Maintien de l’ordre : qui décide de quoi ?
« Quand les CRS et les gendarmes mobiles doivent attendre l’ordre de leur supérieur hiérarchique (qui reçoit lui-même les consignes du centre de commandement) pour effectuer le moindre geste – charger, faire un tir de grenade lacrymogène, tirer au LBD –, les BAC (ou les BRAV-M depuis quelques semaines) fondent leur action sur l’initiative individuelle. On aurait ainsi tort de considérer que l’emploi des BAC dans les opérations de maintien de l’ordre se fait uniquement parce que l’État ne dispose pas de suffisamment d’effectifs en forces mobiles : les BAC sont aussi vues comme un moyen permettant de ne pas avoir à compter sur des forces mobiles parfois lentes à réagir à cause d’un encadrement hiérarchique très fort. »
Les interventions policières où les forces de l’ordre sont accusées de violences n’étant « pas facilement lisibles pour le manifestant, le journaliste ou le chercheur », Aurélien Restelli s’appuie sur les rares « séquences judiciaires » où elles peuvent être analysées dans le détail. Il remarque d’abord que les règles ne sont de fait pas les mêmes à Paris et ailleurs puisque la déclaration préalable de la manifestation en préfecture n’est strictement exigée qu’à Paris alors qu’ailleurs, « la règle implicite qui prévaut est la suivante : les manifestations non déclarées sont tolérées jusqu’aux premiers troubles à l’ordre public ». « Loin des principes de la désescalade qui ont peu à peu été mis en application dans d’autres pays européens », les forces de l’ordre françaises ont aussi la particularité de se montrer attentistes voire passives avant « une intervention policière relativement massive qui exclut la plupart du temps tout retour un arrière ». Pour « conserver souplesse, réactivité et adaptabilité », les responsables de l’ordre public préfèrent disposer à la fois de deux types de forces : d’un côté des unités spécialisées et strictement soumises à la hiérarchie comme les CRS et les gendarmes mobiles, de l’autre des « unités moins bien formées, comme les Brigades Anti-Criminalité (BAC) » qui agissent elles de façon autonome et sont régulièrement critiquées pour leurs initiatives. Mais pour Restelli, « ce qui reste relativement flou, c’est le poids du politique » au plus haut niveau, un poids qui semble « non négligeable dans la conduite stratégique des opérations de maintien de l’ordre, tout du moins à Paris ou dans les autres foyers de contestation importants ».
7 juillet 2019