Chemins de poésie de la foi - Forum protestant

«Rien d’immobile, ni d’arrêté»: le sixième Festival de poésie de la foi, du 20 au 23 mars à Montpellier et dans ses environs, proposera lectures, conférences, ateliers et rencontres au plus près «du travail que la vie accomplit sur l’intériorité des individus; des graines de pensée, y compris spirituelles, qu’elle fait pousser en eux; des sillons qu’elle trace, comme des rides, avec le temps, dans les parcours humains».

 

Les auteurs des éditions Jas sauvages organisent en ce moment leur sixième Festival de poésie de la foi, qui aura lieu du 20 au 23 mars 2025. Cet événement s’inscrit ainsi dans le calendrier du Printemps des poètes qui se déroulera, lui, du 14 au 31 mars, sur le plan national (1). Eh ! oui, la foi se dit au mieux en poésie, à travers l’expression de ses émotions, de ses sensations fugaces, de ses bouleversements, de ses irrégularités, de ses éclipses, de sa plénitude… Elle entre alors dans le champ des cultures humaines, qui tiennent compte du travail que la vie accomplit sur l’intériorité des individus; des graines de pensée, y compris spirituelles, qu’elle fait pousser en eux; des sillons qu’elle trace, comme des rides, avec le temps, dans les parcours humains. La foi et la poésie n’ont rien d’immobile, ni d’arrêté. Elles avancent en suivant un chemin. En cela, le Printemps des poètes ne dessine pas un éternel retour, n’entre pas dans une routine, ne fixe pas des rendez-vous convenus et les Festivals de poésie de la foi entraînent ceux qui y participent dans une progression de la parole de chacun.

 

Parcours et retours en arrière

La présentation que Yves Ughes fait de son intervention, dans le programme du Festival de Montpellier, annonce bien cela, de manière émouvante et belle, dans la révélation de son intimité. Ce poète, paroissien de Vence, dans les Alpes maritimes, évoquera en effet tout son parcours, de recueil en recueil, de Décapole à une Terre de bonne Espérance. Les titres sont signifiants par eux-mêmes pour indiquer la dimension spirituelle des textes. Sur le plan de l’aventure littéraire, il place son intervention en référence à une phrase de Dany Laferrière déclarant: «J’ai cru que mes livres venaient de moi, maintenant je crois que je viens de mes livres». Et il continue sa présentation en se plaçant aussi sous le parrainage non moins prestigieux de Péguy: «Il n’y a pas trop de toute une vie pour que l’eau qui a été versée sur notre tête le jour de notre baptême descende jusqu’à nos pieds». Dans ce sens, l’écriture poétique devient prise de conscience de l’action de Dieu sur nous et elle nourrit un possible partage avec le lecteur, non dénué de profonde amitié fraternelle.

«Le pas a créé le chemin», affirme Yves Ughes. «’Décapole’ est structurée autour du Temple de Grasse, et la ville est un chemin de Croix; avec ‘Silvacane’ – un autre de ses ouvrages – se dessine le coup de lance donné sur le corps de Jésus. Ce recueil est une œuvre germinative, il pose – sans trop l’avouer – des traces qui sont des balises autant que des pierres de touche. Une trace devient signe quand elle est interprétée. Il reviendra au parcours poétique de transformer les traces en signes. Par une poésie faite d’images, de rythmes et de sons, les mots se mettent en œuvre pour que la Foi jusqu’alors sous-jacente prenne progressivement forme verbale, afin qu’elle habite la vie du poète.»

Avec Yves Ughes, le symbole du chemin est prolongé par la construction en duomo, le dôme des églises de son Piémont ancestral; sa composition s’allège en montant, jusqu’à atteindre l’œil de lumière. Quand une œuvre a de la consistance, elle se développe et se prolonge, de recueil en recueil, et les habitués des Festivals de poésie de la foi se réjouissent d’avancer en compagnie du poète, au fil de l’accomplissement d’une vie.

Quelquefois se produisent d’apparents retours en arrière, comme la reviviscence des souvenirs marquants ou poignants de la vie. C’est ce qui risque de se passer dans une partie du temps réservé à Jean Alexandre dans ce Festival. Il a souhaité revenir sur un de ses recueils anciens, Le chant du père inconsolé (2), écrit après la mort d’un de ses fils, il y a plusieurs dizaines d’années. Il concevait son intervention comme une simple lecture. Hommage mémoriel ? J’ai souhaité qu’on ne s’en tienne pas là dans la découverte du poème et qu’on prenne le temps non seulement d’entendre, mais aussi de comprendre la puissance de sa démarche créatrice. Car, avec ce recueil endeuillé, on est en présence d’un auteur capable, malgré tout, dans sa mission pastorale à laquelle était aussi dédiée la composition de ce texte, d’affirmer devant une assemblée l’amour de Dieu le Père pour ses créatures, de se sentir lui-même fils et, par là-même, de penser et de connaître l’existence de son propre enfant disparu. Je n’ai pas voulu laisser cette parole sans écho. C’est pourquoi, avec l’accord de Jean Alexandre, après sa lecture je commenterai son recueil. Souvent, les participants de ces Festivals nous disent leur sentiment de se retrouver comme en famille. Et ce n’est pas étonnant, car dans ces discours poétiques, des confidences s’épanchent et des partages naissent spontanément. On touche à l’essentiel de l’humain et au plus aigu de la foi.

Puis je présenterai mon recueil, Faune au seuil des houles, dans lequel émerge un être étrange, peut-être un archétype de l’humain, tiré hors du temps par sa proximité avec les sites préhistoriques du Roussillon, qui se retire en ermitage dans les étangs et qui découvre dans cet espace clos entre ciel et mer la sagesse de la contemplation, l’idée d’amour et le souffle de la prière. Le livre est paru aux éditions Encres vives. De fait, les auteurs des éditions Jas sauvages publient aussi hors les murs, comme Yves Ughes, Jean Alexandre… et ils font prospérer et essaimer la poésie de la foi dans l’espace du monde confessionnel (tel Michel Block qui exposera au cours de ce Festival le contenu de son livre, Échos du silence, publié récemment aux éditions La Cause), mais aussi dans la société profane, tout-à-fait capable d’accueillir les expressions littéraires, sensibles, de la foi. C’est aussi tout l’enjeu de ces Festivals et l’objectif des éditions Jas sauvages que de brasser la foi dans la mixité des populations de paroissiens ou de personnes attentives, en recherche.

 

«Cultiver son jardin»

Comme toujours, les séquences seront variées, tout au long de ces quatre jours, avec des ateliers d’écriture ouverts à tous, gratuits, comme l’ensemble du Festival. Ces temps de formation deviennent de plus en plus fréquentés; certains les attendent d’année en année et suivent ce Festival itinérant pour y participer, signe que ce type d’événement et d’organisation répond à une attente et que l’expression de la foi suscite toujours des frémissements dans les consciences humaines.

L’intelligence artificielle peut composer des poèmes à la manière de tel ou tel génie de l’histoire littéraire, ou conformes à l’esthétique d’un courant de pensée. Elle peut très certainement aussi écrire à la manière aléatoire des surréalistes. Mais elle ne peut pas inventer les poètes eux-mêmes, qui disent ce qu’ils ont vécu pour créer des étincelles de foi en l’homme et en Dieu.

Lors de ce Festival il se produira donc des moments irremplaçables, en compagnie des auteurs cités, et aussi de Gérard Scripiec, Julia Rochette, Éric Chassefière, Joëlle Randegger… Philippe François viendra pour sa part rappeler les paroles des poètes protestants des siècles passés et le public apportera son lot non moins précieux d’échanges et de vibrations poétiques.

La manifestation se déroulera en divers lieux de la région de Montpellier: auprès de la cathédrale de Maguelone, splendide et gigantesque vaisseau de pierre échoué sur une île volcanique qui nous rattache à la thématique choisie par le Printemps des poètes pour cette année; puis au Carrousel, association protestante en plein centre de Montpellier, et dans la paroisse de Jacou qui fait partie de l’ensemble ecclésial de Montpellier et alentours, au sein de l’Église protestante unie de France. Le programme détaillé peut être consulté sur le site des éditions Jas sauvages et les lieux concernés sont bien indiqués pour chacune des phases du Festival (3).

Certes, la poésie est une éruption, mais pour notre part, nous centrerons aussi un certain nombre de nos lectures autour du thème du jardin, en référence aux divers jardins de la Bible: Éden, Gethsémanè… Eh ! oui, il s’agit aussi de «cultiver son jardin», c’est-à-dire la foi, selon la devise des éditions Jas sauvages.

 

Illustration: intérieur de la cathédrale de Maguelone (photo Remi Mathis, CC BY-SA 4.0).

 

(1) Voir le 6e Festival de poésie de la foi sur le site du Printemps des poètes

(2) Jean Alexandre, Le chant du père inconsolé, dans Le peut-être et l’après, Limoges, Lambert-Lucas, 2019, p.27.

(3) Voir le programme détaillé sur le site des éditions Jas Sauvages

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