise à l’épreuve par défi.

Il y a ensuite les mentions des sangs et de la terre (respectivement dam et adama en hébreu). On se perdrait dans les conjectures et rapprochements étymologiques entre les deux termes. Le sang rouge et la terre rouge (16)… Que les proximités formelles ne deviennent pas des approximations hasardeuses ! L’imaginaire patriotique pourtant offre partout et toujours une consanguinité entre les deux substantifs: l’évocation de ce qui est sacré et qui demande des sacrifices (la terre ou le territoire) et le sang des tous les morts sacrifiés. Caïn possède les terres, des territoires qu’il cultive. Il est visiblement redevable à la terre. Cependant, cette fois-ci, il donne, non pas «les fruits de la terre», mais ce qui est infiniment au-dessus de l’offrande d’Abel. Là où ce dernier a sacrifié un animal, emporté par une surenchère mimétique, Caïn donne ce qu’il n’a pas. Un être humain, son propre frère ! La dette de sang (17) qui se referme sur lui laisse indécise l’identification du vrai récipiendaire du sacrifice.

Ces lignes auraient pu avoir comme titre: Le sacrifice révélé de Caïn. Car c’est bien ce que le passage suivant atteste:

«Maintenant, tu seras maudit, chassé de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère».

Comment ne pas le remarquer ? Le lecteur voit bien que, dans ce réquisitoire divin, il est difficile d’attribuer la mort à une simple brutalité quelconque: étranglement, un coup à la nuque, un empoisonnement. Il s’agit d’une mort violente, entraînant un abondant écoulement de sang. L’usage d’un objet tranchant est en cause. On ne sectionne pas une artère sanguine avec les ongles. L’image qui vient à l’esprit avec évidence est celle d’un égorgement.

Sans verser dans un littéralisme simplet, le témoignage du texte indique tout de même que le sang a été intentionnellement recueilli. Le récit ne nous épargne pas le morbide. Le récit ne dit pas que les traces ou les restes de sang d’Abel étaient sur la tunique de son frère; il affirme au contraire que le sang du crime avait été offert à la terre, tel un breuvage rituel par les mains humaines, celles de Caïn ! Et qu’avec empressement et goulûment (18), la déesse Terre l’avait ingéré. Si cela ne s’appelle pas sacrifice, il faudrait trouver à cette ritualité un autre nom et convenir de son signifié. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire qu’un rite sacrificatoire soit public pour attester du sacrificiel (19). Il est des sociétés où les pratiques ésotériques s’accomplissent dans le plus grand isolement, entourées du secret le plus impénétrable, abritant tout don rituel du regard des profanes. L’acte sacrificiel met en présence un sacré, qui reçoit un sacrifice. Toutes les scènes de mise à mort ne sont pas des sacrifices; de même que l’on ne peut soutenir que seules les immolations sanglantes sont des dons sacrificiels.

Les versets 13 et 14 plaident à rebours en faveur du sacrifice caché de Caïn. Les malédictions divines révèlent l’étendue de sa vulnérabilité. Sans terre et sans dieu, «Caïn dit au SEIGNEUR: (…) si quelqu’un me trouve, il me tuera»; en d’autres termes, l’Eternel Dieu aura ainsi livré le meurtrier comme lui-même l’avait fait en immolant Abel. La fatalité de la mimésis girardienne. Si l’on s’en tient au registre moral, on ne voit pas la portée de ce qui se trame derrière ce dialogue narratif. Caïn victimise. Toutefois, il fait plus que transiger avec Dieu. Ce qu’il recherche c’est que Dieu venge Abel, en se calant sur le mobile de son propre crime. Une vengeance aura été réparée par une contre-vengeance ! Livrer Caïn pour qu’Abel repose en paix et que son sang cesse de crier… Dans ce récit, en marquant Caïn du signe de sa protection, le Seigneur défatalise le mimétisme sacrificiel. À l’opposé de la loi immémorielle qui consiste à tuer celui qui as tué, et qui tuera, l’oblation signifie désormais donner à charge de revanche ! Le don de l’Éternel au bénéfice du meurtrier se dresse là telle une subversion pour la règle de donation.

La phénoménologie de l’échange repose depuis Mauss sur trois principes obligatoires: donner, recevoir, rendre. Le schéma de circulation des offrandes dans l’histoire de Caïn et Abel surprend. Ce schéma est fait de ruptures et de correspondances qui interpellent. Les deux frères offrent à Dieu, qui ne reçoit qu’en partie. Caïn donne la mort à Abel qui, de ce fait, n’est plus dans la relation de réciprocité. Par dépit envers Dieu ou comme geste de fidélité à l’égard de la terre, Caïn apporte le sang (les sangs) de son frère Abel à la terre, qui l’accueille avec empressement. Mais la terre ne restitue rien. Enfin, pour toute sanction, Dieu confère à Caïn un signe de protection. Les paroles de malédiction, frappant à la fois l’offrant (Caïn) et le récipiendaire (la terre), peuvent s’entendre comme un avertissement: ces échanges sont des valeurs de perdition dès lors que la réciprocité cache la rivalité. Est-ce à cause de cela que l’Éternel Dieu oppose à la trame de ce qui se passe un modèle de don inattendu: le signe posé sur Caïn ? À savoir donner sa chance à la confiance, y compris pour celui qui a tué et qui pourrait encore le faire !

Mais, le verset 12 ne proclame-t-il pas pourtant une indéniable punition ?:

«Quand tu cultiveras la terre, elle ne te donnera plus sa force. Tu seras errant et vagabond sur la terre».

Pourquoi ce passage n’aurait-il exclusivement qu’un sens punitif ? Le cadre symbolique des offrandes reflète une lutte sans concession pour les enjeux de l’économie réelle. La rivalité mimétique, comme course pour l’habilitation, ne concerne les échanges rituels que parce qu’elle exprime la volonté de puissance, les actes de domination et les moyens de leur maintien. Au regard de cela, la malédiction apparaît au contraire comme une délivrance. L’imprécation divine indiquerait au fond l’horizon d’un destin autre. Un horizon de précarité marqué à la fois par la mobilité et la liberté. En somme l’invitation à entrer dans l’Histoire !

 

À qui Caïn destine-t-il son sacrifice ?

L’identité personnelle de chacun avait été déclinée, on s’en souvient, en faveur de Caïn: filiation divine, lance-javelot (puissance mythique du forgeron), possession, acquisition, etc.  Arrivé ici, il n’y a plus que précarité et mouvement ! Loin d’être un désastre, il s’agit au contraire d’un don ! Une sorte de bénédiction paradoxale, qui désacralise les valeurs de l’installation, de la colonisation, de l’opulence ou de l’hyperpossession contenues dans le programme onomastique de Caïn.

La précarisation frappe aussi bien l’Homme que la Terre. Elle fait sens et accompagne le signe de Caïn, qu’elle rend encore plus vraie et vive. Ce statut de bénédiction paradoxale signifie: tout à tout moment peut être ôté. N’est-ce pas une économie de dépouillement, qui libère de l’angoisse des menaces, des crispations sécuritaires, des rêves de prospérités ? Le signe de Caïn et la précarisation se présentent ainsi à l’opposé des offrandes, des dons suspects ou criminels. De fait, les sacrifices enferment toujours leur impensé, des non-dits que ce mythe finement démasque. En revanche, comme condition existentielle, la précarité et la mobilité réformatent le rapport à Dieu et au monde.

On peut le voir plus nettement encore au travers d’un Targum, qui met en scène l’ultime discussion entre Caïn et son frère Abel. Le sens des bonnes œuvres, leur acceptation ou non par Dieu, le juste jugement, le monde présent et le monde avenir, la crédibilité de Dieu lui-même: rien n’y échappe ! Une joute théologique de grande facture. Un morceau flamboyant de théodicée !

Caïn: «Je vois que le monde a été créé par amour (…) mais qu’il n’est pas régi selon le fruit des bonnes œuvres et qu’il y a, dans le jugement, acception de personnes. Pourquoi ton offrande a été accueillie avec faveur et mon offrande à moi n’a-t-elle pas été accueillie avec faveur ? Abel répondit à Caïn, en disant « Ce monde a été créé par amour et il est régi selon le fruit de bonnes œuvres et il n’y a point dans le jugement acception de personnes. Parce que les fruits de mes œuvres étaient meilleurs que les tiens et antérieurs aux tiens, mon offrande a été accueillie avec faveur ». Caïn répondit et dit à Abel: « Il n’y a ni jugement ni juge ni autre monde ! Point de remise de récompense pour les justes ni de châtiment pour les méchants ! ». Abel répliqua à Caïn, en disant: « Il y a un jugement et il y a un juge et il y a un autre monde; il y a remise de récompense pour les justes et un châtiment pour les méchants ! ». Sur ces questions, ils se querellaient en pleine campagne. Et Caïn se dressa contre son frère Abel et, lui enfonçant une pierre dans le front, le tua» (20).

Ce fragment provient d’une traduction araméenne du Pentateuque de la Bible hébraïque. Courante dans les milieux rabbiniques du début du christianisme, elle se caractérise par son style paraphrastique. Ce que l’on vient de lire en donne une illustration. À côté de la cosmogonie et d’une certaine théologie de la providence, on a un exemple de la théorie classique de la rétribution évoluant comme une lutte sournoise, mais intense, pour la reconnaissance. Dès lors, les rites sacrificiels et leurs inexorables violences nourrissent toutes les formes de narcissisme. Ils ne sont que visages de Mort, massacres des vies et destructions; des offrandes qu’en définitive rien ni personne ne réclame. C’est à peine si le sacrifiant lui-même se reconnait, en reconnaissant les mobiles cachés qui l’animent: sa religion, son absolu, sa quête d’une toute-plénitude.

Pourtant, dans ce passage, Caïn se présente finalement comme le seul véritable destinataire de ses offrandes, puisqu’il attendait le retour de ce qu’il a offert. C’est la raison pour laquelle il incarne hardiment sa propre plainte et endosse sa prière puissamment surchargée d’obsécrations. Le retour du sacrifice portant un bonus ou une plus-value: l’ordre normal de cette économie de qui perd gagne… qui ignore la justice pour la victime ! Qui est à plaindre dans cette situation, le criminel-sacrifiant ou la victime ? La formalité rituelle, comme cadre narratif, change-t-il quelque chose à l’inversion des rôles toujours caractéristique de la victimisation ? Mais, Caïn parle et interpelle. Sa rhétorique brandit le scepticisme cosmogonique, justificatif d’un nihilisme par désillusion. Un plaidoyer pugnace en faveur de l’égocentrisme comme si le souci pour autrui était irrémédiablement antagonique à l’honneur que l’on se doit. Comment être sujet devant les autres sans cet honneur de responsabilité que l’on se doit à soit même ?

 

Mange ton mort… (21)

Si les restes des victimes offertes aux divinités sont soit tabou, soit livrés aux charognards ou à leur sort, ils peuvent également servir aux libations des vivants (22). Que faire lorsqu’une dépouille est en déshérence, sans sépulture ni traitement particulier ? Voici ce que dit le Coran au sujet de la dépouille encombrante d’Abel :

«Et raconte-leur en toute vérité l’histoire des deux fils d’Adam. Les deux offrirent des sacrifices; celui de l’un fut accepté et celui de l’autre ne le fut pas. Celui-ci dit: “Je te tuerai sûrement”. “Allah n’accepte, dit l’autre, que de la part des pieux”. Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n’étendrai pas vers toi ma main pour te tuer: car je crains Allah, le Seigneur de l’Univers. Je veux que tu partes avec le péché de m’avoir tué et avec ton propre péché: alors tu seras du nombre des gens du Feu. Telle est la récompense des injustes. Son âme l’incita à tuer son frère. Il le tua donc et devint ainsi du nombre des perdants. Puis Allah envoya un corbeau qui se mit à gratter la terre pour lui montrer comment ensevelir le cadavre de son frère. Il dit: “Malheur à moi ! Suis-je incapable d’être, comme ce corbeau, à même d’ensevelir le cadavre de mon frère ?” Il devint alors du nombre de ceux que ronge le remords» (23)

La narration montre que les deux frères se placent à deux niveaux différents de discours. K’abil (Caïn) veut punir H’abil (Abel), à défaut de s’en prendre à Dieu. Allah ne reçoit pas (l’offrande) des impies, réplique H’abil. Là où l’un s’arcboute sur les effets visibles, l’autre s’intéresse aux causes invisibles du drame. Ressource bouillante de toute victimisation, cette intraitable récrimination est ici recadrée par deux péchés: l’un, dans le désir de l’acte, l’autre dans le crime accompli ! Les deux péchés se tiennent en une monstrueuse cohérence: la culpabilité. Des termes comme «les gens du Feu», «récompense des injustes», «ceux que ronge le remords» donnent au tableau toute sa charge de gravité. Est-il nécessaire d’être un érudit des textes sacrés de l’islam pour apercevoir cela ?

Il y a plus. À la différence du mythe de Genèse 4 qui restitue ce fratricide originaire, les noms coraniques de deux frères ne suggèrent guère de hiérarchie narcissique. Car abstraction faite de K’ pour l’ainé et de H’ pour le cadet, le reste de leur nom est identique. On notera les mêmes pénultièmes, puis ce il final (24) qui est l’exacte transcription de el pour l’hébreu, et qui épelle le nom même de Dieu ! K’abil et H’abil portent donc dans leur identité la marque du nom saint de Allah. Aucun déterminisme ne les prédisposait à une rivalité fatale; une identité différenciée les fait partager une destinée essentielle. Hormis la précédence de K’ et de H’ qui, linguistiquement, permettent que chacun soit distinctement nommé. Nous sommes loin de toute intention de valorisation exclusive ou discriminatoire.

Attardons-nous plutôt sur le corbeau. L’épisode a les allures d’une allégorie. Contrairement aux oiseaux de proie plus nobles, le corbeau est un charognard opportuniste. Un oiseau débrouillard, peu regardant pour son alimentation. Cependant, devant la dépouille de H’abil, l’oiseau ne se précipite pas. Comment peut-on tuer sans consommer sa victime, la livrer comme proie aux insectes, l’abandonner à la nature ? «Mange ton mort»: l’attitude de ce quasi rapace se révèle alors comme un défi offensant… Lorsqu’il se met à gratter par terre, K’abil comprend que la considération que l’on peut avoir envers soi-même passe par le souci de soin que l’on porte à autrui (25). Sinon, termine le travail et «mange ton mort»: au fond, le corbeau est envoyé à K’abil afin qu’à travers le remord, il apprenne à aimer. Dès lors, face à la mort donnée, ou subie, l’honneur et l’hommage peuvent demeurer des dons post mortem. Plus qu’une sagesse pour les survivants, l’échange mystérieux qui s’opère en cette circonstance est à n’en point douter une relation de transcendance.

C’est un point que Corine Pelluchon a admirablement relevé:

«…, La considération n’est pas une vertu, mais la clé de voûte de toutes les vertus… elle désigne une structure de l’existence liée à une certaine manière de configurer le temps et à la transcendance, et que nous pourrons comprendre quelle place tient notre rapport à la mort et à cette éthique» (26).

Donner une sépulture au mort et procurer un abri au déshérité participent d’une même justice. C’est délimiter l’espace de civilité propre à la société et la communion de mémoire. Ce sens ultime de justice est précisément ce qui métamorphose les égoïsmes les plus institués, les plus conquérants, permettant de faire plier tant des cynismes que cornaquent ces haines en héritage.

Délimiter veut dire ici élargir le périmètre du droit d’autrui, le territoire de son épanouissement, de ce qui lui est propre. Délimiter veut dire enfin sanctuariser cet espace que l’on ne saurait franchir que par hospitalité. Mais lorsque mandariniers, oliviers et vergers sont déracinés, livrés aux flammes; quand les barres de fer sortent des murs broyés et que les tombes retournées infligent une scène d’apocalypse, il faut y voir non pas destructions et profanations, mais des sacrifices déguisés d’un autre échelle… à ciel ouvert !
Dans les mythes religieux ou les idéologies, la suspicion envers les rites sacrificiels n’est pas une simple attitude critique, mais peut-être également un choix éthique de portée politique.

 

Illustration: Adam et Ève avec Caïn et Abel (Frans Floris, Anvers, vers 1550, collection privée).

(1) Rebecca Denova, Abel et Caïn, traduit par Bateth Étiève-Cartwright, World History Encyclopedia, 13 septembre 2021.

(2) La Bible d’André Chouraqui traduit: «J’ai eu un homme avec IHVH-Adonaï». Le sens ici n’est pas enfanter avec…, mais, par cette naissance, la preuve d’un privilège acquis du Seigneur.

(3) Signe et synonyme de vie dans la Bible !

(4) On fait abstraction des interdictions alimentaires, par exemple à la sortie du délug.

(5) C’est ce que l’on voit dans un Targum, que nous examinons plus loin.

(6) Aux versets 5 et 6, le texte hébreu permet d’entendre que Caïn brule de colère ou que la colère brule en lui. Cette image de la colère qui brule en Caïn fait penser à ce qui se consume dans les entrailles d’un volcan et qui a l’effet d’explosion sur le volcan lui-même et son environnement.

(7) La majorité des manuscrits anciens indiquent: «allons dans les champs» ou «allons, sortons…», cf. la note m, dans la Bible Nouvelle version Segond révisée (5e édition, 1981, p.5); on trouve plus de précisions dans la Nouvelle Bible Segond (2002, p.31), au commentaire se rapportant au verset 8.

(8) Dans sa vénérable Théologie de l’Ancien Testament, Gerhard von Rad met en exergue ce thème de la jalousie: «Le fils du premier couple assassine son frère, par convoitise de la bienveillance que Dieu lui témoigne», traduction française, Labor et Fides, 1963, p.139.

(9) Le désir mimétique, Wikipédia (consulté le 15 juillet 2024).

(10) Ibid.

(11) Guy Nicolas, Du don rituel au sacrifice suprême, La Découverte, 1996, p.110; la bibliographie est abondante parmi les classiques en anthropologie.

(12) Une interprétation midrashique enseigne que ces sangs sont au pluriel pour rendre compte de toute la postérité d’Abel qui a été ainsi ôtée de la vie par le sang versé de leur ancêtre massacré.

(13) La traduction biblique d’André Chouraqui dit au verset 10: «La voix des sangs de ton frère clame vers moi…»; de même La Bible parole de vie: «J’entends la voix du sang de ton frère».

(14) Version Nouvelle Bible Segond (versets 10-12).

(15) Titre d’un ouvrage retentissant de Marie Balmary, dont la réception a inspiré et interrogé au-delà des cercles de sa discipline.

(16) Dama, adama, simple phénomène linguistique de la langue hébraïque ? On aurait envie de rappeler ici l’adage qui dit «ce qui se ressemble s’assemble» !

(17) Dominique Dhombres, Dettes de sang en Albanie, Le Monde, 28 novembre 2008.

(18) Cette scène est mieux restituée par Chouraqui en traduisant: «… la glèbe dont la bouche a béé pour prendre les sangs de ton frère…».

(19) Guy Nicolas, op.cit., p.109.

(20) Targum du Pseudo-Jonathan, cité par la Nouvelle Bible Segond (2002, p.30, note du verset 8 du chapitre 4).

(21) « Mangez vos morts »: d’où vient cette expression utilisée par la députée LFI Danièle Obono ?, TF1, 3 octobre 2022 (donne une idée de l’origine de cette expression).

(22) Décrivant une scène sacrificatoire en Afrique sahélienne, Guy Nicolas relate que les sacrifiants ne touchent pas au sang, mais mangent uniquement la viande en invoquant les divinités de manière très poétique: «Voici la sève, nous, nous gardons l’écorce»; op.cit., p.114.

(23) Fragment tiré de A. Souhayl et J. Lionel, Caïn et Abel à travers le Coran, Islam de France. Le récit coranique a des rappels des textes bibliques deutérocanoniques, ainsi le Targum Pseudo-Jonathan ci-dessus.

(24) Comme dans le prénom de Jibril (Gibril), équivalent de Gabriel en tradition judéo-chrétienne.

(25) Dans l’enseignement courant en islam, la tradition met l’accent sur le fait que cette mort étant la toute première, K’abil ne savait pas ce que l’on fait du cadavre. L’envoi du corbeau était donc une providence pour celui qui avait tué son frère.

(26) Éthique de la considération, Seuil, 2018, p.96.

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