Sites de rencontres : logiques algorithmiques ou logiques sociales ? - Forum protestant

Sites de rencontres : logiques algorithmiques ou logiques sociales ?

 

« Il y a une vraie crainte de la sophistication et de la détermination des algorithmes. Pour ma part, je suis dubitative sur ces deux aspects. Les logiques algorithmiques sont bien moins sophistiquées que les logiques sociales. L’appariement entre les partenaires est plus le résultat de logiques de sélections sociales mises en œuvre par les individus que par les algorithmes. Les algorithmes présélectionnent des personnes, mais ces paramètres sont bien moins déterminants que ceux que les gens mettent en œuvre pour choisir. Pour juger quelqu’un depuis un très court texte ou une simple image, nous sommes bien plus efficaces qu’un algorithme ! En regardant une image, nous faisons des jugements sociaux et sexués en un instant. »

Auteure du livre Les nouvelles lois de l’amour : sexualité, couple et rencontres au temps du numérique, la sociologue Marie Bergström (interrogée par Hubert Guillaud) explique « le succès des sites et applications de rencontre » par « deux grande tendances » : d’abord « l’allongement de la jeunesse » qui encourage chacun et chacune « à vivre plusieurs histoires avant de se mettre en couple », ensuite « la montée des ruptures et des séparations des plus âgés ». Dans les deux cas, le numérique a permis une « privatisation de la rencontre » qui la dissocie « des lieux de vies et des réseaux de sociabilité », ce qui « a permis de rendre discrètes les pratiques des plus jeunes et a permis aux plus âgés de faire des rencontres au-delà du cercle étroit de leurs réseaux de sociabilité ». Une dissociation en beaucoup de points semblable avec les rencontres de vacances : « on y rencontre des gens qu’on ne connaît pas et on peut se permettre des choses qu’on ne se permet pas habituellement. Ils offrent des conditions propices à une exploration qui ne porte pas à conséquence, et ce sans présence d’acteurs privés particuliers ». Pour Bergström, on exagère beaucoup l’influence « des algorithmes et de la marchandisation » sur ces pratiques. Elle constate que « les applications reposent sur très peu de développements techniques » et que les entreprises spécialisées ont même une très mauvaise connaissance des usages sur leurs sites : « Ce n’est pas eux qui déterminent les usages. Le fait qu’ils ne savent pas très bien ce qu’ils font montre combien la perfection qu’on leur prête est bien plus limitée qu’on le pense ». Car, « pour faire fonctionner un service de ce type, seuls quelques paramètres suffisent ».

30 mars 2019