À lire Archives - Page 11 sur 20 - Forum protestant

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Maintien de l’ordre : qui décide de quoi ?

 

« Quand les CRS et les gendarmes mobiles doivent attendre l’ordre de leur supérieur hiérarchique (qui reçoit lui-même les consignes du centre de commandement) pour effectuer le moindre geste – charger, faire un tir de grenade lacrymogène, tirer au LBD –, les BAC (ou les BRAV-M depuis quelques semaines) fondent leur action sur l’initiative individuelle. On aurait ainsi tort de considérer que l’emploi des BAC dans les opérations de maintien de l’ordre se fait uniquement parce que l’État ne dispose pas de suffisamment d’effectifs en forces mobiles : les BAC sont aussi vues comme un moyen permettant de ne pas avoir à compter sur des forces mobiles parfois lentes à réagir à cause d’un encadrement hiérarchique très fort. »

Les interventions policières où les forces de l’ordre sont accusées de violences n’étant « pas facilement lisibles pour le manifestant, le journaliste ou le chercheur », Aurélien Restelli s’appuie sur les rares « séquences judiciaires » où elles peuvent être analysées dans le détail. Il remarque d’abord que les règles ne sont de fait pas les mêmes à Paris et ailleurs puisque la déclaration préalable de la manifestation en préfecture n’est strictement exigée qu’à Paris alors qu’ailleurs, « la règle implicite qui prévaut est la suivante : les manifestations non déclarées sont tolérées jusqu’aux premiers troubles à l’ordre public ». « Loin des principes de la désescalade qui ont peu à peu été mis en application dans d’autres pays européens », les forces de l’ordre françaises ont aussi la particularité de se montrer attentistes voire passives avant « une intervention policière relativement massive qui exclut la plupart du temps tout retour un arrière ». Pour « conserver souplesse, réactivité et adaptabilité », les responsables de l’ordre public préfèrent disposer à la fois de deux types de forces : d’un côté des unités spécialisées et strictement soumises à la hiérarchie comme les CRS et les gendarmes mobiles, de l’autre des « unités moins bien formées, comme les Brigades Anti-Criminalité (BAC) » qui agissent elles de façon autonome et sont régulièrement critiquées pour leurs initiatives. Mais pour Restelli, « ce qui reste relativement flou, c’est le poids du politique » au plus haut niveau, un poids qui semble « non négligeable dans la conduite stratégique des opérations de maintien de l’ordre, tout du moins à Paris ou dans les autres foyers de contestation importants ».

7 juillet 2019

Devenir fermier pour purger sa peine

 

« « D’un côté, on trouve des jeunes en difficulté, notamment ceux qui n’ont jamais travaillé ou ceux qui ont des grosses craintes envers les animaux (…). De l’autre côté, on retrouve néanmoins énormément de travailleurs rigoureux. » Et quelques semaines de travail font souvent du bien : « l’une des raisons pour lesquelles j’aime travailler aux côtés des tigistes, c’est l’évolution de leur mentalité au cours de ce séjour. Ils sont réticents, parfois, en arrivant. Et puis, en partant, ils se considèrent comme des fermiers accomplis ! » »

Dans ce reportage à la ferme urbaine et pédagogique de Montmagny (Val d’Oise), Amine Habert interroge plusieurs personnes condamnées à y accomplir leurs heures de TIG (travaux d’intérêt général). Dans ce cadre « certes un peu dépaysant » pour « ces hommes souvent issus de quartiers populaires », certains prennent goût à ce type de travail et prolongent l’expérience avec un service civique. La réussite de la formule tient non seulement au travail et au changement radical d’environnement mais aussi à la cohésion donnée par « plusieurs acteurs issus de milieux différents » : « les bénévoles, les salariés, les services civiques, les stagiaires et les tigistes ».

4 juillet 2019

Il n’y a pas d’ « endroit » de la classe

 

« En réalité, l’histoire même des regroupements d’élèves montre de nombreuses transformations qui se sont opérées au fil des années. La classe, avec ses vingt à trente-cinq élèves, est une invention relativement récente. De même, des formes d’enseignement que l’on pense de « bon sens » (le grand ennemi de tout progrès et de toute pensée complexe), sont tout autant datées historiquement et donc forcément « contestables », en tout cas, pas fixées dans le marbre. »

Intervenant lors du Congrès des classes inversées et des méthodes actives, Jean-Michel Zakhartchouk conteste d’abord l’alternative entre classe non inversée et classe inversée, la première n’étant pas plus à l’endroit, normale ou évidente que la deuxième qui cherche à inventer une pédagogie différenciée en modifiant la structure de la classe. Car il n’y a pas « une forme privilégiée qui serait « l’endroit », la norme » en matière de pédagogie ni de choix drastique entre une « pédagogie explicite très cadrée », un travail « par ilots » ou une « pédagogie de la découverte systématique ». Il y a plutôt selon Zakhartchouk différents « régimes de fonctionnement » adaptés à l’objectif : « Les formes les plus diverses peuvent donc, doivent donc se déployer, la condition étant au préalable de bien définir où on va. C’est cela qui va guider l’enseignant tout le long du processus d’apprentissage. Les dispositifs dits d’« inversion » peuvent mener au confusionnisme et à une pédagogie renforçant les inégalités si elle n’est pas guidée par un horizon précis : quel est le point-clé qui sera fil directeur de la séquence, quelles sont les compétences précises qu’on veut atteindre, quels sont les attendus au final ? On peut alors discuter des multiples chemins pour y parvenir. » Dans ce cadre, la « classe inversée » (ou plutôt la « classe diversifiée ») pourrait être un moyen d’accompagner la révolution numérique, d’atténuer la séparation école/maison et surtout de « prendre ses distances avec tout dogme, avec toute recherche de « la » solution miracle ».

2 juillet 2019

Le mal-être français

 

« Les solutions ne sont pas simples à concevoir ni faciles à mettre en œuvre. Elles se heurtent au mythe méritocratique, particulièrement prégnant s’agissant de la France, selon lequel l’éducation doit assurer la promotion sociale (et qui n’est pas pour rien dans la forte séparation qui existe dans notre pays entre le travail manuel et le travail intellectuel). « Le même dilemme est posé aux autres sociétés développées, mais elles s’en sont souvent mieux tirées. Dans certains cas, la durée des études n’a pas autant augmenté qu’en France ; dans la plupart des autres, l’emploi est moins lié au diplôme qu’à la personnalité, aux potentialités et aux expériences passées des candidats. » »

Rendant compte du livre de Hervé Le Bras Se sentir mal dans une France qui va bien. La société paradoxale, Jean Bastien explique que le démographe part de la crise des Gilets jaunes pour tenter de comprendre les raisons d’un « pessimisme, qui tranche avec le reste de l’Europe, englobe la plupart des institutions, avec une méfiance envers l’économie de marché, mais également envers l’Etat providence, pourtant particulièrement investi, et finalement une mauvaise opinion de leurs concitoyens ». Pas d’explication du côté des indicateurs sociaux généraux puisque « par rapport aux autres pays européens, la France figure parmi ceux où la pauvreté et les inégalités sont les mieux contenues et les mieux corrigées par les prestations sociales, l’accroissement des inégalités ne concernant que des groupes très minoritaires, particulièrement défavorisés ou au contraire très privilégiés », pas plus en matière de santé, retraite, famille, logement ou sécurité. Quant à la question des territoires, déterminante dans la crise des Gilets jaunes (plus actifs dans ce qu’on appelle la France du vide), elle l’est moins quant à ce mal-être puisque l’éloignement des grandes villes n’accentue pas les problèmes et les inégalités mais a plutôt tendance à figer les situations sociales. D’où l’accent mis par Le Bras sur l’éducation et la mobilité sociale, le « désajustement entre l’augmentation du niveau d’éducation et le glissement de l’échelle sociale vers les catégories supérieures, qui a été beaucoup moins rapide. Avec pour conséquence un fort ralentissement de l’ascension sociale, que semblent désormais corroborer différentes enquêtes et selon lesquelles la position de la France apparaît alors particulièrement désavantageuse par rapport aux autres pays européens ». Cela joue particulièrement pour les femmes qui ont dépassé les hommes en niveau d’éducation tout en n’améliorant qu’à peine leur position sociale. Pour Le Bras, c’est ce « mythe méritocratique » français, ancré dans la culture et les représentations, qui pourrait expliquer les difficultés de notre pays à relancer la promotion sociale.

2 juillet 2019

Les écueils du Grand Paris Express

 

« Le paradigme d’une ville structurée par les infrastructures de mobilité n’est plus pertinent, depuis que la mobilité (des personnes, des biens et des services) a été facilitée au cours du dernier demi-siècle par les progrès technologiques et le faible coût de l’énergie. La création d’une nouvelle infrastructure lourde (route ou transport collectif) induit une modification de l’agencement urbain : quand la performance des déplacements s’améliore, on constate que les ménages et les entreprises ont tendance à se relocaliser, parfois même par anticipation. Ce mécanisme renforce la spécialisation de la ville, tant fonctionnelle (concentration des emplois, séparation accrue des lieux d’activité et de résidence) que sociale (gentrification de sites bien desservis, enclavement de quartiers délaissés, diminution de la mixité sociale). Ainsi, les transports ont souvent un effet déstructurant. »

Spécialistes des mobilités et de l’emploi, Jacqueline Lorthiois et Harm Smit critiquent d’abord le fait que la Société du Grand Paris (SGP) soit chargée de la construction du nouveau réseau de transports en commun francilien en faisant « l’impasse sur toutes les autres fonctions urbaines » alors que le projet est pénalisé par plusieurs « handicaps importants ». Le premier, c’est le « réseau imposé d’en haut », un manque de concertation flagrant entre d’un côté « les professionnels de la filière transports – technocrates bien établis, en symbiose avec les pouvoirs publics – », convaincus qu’une ville est « structurée par les infrastructures de mobilité », et de l’autre les « millions de Franciliens exaspérés », plus nombreux chaque jour à emprunter les transports en commun. L’erreur des décideurs qui conçoivent ce « processus infernal » (toute nouvelle offre induisant de nouveaux besoins), c’est de « penser l’adéquation offre/demande à l’échelle de l’ensemble de la région francilienne, comme si tout lieu de domicile pouvait s’associer à n’importe quel lieu d’emploi. Or, compte tenu de l’ampleur des temps et des coûts de transports, l’Île-de-France est beaucoup trop vaste pour pouvoir fonctionner comme un bassin d’emploi unique qu’il s’agirait de traverser de part en part ». Le deuxième handicap, c’est donc l’aggravation de la séparation entre « territoires de l’emploi » et « territoires de main-d’œuvre » qui ne peut qu’accroître les besoins de mobilité. Or l’étude détaillée du projet de Grand Paris Express montre qu’il « n’a pas intégré les besoins des usagers : relier les pôles d’habitat aux pôles d’emplois » mais plutôt privilégié la relation des « grands « pôles d’excellence » franciliens entre eux (qui sont aussi les lieux de concentration des emplois), ce qui ne correspond qu’à 3 % des besoins de déplacements ». Le troisième handicap, enfin, c’est le sens de la manœuvre : à quoi bon favoriser la mécanique « croissance de la demande » sans « résorber les déséquilibres emploi/main-d’œuvre » si c’est pour accumuler des « dettes abyssales dues à une explosion des coûts et des délais de réalisation » ? Entre 2011 et 2017, les coûts on déjà presque doublé ( de 19 à 35 milliards d’euros) rendant « très plausible le scénario de « dette perpétuelle » évoqué par la Cour des comptes ». Pour les auteurs, il est donc urgent de changer de stratégie et se fixer un objectif de « réduction des besoins de mobilité à la source » qui permette aux Franciliens de « vivre et travailler, se détendre dans leur bassin de vie ».

27 juin 2019

La législation française sur le cannabis n’est pas près d’évoluer

 

« En s’appuyant sur l’analyse économique et l’étude des expériences étrangères récentes, ils défendent l’idée selon laquelle la légalisation du cannabis récréatif, strictement encadrée, permet à la fois de restreindre l’accès au produit pour les plus jeunes, de lutter contre la criminalité, et de développer un secteur économique créateur d’emplois et de recettes fiscales. »

C’est selon, Jean-Yves Nau, un autre « paradoxe français » : conjuguer « l’une des législations les plus sévères contre le trafic et l’usage de produits stupéfiants – et tout particulièrement de cannabis » et être « l’espace européen où la consommation de cannabis bat tous les records ». D’où des appels récurrents à une dépénalisation ou une légalisation de la consommation pour libérer les forces de l’ordre d’une répression chronophage et inefficace et augmenter les ressources de l’État grâce à une taxation de la commercialisation « au même titre que ces autres substances addictives que sont le tabac et les boissons alcooliques ». Mais autre paradoxe, ces appels ne rencontrent pas « le moindre écho positif au sein des pouvoirs législatif et exécutif », même « lorsque le pouvoir en place se pique de progressisme ». Ce printemps, les choses bougent toutefois sur trois fronts avec d’abord l’évaluation en cours d’un circuit expérimental de prescription de cannabis thérapeutique par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Une démarche que vient de vivement contester l’Académie nationale de pharmacie, dénonçant un « abus de confiance ». Deuxième front, un appel de députés le 18 juin appelant à la « constitution d’un monopole pour la production et la vente du cannabis par la création d’une société nationale, la SECA (Société d’exploitation du cannabis), permettra de réguler la production et la vente tout en contrôlant la consommation ». Troisième front, après le thérapeutique et le politique, l’économique : une note du Conseil d’analyse économique (CAE) intitulée « Cannabis: comment reprendre le contrôle ? » et proposant un modèle français de légalisation se traduisant par « un niveau de recettes fiscales de 2 milliards d’euros ». Mais, selon « les spécialistes d’addictologie proches du pouvoir », la difficile ouverture de la PMA aux femmes seules et couples de femmes exclut toute réforme sur le cannabis récréatif durant ce quinquennat.

26 juin 2019