Grand débat national : demandes contradictoires, arrière-fond populiste et moralisateur
« Il ressort donc de la lecture de cette première synthèse que le grand débat, notamment sur le terrain démocratique, peut se révéler être un jeu dangereux pour le gouvernement. Tout d’abord parce que la question méthodologique est décisive et que la restitution des réponses, comme leur interprétation, dépendent étroitement du taux de sans réponse et de sa prise en compte. Sur bien des questions, l’incertitude demeure et seuls les contributeurs les plus radicaux ou les plus engagés ont parfois répondu – ce qui laisser toujours béante la question de savoir quelle est la représentativité réelle de ce grand débat. »
À partir d’un « échantillon aléatoire de 600 contributions sur les 46 340 » déposées sur le site officiel du Grand débat national, Luc Rouban et son équipe se sont livrés à une analyse des réponses au questionnaire « (souvent assez mal rédigé) », non parce que ces réponses auraient une représentativité par rapport à « l’ensemble des 47 millions d’électeurs inscrits » mais parce qu’il s’agit, quoiqu’on en pense, d’un « témoignage historique de grande importance puisque cette aventure participative nationale est la première du genre ». Une analyse loin d’être évidente puisque « soit on met l’accent sur la volonté majoritaire, qui n’en est pas une, soit sur l’incertitude ou la critique dans lesquelles sont les contributeurs ». Choisissant cette deuxième voie plus prudente, Rouban et son équipe notent d’abord que la critique contre le personnel politique « porte bien plus sur le comportement des élus, leurs privilèges ou leur indifférence aux électeurs que sur le principe de la démocratie représentative elle-même ». Les seules demandes qui se détachent sont la reconnaissance du vote blanc et l’introduction d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée alors que d’autres plus médiatisées comme le référendum d’initiative citoyenne ou innovantes comme le tirage au sort ne font pas recette. Ce qui marque pourtant la majorité des réponses, ce serait un « arrière-fond populiste et moralisateur » et une « dimension autoritaire » avec l’accent mis sur la « contrainte civique ». Mais Rouban remarque que sur ces questions sensibles (valeurs de la République, engagement citoyen), la part des sans réponse est particulièrement importante. Les réponses sont plus partagées et assez opposées en matière de laïcité et d’immigration. Bref, des résultats difficiles à interpréter et encore plus à prendre en compte, même si « bon nombre de réponses vont clairement dans le sens des propositions d’Emmanuel Macron » …
25 mars et 3 avril 2019