À lire Archives - Page 20 sur 20 - Forum protestant

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Noter à l’école : et si nous nous trompions de question  ?

 

« Des échelles descriptives précisent les niveaux attendus. L’élève est noté en référence à des repères pédagogiques et non en comparaison des scores de ses camarades ou d’autres facteurs aléatoires. Certes, un chiffre est toujours communiqué, mais la manière dont il est construit par l’enseignant est toute autre. À ces conditions, la note devient un outil pertinent parmi d’autres pour pronostiquer l’avenir scolaire de chacun·e. »

Dénonçant à la fois la condamnation absolue de la notation et son exaltation actuelles, Raphaël Pasquini (professeur à la Haute École Pédagogique du Canton de Vaud) souligne d’abord à quel point notre société est de plus en plus obsédée par la notation et à quel point également les enseignants l’ont intégrée dans leur fonctionnement. Plutôt donc qu’une illusoire suppression de la note, il suggère plutôt de changer les pratiques afin que « les élèves comprennent mieux les règles auxquelles ils sont soumis. Leur motivation est moins mise à mal, et ils acceptent de manière plus claire leurs résultats puisqu’ils ont les moyens de les comprendre, même en cas d’échec ». Problème : ce système « cohérent » de notation (où celle-ci n’est plus une sanction mais fait « partie intégrante du processus évaluatif ») est « une pratique d’une très grande complexité requérant des connaissances de haut niveau » à laquelle la majorité des enseignants n’est pas formée …

8 juillet 2018

Réussir par l’École, malgré le reste

 

« Le livre montre, à l’instar de beaucoup d’autres travaux, que la génération des enfants de milieux populaires qui ont grandi dans la crise des cités des années 1990 a dû objectivement surmonter plus d’obstacles que la génération précédente … Ce faisant, le livre tente de montrer que vos propres destins individuels ne prennent pleinement sens que dans le cadre d’une histoire collective qui, en quelque sorte, vous dépasse (au sens où au moment vous vivez votre vie, vous n’en avez pas nécessairement conscience) : c’est cela même le sens de la sociologie comme science (sociale) … »

En analysant (avec eux) les vies et les trajectoires de 8 frères et sœurs d’une famille algérienne arrivée en France dans les années 1970, le sociologue Stéphane Beaud (interrogé par Nadia Chaar) fait ressortir la « place majeure » de l’école dans leur intégration à la société environnante. Si les filles « réussissent bien mieux que les garçons », c’est grâce à « un système scolaire qui tient la route dans la petite ville ouvrière et communiste où elles ont grandi » et une prise de conscience immédiate « que leur liberté et leur émancipation sociale passaient d’abord et avant tout par l’école et l’appropriation progressive de la culture scolaire et de la culture légitime ». Les garçons, malgré « une bonne scolarité primaire » auront plus de difficultés « en fin de collège quand le niveau d’exigences s’élève et qu’ils se retrouvent embarqués dans leur quartier HLM dans la logique de groupe, si puissante dans cités des années 1990 ».

5  juillet 2018

Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau

 

« Nous assistons également à une invasion des neurosciences dans de très nombreux domaines autres que médicaux : la justice, le marketing, l’éducation, les ressources humaines, la politique. Cet essor est étroitement lié à l’émergence des techniques comme l’IRM, que certains utilisent déjà pour décrire la pensée, les émotions, les motivations, avec au-delà la perspective de maîtriser les processus de prise de décision qui guident nos choix et nos actions. Ils vont parfois jusqu’à attribuer aux neurosciences le pouvoir de décrire l’être humain dans son individualité, sa subjectivité, ses actions, sa vie privée et sociale. Or dans la réalité, les connaissances actuelles ne permettent pas de caractériser un individu ou son comportement par la simple observation de son cerveau, loin de là. Une personne humaine n’est pas réductible à son cerveau. »

Après avoir résumé les avancées récentes des neurosciences grâce au « développement des techniques d’exploration du cerveau » comme l’IRM fonctionnelle, Catherine Vidal et Hervé Chneiweiss, deux neurobiologistes membres du Comité d’éthique de l’Inserm, font une revue de « l’invasion des neurosciences » en dehors du cadre médical : neuro-amélioration (comportement et performances cognitives), neuro-justice (utilisation de l’imagerie cérébrale dans les expertises, caractérisation des comportements à risques), neuro-politique (utilisation des singularités cérébrales supposées de telle ou telle population), neuro-marketing (études des mécanismes à l’œuvre dans la décision d’achat), neuro-éducation … Si ces pratiques et leurs dérives semblent en roue libre aux États-Unis, elles sont limitées en France par les interdictions d’utiliser les appareils d’IRM hors des établissements de soins et de recherche biomédicale et d’utiliser la stimulation cérébrale en dehors d’un protocole de soins. Mais pour combien de temps ? Selon ces spécialistes, « les Français ne sont pas assez informés sur les dérives possibles de l’utilisation de l’IRM », d’autant que « pour un public non averti, les images colorées du cerveau sont fascinantes et peuvent apparaître comme une preuve scientifique objective ».

3 juillet 2018

Une maison pas comme les autres pour les malades d’Alzheimer

 

« Personne n’a compris ce que je voulais dire en langage des signes, vous voyez, reprend enfin Nicole Poirier avec un accent québecois prononcé après ce début musical. Vous avez pu observer que je m’énervais, même si je ne parlais pas. C’est désagréable, hein. Voilà ce que les personnes atteintes d’Alzheimer ressentent quand elles ne vous comprennent pas. »

Le modèle, Carpe Diem, est québécois : un ancien presbytère de Trois-Rivières utilisés depuis 1995 par Nicole Poirier pour héberger des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer … mais avec des portes ouvertes, « symbole de liberté pour les habitants » et en relation constante avec les familles qui « connaissent leurs proches bien mieux que n’importe quel personnel soignant ». Un personnel « très polyvalent » qui « personnalise l’accompagnement de chaque personne. Nous mangeons et cuisinons tous ensemble. Et les habitants contribuent à leur tour aux tâches du personnel, comme le ménage par exemple. » Résultat une approche de la maladie où l’on part du malade et où on tente de le comprendre et d’adapter le soin en conséquence pour que « les besoins de l’institution » ne priment pas « sur les besoins du patient ». Le modèle commence à faire des émules et des maisons sur ce modèle ont été créées en Belgique et en France.

2 juillet 2018

Comment les psy ont investi le pénal, et pourquoi c’est un problème

 

« De l’aveu des professionnels et des chercheurs, notamment d’une partie de ceux ayant promu ces outils, il est tout à fait impossible de garantir de façon certaine la récidive ou la non-récidive d’un individu. Pourtant, c’est aussi sur la base de ces dispositifs – qui n’offrent donc aucune certitude – que les experts psychiatres et psychologues sont susceptibles, dans le cadre de la rétention de sûreté, de prolonger l’enfermement des justiciables au-delà de la peine … On ne peut alors que s’étonner du décalage entre le pouvoir exorbitant donné aujourd’hui aux spécialistes du psychisme – pouvoir qu’une partie d’entre eux refuse d’ailleurs d’endosser – et la faillibilité de leurs outils et de leurs évaluations. »

D’abord conçue pour les délinquants sexuels, la médico-psychologisation touche aujourd’hui toutes sortes d’auteurs d’infractions et est devenue « l’un des rouages principaux qui permet le fonctionnement de la machine pénale ». Le sociologue Sébastien Saetta pointe un certain nombre de problèmes éthiques et pratiques causés par cette généralisation. Parmi ceux-ci, la remise en cause du consentement aux soins et du secret médical, le fait que le soin, « quasi forcé », se rajoute dans les faits à la peine d’emprisonnement pour des durées de plus en plus longues, l’aggravation des peines due aux expertises psychiatriques « plus facilement défavorables que favorables aux justiciables », la très contre-productive systématisation (au détriment des cas sérieux) de l’injonction de soins, l’oubli des causes sociales de la délinquance …

27 juin 2018

Qui se dit : J’aurais aimé passer plus de temps sur Facebook...

 

« Au niveau individuel, cela se manifeste par de la distraction, de l’addiction pour certains, de la confusion, un sentiment d’éparpillement … Et au niveau de la société, cela se traduit aussi par de l’impulsivité, qui prend la forme d’une certaine violence.  Définissons-nous encore ce à quoi nous voulons prêter attention ? Ou est-ce que ces technologies décident à notre place ? Pour moi, c’est une question politique de première importance. (…) Nous en sommes arrivés à une industrie de la persuasion à grande échelle, qui définit le comportement de milliards de gens chaque jour, et seulement quelques personnes ont leurs mains sur les leviers. Voilà pourquoi j’y vois une grande question morale, peut être la plus grande de notre époque. »

Après avoir passé 10 ans à travailler à la publicité chez Google, James Williams milite depuis pour notre « liberté d’attention », menacée selon lui par le perfectionnement des propositions technologiques de l’information. « Il y a quelques années, dit-il, j’ai réalisé que je vivais avec de plus en plus de technologies de toutes sortes sans pour autant qu’il me soit plus facile de faire ce que j’avais envie de faire, c’était même le contraire. Cela me semblait être un pas en arrière. Je commençais à ressentir les effets de la distraction sur ma propre vie. » Une évolution parallèle à celle qu’il vit dans son milieu professionnel avec une industrie publicitaire qui évolue « vers un univers de l’attention plutôt que de l’intention ». Une évolution qui vise à nous plonger « dans une vie de distraction » et qui se retrouve au niveau politique avec des candidats « de plus en plus clickbait » (pièges à clics). Solutions individuelles pour résister selon Williams : entre autres valoriser notre attention « et être moins disposé à la donner à n’importe qui », évaluer ce que l’on peut gagner réellement à toute nouvelle application ou technologie, ne pas hésiter à bloquer les publicités, pousser les entreprises technologiques à développer des formules moins brutales.

19 juin 2018