Identité religieuse et satisfaction professionnelle: il y a un impact
Il existe «des liens de corrélation positifs entre identité religieuse, soutien organisationnel perçu, sentiment d’utilité sociale et satisfaction professionnelle». C’est la conclusion à laquelle arrive Aurélie Schreque, étudiante en psychologie du travail, en analysant les résultats d’un questionnaire auprès d’un public religieux.
Lire l’analyse des résultats.
La présente étude (1) s’inscrit dans le cadre de la prévention des faits religieux transgressifs sur le lieu de travail. Depuis plusieurs années, identité religieuse et identité professionnelle semblent entrer en confrontation (2). En France, l’identité religieuse est vue comme relevant de la sphère privée, n’ayant pas d’objet voire d’intérêt à s’exprimer sur le lieu de travail. Le coming out spirituel requiert un environnement professionnel bienveillant. D’une manière générale, la littérature indique que le soutien organisationnel à l’expression religieuse augmente la congruence entre l’identité religieuse et l’identité professionnelle (3). L’ambition de cette étude est de chercher à établir les pré-requis de la coexistence pacifique de ces identités sociales, dans un contexte où il est peu courant que l’identité religieuse soit exprimée sur le lieu de travail.
De nombreuses recherches, principalement anglo-saxonnes, ont en effet évalué la prédiction positive de la satisfaction au travail pour les personnes ayant une forte identité religieuse, notamment par le biais du soutien organisationnel perçu (SOP). L’originalité de cette recherche, en s’appuyant sur la littérature existante, est d’évaluer dans un cadre professionnel français où prédomine la laïcité, pour les personnes ayant une forte identité religieuse, leur satisfaction au travail qui devrait être moindre, sauf si elles perçoivent un soutien organisationnel (cause externe) ou ressentent un sentiment d’utilité sociale dans l’exercice de leur métier (cause interne). Dans ce cas, ces personnes ne ressentiraient pas le besoin d’exprimer par des signes visibles, leur identité religieuse sur le lieu de travail.
Cette étude avait donc pour objet d’établir le rôle modérateur du soutien organisationnel perçu (SOP) et du sentiment d’utilité sociale sur la relation entre une forte identité religieuse et la satisfaction de la vie professionnelle positive. Il y avait trois hypothèses opérationnelles :
Plus l’identité religieuse est forte chez les participants, plus leur satisfaction de la vie professionnelle augmente positivement.
Le soutien organisationnel perçu (SOP) modère le lien entre une forte identité religieuse des participants et leur satisfaction professionnelle de telle sorte qu’un soutien organisationnel perçu comme élevé a un effet positivement élevé sur la satisfaction professionnelle et inversement pour un soutien organisationnel perçu comme faible.
Le sentiment d’utilité sociale (SUS) modère le lien entre une forte identité religieuse des participants et leur satisfaction professionnelle de telle sorte qu’un sentiment d’utilité sociale élevé a un effet positivement élevé sur la satisfaction professionnelle et inversement, pour un sentiment d’utilité sociale faible.
Résultats: une régression linéaire a permis d’établir qu’une forte identité religieuse explique 6,6% de la satisfaction positive de la vie professionnelle. Bien qu’il y ait une corrélation entre l’ensemble des variables, ni le soutien organisationnel perçu (SOP) ni le sentiment d’utilité sociale (SUS) ne modèrent la relation entre une forte identité religieuse et la satisfaction positive de la vie professionnelle.
Cette étude confirme donc un impact positif de l’identité religieuse sur la satisfaction professionnelle. Toutefois, ni le soutien organisationnel perçu, ni le sentiment d’utilité sociale ne modèrent la relation entre l’identité religieuse et la satisfaction professionnelle. L’intérêt de cette étude aura été de montrer qu’il existait des liens de corrélation positifs entre identité religieuse, soutien organisationnel perçu, sentiment d’utilité sociale et satisfaction professionnelle. L’imbrication de ces pré-requis reste donc encore à étudier plus avant, pour comprendre les causes qui conduisent des personnes ayant une forte identité religieuse à éprouver une satisfaction professionnelle positive.
Illustration: capture d’écran de l’animation Gestion du fait religieux en entreprise privée : les 5 recommandations À Compétence Égale (À Compétence Égale, 10 janvier 2024).
(1) Dans le cadre de mon mémoire de recherche de master 1 en psychologie du travail sur Le rôle modérateur du soutien organisationnel perçu et du sentiment d’utilité sociale dans la relation entre une forte identité religieuse et la satisfaction au travail, 196 participants (91 femmes, 103 hommes et 2 non binaires) ont répondu au questionnaire qui comprenait quatre échelles: Religious Commitment Inventory-10 (RCI- 10) de Worthington, version francophone de l’échelle du soutien organisationnel perçu d’Eisenberger (1986), sentiment d’utilité sociale évalué selon Lepièce et al. (2022) ainsi que l’échelle de satisfaction de vie professionnelle de Fouquereau et Rioux (2002). Un modèle de double modération a été testé pour étudier les rôles modérateurs potentiels du soutien organisationnel perçu (SOP) et du sentiment d’utilité sociale (SUS).
(2) Baromètre du fait religieux en entreprise 2022-2023, sous la direction de Lionel Honoré.
(3) Caroline Cintas, Yingfei Gao Héliot et Pierre-Antoine Sprimont, Religious accommodation in France: decoding managers’ behaviour », Employee Relations, 2020.
