Pentecôtismes en contextes - Forum protestant

Pentecôtismes en contextes

Les Églises pentecôtistes au sens propre ou au sens large intéressent beaucoup la recherche internationale qui les décrit et les examine aux quatre coins du monde. Trois livres récents écrits par des chercheurs francophones (Émir Mahieddin, Yannick Fer et Gwendoline Malogne-Fer) permettent de se rendre compte que si les limites de cette mouvance sont aujourd’hui si difficiles à définir, c’est peut-être qu’elle est devenue paradigmatique de la nébuleuse protestante.

Recensions publiées dans Foi&Vie 2023/3 (dossier Quels protestantismes au 21e siècle ?).

Lire aussi: Émir Mahieddin, Étudier les transformations du «travail de Dieu», Réforme, 20 septembre 2024.

 

Lorsque l’on n’a pas à sa disposition une source d’eau vive, il faut passer par la plomberie (et le plombier) pour pouvoir boire son verre d’eau fraiche. Il est toujours bon de boire son verre d’eau fraiche mais il n’est pas mauvais d’avoir conscience de la plomberie qui l’a rendu possible, même si l’eau n’est pas la plomberie et la plomberie n’est pas l’eau. Les sociologues et anthropologues ne sont pas les plombiers (qu’en protestantismes on appelle souvent pasteur·e·s) mais ils s’intéressent à cette plomberie et cherchent à la comprendre. Depuis une cinquantaine d’années, dans le champ religieux très strictement défini par Pierre Bourdieu (1), ils s’intéressent même particulièrement à la plomberie pentecôtiste et les fidèles protestants ou assimilés ne doivent pas hésiter à en profiter puisque les pentecôtismes ainsi décrits rappelleront à beaucoup l’ambiance de leur Église ou paroisse pas du tout pentecôtiste. C’est pour cela que sont ici recensés trois livres récents en français sur ce sujet qui, en plus d’être intéressants en eux-mêmes et par la qualité des recherches qu’ils exposent, permettront d’avoir l’œil plus averti dès qu’un problème (la foi étant tout autant problème que solution) se présentera : fuite, coupure, évier bouché, mauvaises odeurs …

 

Faire le travail de Dieu

Une anthropologie morale du pentecôtisme en Suède

Émir Mahieddin

Paris, Karthala, 2018, 261 pages, 26 €, ISBN: 978-2-8111-2520-2.

Issu d’une thèse soutenue en 2015, le livre s’appuie sur une enquête de terrain «de plus de 12 mois» entre 2010 et 2012 auprès de croyants membres de deux Églises de Jönköping, dans la centre de la Suède. D’abord l’Église de Pentecôte, principale assemblée de l’historique Église pentecôtiste suédoise, implantée dans le pays dans les années 1920 en profitant d’un terreau déjà très travaillé dans cette région alors très pauvre par l’important mouvement des Églises libres opposées à l’Église luthérienne d’État. Ensuite l’Église Vineyard, beaucoup plus récente et de type charismatique, «pour des besoins comparatifs avec un mouvement plus jeune et moins important statistiquement».

Dans le premier chapitre (La croyance comme stigmate), Émir Mahieddin analyse ce qu’on pourrait appeler le malaise pentecôtiste suédois : être chrétien non-luthérien dans une société luthérienne très sécularisée. Malaise accentué par deux phénomènes concomitants. D’abord la normalisation et décharismatisation de l’Église qui abandonne (en tout cas lors des cultes ouverts à tous) les pratiques pentecôtistes les plus dérangeantes pour la société environnante comme le parler en langues ou les distinctions vestimentaires. Ensuite l’attention des médias grand public à l’affut de tout scandale et qui mettent l’Église à rude épreuve en 2004 à la suite du «fait-divers le plus médiatisé de l’histoire de la Suède contemporaine», l’affaire Knutby, du nom du village dont le pasteur pentecôtiste est emprisonné pour avoir poussé une des membres de l’assemblée à assassiner son épouse et un voisin. Pour Mahieddin, les croyants pentecôtistes suédois sont constamment «soumis à deux ordres en compétition, dans une situation qui évoque les configurations de double contrainte (double bind)»:

«une injonction négative primaire (mettons ‘‘il est stupide de croire en Dieu’’) et une injonction secondaire, qui contredit la première à un niveau plus abstrait tout en étant, comme elle, renforcée par la punition ou par certains signaux menaçant la survie (‘‘Dieu veut me tuer’’ ou ‘‘Dieu me déteste parce que je ne crois pas en lui’’, pour reprendre un exemple que j’ai pu entendre lors d’un entretien). Ces deux injonctions contradictoires s’accompagnent d’une injonction négative tertiaire, qui interdit à la victime d’échapper à la situation: difficile de s’extraire de la situation d’éducation familiale, de la scolarisation obligatoire, sans parler du regard de Dieu».

Désormais semblables extérieurement aux autres Suédois, les pentecôtistes n’en sont que plus mal vus par les médias qui les accusent de cacher leur jeu.

Le deuxième chapitre (Communauté, charismes et construction de la présence de Dieu) se penche sur le fonctionnement interne des assemblées en analysant plus en détail cette décharismatisation et ses effets au quotidien sur la pratique collective. Soumis à la pression médiatique et aux regards désapprobateurs de la société ambiante, les pentecôtistes sont aussi contraints d’adapter leur pratique à cause de la pression administrative comme par exemple l’interdiction de fait de la prière de guérison depuis 2011 puisque

«l’énoncé ‘‘Tu es guéri !’’, qui peut être éventuellement lancé à haute voix par le prêcheur lorsqu’il impose ses mains sur un malade (…) est ‘diagnostic erroné’ aux oreilles du législateur qui invoque dès lors la nécessité de protéger le ‘patient’ mené en déroute, croyant éventuellement qu’il est guéri et qu’aucun soin biomédical n’est nécessaire».

Les conséquences sont à la fois une «professionnalisation de la performance» publique lors des cultes et un déplacement des dons soit «lors des cultes, mais d’une manière moins perceptible et spectaculaire qu’auparavant» (par exemple la transmission de visions et prophéties lors des intercessions «d’un individu à l’autre, ou alors lors des conversations qui suivent le culte»), soit dans les groupes réduits qui se créent «par affinités électives» et sont «un espace privé, où l’on peut se montrer ‘à nu’, exprimer son intimité avec Dieu, en étant certain qu’aucun témoin ne viendra remettre en question la validité des formes de médiations pour entrer en sa présence».

Le troisième chapitre (Les transformations du travail moral de Dieu) est le cœur de l’ouvrage et son objet le plus novateur et frappant puisqu’il s’agit d’examiner la relation du croyant pentecôtiste suédois avec Dieu et ses transformations car «quand les ‘séculiers’ changent, les ‘religieux’ changent autrement, soit de manière complémentaire, soit de manière symétrique». Pour Mahieddin,

«en quelques décennies, la foi a changé de lieu. Elle s’est progressivement déplacée du soi extériorisé (ses vêtements, sa coiffure, ses pratiques de consommation) à un soi que l’on pourrait qualifier d’’intérieur’ (à défaut de meilleur qualificatif). Ce faisant, l’évaluation de l’acte de foi et du péché a radicalement changé, le caractère peccamineux de la matière ou de certains matériaux passant au second plan à la faveur de l’évaluation du croyant lui-même, et, chose importante, par lui-même. Le respect de la règle prescrite n’est plus aussi central que l’investissement relationnel du croyant avec son entourage, en tant que médiateur physique et spirituel du Christ».

Soucieux de mise en contexte, Mahieddin relie ce «basculement de l’économie morale du travail de Dieu» au «tournant général dans ‘l’art de gouverner’ les hommes en Europe» des années 1970-1980 identifié par Foucault, qu’ils soient «des hommes sous le pouvoir de Dieu, sous le pouvoir de l’État ou soumis au pouvoir du Capital»: «Dans le cas qui nous intéresse, on reporte sur l’individu la responsabilité de son propre salut au détriment de l’autorité collective et institutionnelle qui prévalait auparavant». L’individu croyant se retrouve alors entre deux pôles:

«le lieu de gestion collective du salut et de la règle d’un côté, et de l’autre, le lieu de l’épanouissement individuel – qui passe notamment par la liberté de consommation. C’est dans la tension entre ces deux pôles que s’organise aujourd’hui le travail de Dieu».

Le parallèle que fait Mahieddin entre le moment où les assemblées pentecôtistes ont cessé d’exclure certains de leurs membres et le moment où l’État suédois a cessé de stériliser de force les individus qu’il jugeait pathogènes («l’handicapé, l’alcoolique, le chômeur de longue durée, le pauvre, le gitan, le porteur d’une maladie génétique»), tous les deux autour de 1975, est particulièrement frappant.

Dans le quatrième et dernier chapitre (Guerre spirituelle et dette divine), Mahieddin observe de près une Marche pour Jésus à Stockholm lors de la Pentecôte 2010 et, contrairement aux sociologues friands de ce mélange des genres à grand spectacle, en décèle les faux-semblants et l’innocuité assumée des deux côtés: les participants peu convaincus et le public extérieur et indifférent. L’épisode est l’occasion d’élargir le point de vue et de s’interroger sur les visions actuelles des temps à venir et de la conversion en milieu pentecôtiste. Avec des éclairages particulièrement intéressants sur quelques têtes chercheuses comme le pasteur pentecôtiste indépendant aujourd’hui proche du luthéranisme Magnus Persson et sa doctrine de la Réformission: convertir non par de grandes campagnes inefficaces ou un alignement sur la société ambiante avec la transformation de l’Église en «club de consommation d’expériences spirituelles» mais en essayant

«de s’armer de patience et d’entretenir un maximum de relations autour de soi, de faire de tous les autres des proches afin qu’un jour, une confiance telle soit établie qu’il devienne possible d’envisager de parler religieusement, et intimement, l’un n’allant pas sans l’autre».

Ou le pasteur américain Rich Nathan qui, lors d’une session de formation de pasteurs Vineyard, les pousse à considérer le monde séculier et les non-croyants qui les environnent comme une culture: «Apprenez à comprendre leurs codes, leurs valeurs, leur manière d’être, lisez leurs livres et vous saurez comment les convaincre».

Mahieddin écrit dans son introduction vouloir avec ce livre «contribuer au projet général d’une anthropologie du christianisme», un «sous-champ» qui ne s’est selon lui « onstitué que récemment comme un projet pour soi, conscient et réflexif» et qui «se nourrit surtout d’ethnographies du christianisme évangélique». Pour cela, la question de départ se veut très simple: «Si «Dieu» a une ‘influence’ sur les êtres humains, laquelle est-elle et comment opère-t-elle ?». Une interrogation d’anthropologue qui rejoint «à peu de choses près celle du croyant qui interroge l’action de Dieu sur sa propre vie». Mahieddin écrit que son questionnement

«bénéficie des débats récents associés à ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le ‘tournant ontologique’ à travers lequel le monde social a été ‘repeuplé’ par des entités invisibles, telles que des fantômes, des saints et des dieux dont la présence est médiatisée par des (inter)actions et artefacts humains».

Si le terrain ethnographique est volontairement très limité, il permet à partir de cette question simple

«un questionnement plus large: quel est le pouvoir de Dieu sur les hommes ? Comment s’exerce-t-il ? Quels sont ses foyers ? Quels sont ses relais ? Dieu, en tant qu’agent agissant, est-il lui-même soumis à des rapports sociaux de pouvoir ? Comment le pouvoir divin se conjugue-t-il aux différents réseaux d’actions qui composent le tissu du pouvoir subjectivant d’une société donnée en un temps donné, en l’occurrence la société suédoise ?».

Comme «clef de compréhension du pentecôtisme, et peut-être du christianisme en général», Mahieddin choisit d’utiliser «la métaphore du travail quand il s’agit d’évoquer l’action de Dieu sur les actions des hommes», une métaphore qu’il a mis en titre de son livre car, écrit-il, on

«peut réduire toutes les activités de l’Église, qu’il s’agisse de temps de travail effectif ou de temps de non-travail tels que les moments de sociabilité, à une forme de ‘travail’: une action transformatrice donnant lieu au déploiement d’une organisation sociale et d’une gamme de techniques afférentes, laquelle peut parfois prendre le caractère de l’épreuve et de la souffrance. De cette activité de transformation peut émerger une plus-value en termes moraux et sotériologiques. C’est à ce titre que les pentecôtistes parlent volontiers de ‘travail de Dieu’ (Guds verk, en suédois) et, filant la métaphore, se qualifient eux-mêmes de ‘travailleurs de Dieu’».

Mais le travail est dans les deux sens puisqu’il s’agit en même temps d’une

«action des hommes sur les actions de Dieu. Le travail de Dieu englobe donc deux procès de travail qui s’alimentent l’un l’autre de manière récursive, donnant lieu aux conditions d’une théogenèse sociologique: l’apparition de Dieu dans les sphères du réel social et les conditions de possibilité de son action sur les humains et la matière. Dieu est à la fois travailleur, outil et produit du travail des hommes, de même que les hommes sont travailleurs, outils et produits du travail de Dieu».

Des travailleurs dont une bonne partie du travail a été totalement modifiée par le tournant déjà évoqué entre les années 1960 et 1980 (correspondant également, rappelons-le, à la fois à la fin du baby-boom et à la brutale généralisation de la télévision), lorsque les pentecôtistes ont cessé de se distinguer extérieurement de la société suédoise dominante et adopté une attitude moins confortable (le «nous sommes bons, ils sont mauvais» devient «nous sommes chrétiens, ils ne le sont pas») mais certainement plus adaptée à une action sur cette société. Une apparence de décharismatisation qui est en fait, comme le montre Mahieddin, plutôt une inflexion de l’«usage des dons spirituels. Considérés comme des ‘pulsions’», ils ont subi le même «‘procès de civilisation’ que les pulsions physiologiques, leur redéploiement dans les espaces privés et les sphères d’intimité des croyants étant devenu un signe de bienséance religieuse».

Il y a donc étroite corrélation du hors-norme pentecôtiste et de la norme majoritaire et le principe qu’expose Mahieddin dans son introduction semble particulièrement adapté à la recherche en religion: mettre au même niveau le religieux et le séculier puisqu’ils sont particulièrement imbriqués en Suède et parce qu’

«ethnographier la relation à Dieu de sujets socialisés dans les institutions sécularisées d’un État européen, c’est (…) s’ancrer dans une tentative d’ethnographie de ces grandes notions philosophiques associées à ‘la pensée occidentale’, dans le quotidien, (…) sans présumer ni de leur définition ni de leur force normative, et encore moins de leur universalité, alors même qu’elles tendent à s’imposer comme des étalons d’évaluation morale à prétention universaliste».

Bref,

«il s’agit de resituer ces idées abstraites dans leur(s) traduction(s) concrète(s) et d’appréhender le pentecôtisme et le sécularisme comme des programmes de subjectivation, en tant que processus de construction d’êtres humains assujettis à un pouvoir, et de décrire les modalités d’assujettissement conjointes à ces deux types de ‘gouvernementalités’, si tant est qu’elles soient totalement distinctes (que ce soit vécu sous l’angle de l’harmonie, du conflit intérieur ou du paradoxe, elles s’enchevêtrent en effet dans certains discours, institutions, et coexistent dans les individus)».

En plus d’éviter cette déconnexion artificielle entre religieux et séculier, Mahieddin se distingue par une appréhension très fine des catégorisations, particulièrement délicate en protestantismes. Car si la religion est un objet mouvant et flou, la mouvance protestante l’est particulièrement: ses quelques principes définis dès l’origine et à peu près assumés aujourd’hui par toutes les Églises qui s’en réclament en ont fait l’espace chrétien le plus lâche, évolutif et diversifié institutionnellement qui soit. Or, autant l’on voit des sociologues tenter depuis qu’ils existent de tracer des frontières pour pouvoir étudier un peu tranquillement certains types de pratiques, autant l’on peut constater sur le terrain une très grande facilité parmi les fidèles à traverser sans du tout s’en soucier toutes ces frontières, pourtant reprises de façon très intéressée par les acteurs institutionnels eux-mêmes pour affirmer leur identité, leur différence et leur avantage concurrentiel.

L’adjectif pentecôtiste est ainsi apposé à toutes sortes de pratiques ou sentiments qui sont souvent soit locaux et culturels (et donc partagés non seulement par les pentecôtistes mais par les autres chrétiens et pratiquants du même territoire), soit typiques des Églises confessantes (c’est à dire constituées majoritairement de personnes qui n’étaient pas chrétiennes et le sont devenues) ou congrégationnalistes (c’est à dire localistes), soit globalement protestants (par exemple le rapport à Dieu, à la Bible et au ministère), soit encore basiquement chrétiens ou même religieux/spirituels/convictionnels. Le problème est aussi que peu familiers de la théologie (ne s’y intéressant même la plupart du temps pas du tout), certains sociologues ont tendance à prendre pour argent comptant les affirmations des acteurs institutionnels qui peuvent à la limite à peu près définir leur espace théologique mais sont beaucoup moins aptes à dire quoique ce soit sur celui du voisin. Or toute théologie est pratique, dans le sens où elle influence la pratique et est influencée par elle.

Par rapport à tous ces a priori et courtes vues scientifiques, Mahieddin semble extraordinairement prudent et juste. Les trois pages qu’il consacre aux questions de définition du pentecôtisme dans son introduction sont parmi les plus convaincantes que l’on puisse lire jusqu’ici à ce sujet, tous types de littératures confondus. Il y a sans doute un effet générationnel dans cette prudence: beaucoup des représentants de la nouvelle génération de chercheuses et chercheurs ne s’encombrent pas de catégorisations qui ne fonctionnent pas sur leurs terrains tous très différents. Toutes les catégorisations étant imparfaites et piégées (pentecôtistes et évangéliques encore plus que les autres), ils se contentent de désigner les communautés qu’ils étudient par le nom qu’elles se donnent, observant avec attention leurs lignées, leurs pratiques, leurs relations pour les différencier les unes par rapport aux autres mais sans vouloir les faire rentrer dans de grandes catégories idéologiques ou théologiques internationales.

En évitant cette impasse de la catégorisation,  Mahieddin peut se concentrer sur le plus important pour le fidèle: le concret de la foi et le rapport à Dieu. Que ce soit l’exceptionnel lorsqu’il décrit «la sensation prophétique, signalant la présence de l’Esprit, (…) souvent associée à une chaleur dans le corps, à une sensation de frisson dans le dos ou dans le ventre, à un rougissement des joues, parfois à des pleurs». Mais également le quotidien de la foi, sa très dominante basse tension que les quelques exubérances publiques de la pratique de type pentecôtiste classique ont pu faire oublier:

«Malgré tous les efforts et le travail institutionnel, il faut absolument préciser que le principal régime que l’on peut observer dans l’église est celui qu’Albert Piette appelle le ‘‘mode mineur’’, celui dans lequel les événements sont ‘‘vécus le plus souvent simplement ou banalement’’» (2),

ces «temps faibles de la vie de l’église» étant paradoxalement «le ferment, le ciment et la condition sine qua non de la construction collective du corps du Christ».

Entre ces deux extrêmes, Mahieddin analyse finement des pratiques aussi importantes en protestantismes que la prière et la lecture de la Bible qui sont pour lui à la base du constant travail d’analogie et d’évaluation de leur réalité par les croyants, travail destiné certes à «attester, pour les autres et pour soi-même» l’existence et l’action concrète de Dieu mais qui s’accompagne naturellement de doute chez des croyants qui

«demandent des confirmations multiples à Dieu avant de prendre des décisions et s’engagent souvent sur un chemin en ne validant que rétrospectivement ce qu’ils percevaient sur le moment sur un mode intuitif. ‘Croyance’ et scepticisme ne sont pas des attitudes antithétiques, le doute fait intrinsèquement partie de l’activité religieuse (…). C’est que les représentations véhiculées par les énoncés religieux sont ‘semi-propositionnelles’, à savoir que leur contenu n’est jamais totalement établi».

 

Sociologie du pentecôtisme

Yannick Fer

Paris, Karthala (4 vents), 2022, 223 pages, 19 €, ISBN: 978-2-8111-2869-2.

Parti du terrain des Assemblées de Dieu polynésiennes qu’il a beaucoup arpenté avec Véronique Malogne-Fer, Yannick Fer l’indique d’entrée:

«Mes recherches sur le pentecôtisme sont indissociables d’une réflexion sur les conditions d’une sociologie réflexive – ou critique – de la religion : une sociologie qui se tient à bonne distance du champ religieux et de ses enjeux propres, se méfie des discours sur l’irréductible spécificité du religieux et s’efforce au contraire de le relier à l’ensemble des rapports sociaux dans lequel il est de facto imbriqué».

Il ne s’agit donc pas ici d’examiner une éventuelle théologie ou mentalité pentecôtiste ou d’entrer dans les têtes mais d’examiner du dehors et modestement, en sociologue: en quoi ces types d’Églises sont des sociétés et en quoi celles-ci interagissent avec les sociétés ambiantes. Pour cela, Fer se réclame de Bourdieu (qui souhaitait que les sociologues des religions laissent «de côté le problème de la foi en Dieu, en l’Église, en tout ce que l’Église enseigne et garantit» (3)) et examine d’abord d’où vient son objet. Après avoir bien exposé les «enjeux» stratégiques (4) du débat toujours vif sur les origines du pentecôtisme et son histoire (christianisme blanc ou noir, conservateur ou progressiste, première, deuxième ou troisième vague), il en vient très vite aux hasardeuses tentatives de délimitation et définition actuelles et part avec toutes les réserves du premier cadre qu’est le pentecôtisme comme

«ensemble des groupes, églises et réseaux qui, d’un point de vue généalogique, se rattachent (de manière exclusive ou non) au mouvement historiquement situé dont j’ai évoqué les origines. D’un point de vue sociologique, il s’y construit autour de la référence centrale à l’action du Saint-Esprit, des modes spécifiques de socialisation, d’autorité et d’engagement».

Et du second cadre qu’est le christianisme charismatique (notion problématique puisqu’elle regroupe également des communautés catholiques) mais en le limitant, comme le pentecôtisme, «aux groupes, églises et réseaux apparentés au protestantisme».

Ces questions de départ prudemment tranchées, Fer expose ce qui est un des points forts de sa recherche: l’analyse de ce qu’il appelle le «système pentecôtiste de socialisation et d’autorité»,

«des prémices de l’adhésion, quand l’entreprise missionnaire pentecôtiste produit les signes attestant de l’instauration d’un dialogue intime («Dieu a vu la situation»), jusqu’à la distribution des positions de responsabilités ecclésiales sur le mode du discernement des dons individuels («Dieu regarde au cœur d’abord»)».

Un système qui semble l’une des clés du succès pentecôtiste en ce «qu’il prétend dans le même temps établir la valeur de l’individu non en fonction de ses origines ethniques ou de son statut social mais de ‘ce qu’il fait de sa vie’», créant «une méritocratie religieuse qui prédispose les individus à entrer dans la méritocratie sociale» (selon les mots de Jean-Paul Willaime (5)). Succès qui

«peut être facilement corroboré par les effets d’ascension sociale constatés, sur de nombreux terrains, parmi les populations défavorisées converties au pentecôtisme. La croyance en l’effort d’éducation comme clé du salut (spirituel et social, le premier englobant le second), en particulier, contribue de fait à élargir l’horizon des espérances légitimes des convertis, en tenant symboliquement à distance les lois de la reproduction sociale et en encourageant un investissement confiant dans l’école».

Autre passage obligé pour qui étudie le pentecôtisme : l’émotion. Fer a ici beau jeu d’expliciter les mécanismes de ce «marqueur» et « igne tangible d’un changement d’état» et d’inviter à «saisir pleinement l’articulation entre les émotions pentecôtistes et le travail institutionnel» avec comme exemple le parler en langues qui

«ne prend pleinement son sens que s’il est suivi d’une ‘interprétation’, comprise comme la traduction en langage ordinaire du message transmis par Dieu dans une langue inconnue, et assurée par un autre croyant dont c’est le ministère».

Il faut avoir eu la chance de voir Fer commenter sur images une séance de ce genre sur son terrain polynésien pour comprendre «l’équilibre délicat entre implication personnelle, cohésion collective et travail institutionnel» dont il s’agit. Mais ces émotions pentecôtistes sont surtout l’occasion pour lui de contester

«le récit dominant en sciences sociales des religions, qui inscrit l’émotion dans un schéma évolutionniste surdéterminé par la théorie de la sécularisation et sous-estime ainsi les variations (chronologiques et diachroniques) bien plus subtiles des économies affectives religieuses».

D’une part, il n’y aurait pas de «progression nécessaire conduisant de l’origine, du simple, de l’immédiat (l’émotion) à la complexité et la stabilité (l’institution)». D’autre part il n’y aurait pas «distinction entre des individus forts (les porteurs de charisme) et des individus faibles (les croyants, contraints d’abdiquer leur liberté individuelle) – comme si la frontière séparant les uns des autres était toujours aussi nette».

Autre lieu commun à propos du pentecôtisme: la déculturation avec l’«offensive ouverte et sans compromis contre les cultures locales» (cultes des esprits, vaudou, sorcellerie, chamanisme…). Fer montre lui à la fois que «dans cette offensive contre les cultures, nul n’accorde un statut plus primordial ni une efficacité plus redoutable aux ‘esprits’ locaux que l’évangéliste pentecôtiste» (bref, il est le seul à les prendre au sérieux) et que par rapport à «l’héritage missionnaire perpétué par les églises historiques», la conversion pentecôtiste-charismatique peut être tout à la fois «sortie hors de la tradition culturelle» et «‘retour’ à la culture sur le registre d’une ‘nouvelle naissance’» (6).

Quant au lieu commun politique, Fer rappelle que c’est un lieu commun qui a d’abord été apolitique (les chercheurs ayant commencé par reprocher au pentecôtisme d’être un «vecteur de dépolitisation, opposant à l’action collective le seul souci du salut individuel et prônant le retrait du ‘monde’ plutôt que l’engagement social»). Aujourd’hui, on ne peut que constater que «cette inscription du pentecôtisme dans le monde social» n’est pas «univoque, précisément parce que le religieux n’est pas une instance hors de la société mais en épouse très largement les lignes de fracture» comme le montre la présence pentecôtiste dans la plupart des camps politiques brésiliens (7).

On pourrait critiquer l’approche strictement sociologique de Fer dans laquelle le croyant se sent parfois un peu souris de laboratoire mais il vaut mieux après tout y voir une marque de respect: le croyant est une souris de laboratoire comme les autres, qui a droit à ce que la recherche l’examine avec les mêmes sérieux, détachement et souci d’objectivité. Surtout, il est bon et honnête que la recherche tente d’exploiter à fond tous les outils d’une discipline sans aller emprunter ceux des autres… même si on peut penser qu’avec un objet aussi déroutant (non parce qu’il est religieux, mais parce qu’il est récent, mondial et évolue très vite), beaucoup d’outils peuvent servir si on veut s’en faire une idée un tant soit peu correcte. Car à côté du mérite visible qu’a Fer d’offrir un panorama aussi large, riche et actualisé de la recherche en français et en anglais (8) des dernières décennies sur les pentecôtismes en si peu de pages, c’est finalement le mérite en creux de ce livre de montrer que la sociologie est un très bon angle d’approche… mais qu’il ne suffit pas. Ce que Fer reconnaît d’ailleurs de facto puisque, pour faire la chasse à «un certain nombre de lieux communs» qui se sont «peu à peu imposés jusque dans la littérature sociologique» (le moteur louable et utile de son entreprise), il commence son livre par une «mise au point historique» sur les origines du pentecôtisme. Quant à «l’établissement d’une définition précise et opérationnelle des différents mouvements pentecôtistes-charismatiques observables aujourd’hui» (espéré en introduction), cela attendra un peu au profit de l’objectif plus réaliste (en conclusion) de «construire (…) une sociologie autonome et cohérente du champ contemporain» de ces mêmes mouvements. Mais la sociologie peut-elle être autonome ? (9)

 

Femmes et pentecôtismes

Enjeux d’autorité et rapports de genre

Gwendoline Malogne-Fer et Yannick Fer (dir.)

Genève, Labor et Fides (Enquêtes), 2015, 295 pages, 19 €, ISBN: 978-2-8309-1578-5.

Dans les années 1980, des historiennes américaines des religions avaient demandé à leurs collègues masculins pourquoi ils n’avaient jamais écrit, tout comme leurs prédécesseurs, sur les femmes et la religion. Les plus conservateurs leur répondirent que les femmes ne pouvant être ni prêtresses ni théologiennes, il n’y avait aucun intérêt à se pencher sur la question. Les plus progressistes trouvèrent comme excuse qu’il n’y a aucune raison de différencier les êtres humains dans les travaux académiques (10).

Nous avons heureusement changé d’époque et la sortie il y a déjà 8 ans d’un tel livre (11), issu de deux journées d’études en 2012, montre tout le bénéfice que peut apporter une telle approche sur un «terrain privilégié pour l’analyse des rapports de genre contemporains» comme le pentecôtisme (ici compris au sens large), puisque celui-ci «concentre (…) une grande partie des enjeux sociaux associés aux rapports de genre, dans la mesure où il lie étroitement corps, émotion, respectabilité et pouvoir avec une représentation très normée des identités féminine et masculine» (Gwendoline Malogne-Fer et Yannick Fer). L’ouvrage creuse trois thématiques sur une grande diversité de terrains et l’un de ses mérites est de montrer que s’il y a effectivement insistance sur le genre un peu partout, elle est (fidèle en cela à l’adaptabilité de ce type d’Églises) extrêmement dépendante du contexte local et d’origine.

Première thématique: «Genre, conversion et construction de la féminité». Il s’agit de savoir en quoi l’entrée dans une Église de type pentecôtiste change le rôle des femmes et la vision qu’elles ont d’elles-mêmes. Au Liban (Fatiha Kaoues), s’il y a promotion d’une «forme de féminisme» différentialiste, c’est d’abord le signe des «mutations à l‘œuvre dans le monde arabe» et de «l’érosion lente mais continue des systèmes normatifs». Au Cameroun (Edmond VII Mballa Elanga), le constat est aussi nuancé avec un pentecôtisme «certes conservateur dans ses principes religieux» mais qui néanmoins «rompt avec l’ordre social traditionnel» en incitant les femmes «à trouver individuellement les moyens d’entrer dans la société moderne». En Australie (Marion Maddox), l’Église Hillsong ne fait elle pas dans la nuance et «consacre des efforts considérables à inculquer à ses membres une vision totalement genrée de leurs rôles en tant que consommateurs», la consommation devenant «un devoir religieux» et même un outil d’évangélisation.

Deuxième thématique: «Genre et migrations». Le tropisme migratoire pentecôtiste est depuis longtemps identifié mais quel rôle y jouent les femmes ? À Montréal (Géraldine Mossière), si les jeunes membres d’Églises congolaises se retrouvent assujettis «à une éthique encadrant les relations amoureuses, les rapports conjugaux et la vie sexuelle, le modèle chrétien représente une voie d’émancipation pour les jeunes femmes généralement soumises au contrôle strict que le lignage opère». En région parisienne, Damien Mottier suit le parcours d’une migrante ivoirienne et les différentes configurations du rituel de délivrance auxquelles elle a recours (combat spirituel à domicile, veillée physique, veillée distanciée) qui correspondent à l’évolution de son statut (sans papiers et sans emploi, employée sans papiers, mariage avec un français). Toujours en région parisienne mais dans des groupes jeunes de l’Église universelle du Royaume de Dieu (EURD) d’origine brésilienne mais ici essentiellement fréquentée par des Africains en voie de francisation, Armand Aupiais-L’homme constate un décalage entre d’un côté le virilisme des discours, la focalisation sur le mariage et la famille et de l’autre une pratique qui transgresse parfois «le clivage des sexes» et entraîne une certaine autonomisation féminine. Enfin, Bernard Boutter analyse «la féminisation de l’autorité au sein de la mouvance évangélique charismatique en France» et montre le rôle qu’y ont joué l’influence nord-américaine (avec le couple Daisy et Tommy Lee Osborn) et les apports africains («avec la montée de leaders féminines influentes»).

Ce qui fait le lien avec la troisième et dernière thématique: «Le genre de l’autorité religieuse en pentecôtismes». Notant la place occupée par hommes et femmes sur les affiches événementielles d’Églises africaines en banlieue parisienne, Baptiste Coulmont voit un «monde hiérarchis黫le genre joue un rôle» avec des femmes «encore minorisées» mais «pas sous-représentées», particulièrement comme «liant» entre les différents groupes de clercs. Christophe Monnot s’appuie lui sur les résultats d’une enquête sur la place des femmes dans les Églises suisses pour montrer que dans le pentecôtisme, «l’unique ou le premier poste revient quasi exclusivement à un homme» et que c’est «la multiplication des postes salariés» qui «permet une féminisation du pouvoir en place». Chez les pentecôtistes suédois observés par Émir Mahieddin, «le renforcement de la place des femmes dans la direction des assemblées» s’est imposé «comme le fruit d’une négociation tripartie entre raison d’État (…), raison biblique et inspiration divine» (12). Enfin, en suivant les parcours de quatre femmes de pouvoir pentecôtistes brésiliennes (deux politiques dont la célèbre Marina da Silva, deux fondatrices d’Églises), Marion Aubrée montre que, hors «communautés restreintes», «la distinction masculin/féminin» tend à s’abolir «dans une symbiose spirituelle indifférenciée».     

 

Illustration: pentecôtiste suédoise en prière (photo Émir Mahieddin).

(1) La conception qu’avait Bourdieu de la religion peut être vue comme extrêmement utilitariste et au ras du sol («L’intérêt religieux a pour principe le besoin de légitimation des propriétés attachées à un type déterminé de conditions d’existence et de position dans la structure sociale») mais elle est très utile d’un point de vue religieux par deux aspects: moyen d’examiner ce que la pratique a de social, de culturel ou d’anthropologique; prise en compte de l’aspect justement sociétal du phénomène religieux alors que les temps (et les autorités politiques) poussent à en faire un simple hobby personnel et privé. Genèse et structure du champ religieux, Revue française de sociologie 1971/12, p.313 (disponible sur Persée).

(2) Mahieddin fait ici référence à l’essentiel ouvrage d’Albert Piette: Le fait religieux, Une théorie de la religion ordinaire, Economica (Études sociologiques), 2003, p.56. Autre anthropologue très cité par Mahieddin, l’américain Joel Robbins (aujourd’hui en poste à Cambridge) qui est l’une des figures de cette anthropologie du christianisme en devenir et a la particularité, comme Yannick Fer, d’être parti d’un terrain océanien, celui des Églises papoues.

(3) Pierre Bourdieu, Sociologues de la croyance et croyance de sociologues, Archives de sciences sociales des religions 63/1 (janvier-mars 1987), p.157.

(4) Fer rappelle que selon le Pew Research Center (et ses catégories à discuter), les pentecôtistes représenteraient aujourd’hui «12,8% des chrétiens et 4% de la population mondiale. En y ajoutant les charismatiques, on atteint 26,7% des chrétiens» (p.41).

(5) Jean-Paul Willaime, Le pentecôtisme: contours et paradoxes d’un protestantisme émotionnel, Archives de sciences sociales des religions 105 (janvier-mars 1999), p.23.

(6) En la matière, les articles de Rafael Cazarin sur les Églises diasporiques africaines et d’Antonio Montañés Jiménez sur les Églises gitanes sont particulièrement éclairants.

(7) Fer consacre en même temps un certain nombre de pages aux tendances dites d’autochtonie chrétienne, de combat spirituel, aux Marches pour Jésus et au «discours charismatique de la nation», qui ne sont pas spécifiques aux pentecôtismes.

(8) Sur 250 références en bibliographie, nous avons compté 42% d’articles et d’ouvrages en anglais et 58% en français.

(9) Nous entendons cette autonomie au sens plus large d’autonomie disciplinaire tout court, car, qu’il soit religieux ou pas, plus l’objet est complexe et partagé, plus on peut penser qu’il nécessite une interdisciplinarité de la recherche à son endroit. Fer entend lui cette autonomie par rapport à «la constitution d’un sous-champ disciplinaire fondant sa spécificité sur une connaissance spécifique de ce qui ‘fait’ le pentecôtisme : c’est à dire, dans la perspective classiquement défendue par les tenants des sciences religieuses, son caractère proprement religieux». L’exemple à ne pas suivre étant la très célèbre, très discutable (puisqu’applicable bien au-delà) et performative «définition courante de l’identité évangélique» par l’historien David Bebbington.

(10) Nancy Auer et Rita M. Gross, La religion par les femmes, Labor et Fides (Religions en perspective 6), traduit par Jean-François Rebeaud, 1993, pp.20-21.

(11) Frédéric Rognon en avait déjà rendu compte dans Foi&Vie 2017/1, pp.82-83.

(12) La pasteure Catherine Carlsson entend ainsi Dieu lui dire en 2005: «Tu dirigeras l’Église de Pentecôte de Jönköping !», ce qu’elle cachera jusqu’à son élection consensuelle en 2009 comme pasteure principale de la plus importante assemblée suédoise (p.255).

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