Entre le mal et le pire - Forum protestant

Entre le mal et le pire

«J’ai renoncé à brusquer la mort», fait écrire Yourcenar à Hadrien. Dans le débat législatif sur la fin de vie, on voit certains parlementaires se faire «les interprètes-miroirs d’un monde qui valorise l’efficacité, la performance et rêve d’éliminer la souffrance plutôt que d’y répondre», «alors que la question est de savoir comment accompagner l’autre dans son épreuve tragique sans fuir notre propre humanité». S’interrogeant sur un «regard protestant» en la matière «à partir d’une lecture de Ricœur et de Bonhoeffer», Jean-Paul Sanfourche se demande ici si «le rôle du droit», plutôt que de «légiférer sur l’éthique», ne serait pas de «protéger les conditions d’un discernement libre et partagé, dans l’acceptation humble et lucide de notre ignorance».

 

«… Si l’éthique de détresse est confrontée à des situations où le choix n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le mal et le pire — même alors le législateur ne saurait donner sa caution» 
(Paul Ricœur (1)).

«Nous ne pouvons agir de manière responsable et historique que dans l’ignorance dernière de notre bien et de notre mal, à savoir dans la dépendance de la grâce» (Dietrich Bonhoeffer (2)).

 

Il n’est pas du tout dans notre intention d’entrer de plain-pied dans un débat idéologique où chacun choisirait son camp. Les positions de notre Église sont suffisamment nuancées tout en étant fermes (3), pour nous inviter à inscrire avec humanité nos modestes réflexions dans l’horizon large qui s’ouvre entre le sixième commandement: «Tu ne commettras pas de meurtre» (Exode 20,13) et la parole de Paul aux Romains: «L’amour ne fait point de mal au prochain: l’amour est donc l’accomplissement de la loi» (Épître aux Romains 13,10).

Nous avons déjà laissé entendre, ici même (4), notre doute, sinon notre réticence, devant la volonté d’inscrire au paradigme des libertés civiques le droit à «mourir dans la dignité», en ayant recours à l’euthanasie ou au suicide assisté. Nous nous garderons bien de superposer la volonté d’un homme bien portant défendant une cause que l’on peut fort bien entendre, aux désirs ou aux volontés, parfois contradictoires, de l’homme souffrant, sentant sa mort prochaine. L’éthique de la liberté du premier ne peut se confondre à ce que nous imaginons être l’éthique de la détresse du second. 
À partir d’une lecture de Ricœur et de Bonhoeffer, et en passant par une réflexion sur l’éthique de la détresse et la sagesse du tragique, nous tentons ici de tracer l’itinéraire difficile (non méthodologique) allant d’une approche protestante informée à un possible regard protestant sur la loi concernant la fin de vie.

 

Une approche protestante

La lecture de la Résolution adoptée par le synode national de l’ÉPUdF (Lyon, 12 mai 2013 (5)) témoigne que la position des protestants ne fait pas de cette proposition de loi un simple texte juridique. Que nous ne nous égarons pas non plus dans l’illusoire clarté des positions tranchées. Ce texte engage des valeurs fondamentales: la liberté individuelle, la dignité, la solidarité. Preuve en est: la citation de Bonhoeffer que nous mentionnons en exergue y figure. Une autre également:

«Lorsqu’un malade incurable constate que son état et les soins qu’il requiert entraînent la ruine matérielle et psychique de sa famille et qu’il délivre celle-ci par sa libre décision, on ne pourra le condamner» (6).

Hors de tout esprit dogmatique, cette Résolution tente d’ouvrir l’espace non à la position ou à la décision définitive, mais à la réflexion, voire à la méditation.

Peut-être ne parle-t-on vraiment de la mort que lorsqu’on commence à sentir sa vie imperceptiblement basculer, même si la finitude est toujours incertitude, rejetée dans «le flou de la durée, et bannie de l’instant» pour reprendre de mémoire les mots de Jankélévitch. On connaît dans quelles circonstances historiques Bonhoeffer a rédigé ces lignes; il savait que sa vie était menacée, et ces deux citations de l’Éthique sont à interpréter dans ce contexte. Nous y reviendrons.

 

L’éthique de détresse et le Droit à l’épreuve du tragique

Le jugement de Paul Ricœur nous semble mettre en relief la tension cruciale entre éthique, responsabilité et droit. Tension dans laquelle tous les débatteurs de l’Assemblée pourraient inscrire aujourd’hui leurs discours ou leurs amendements. C’est cette tension que nous voudrions d’abord analyser, porteuse d’implications philosophiques et suggérant des limites juridiques.

L’éthique de détresse suggère une réflexion à portée morale dans des contextes extrêmes, c’est-à-dire exceptionnels, tragiques. Lorsque les conditions normales du jugement moral sont bouleversées. Lorsqu’aucun choix ne semble le bon. Lorsque nous sommes confrontés à des dilemmes que nous percevons insolubles. Lorsque le mal ne peut être évité, seulement minimisé ou hiérarchisé (7). Situation tragique, puisque chaque décision implique une forme de faute et suscite inévitablement un sentiment de culpabilité. La morale n’est plus une référence indiquant la direction du bien; il s’agit d’une morale du moindre mal, d’un mal devenu incontournable. Dans ces situations extrêmes, le législateur ne saurait donner sa caution. Si le droit s’aventure à légitimer le mal, il perd sa fonction normative et universelle. Ceux ou celles s’étant livré par compassion à des actes euthanasiques ont pour certains bénéficié de circonstances atténuantes que la justice ne doit pas transformer en règles nouvelles. Elle ne doit pas non plus légitimer un acte qui demeure immoral et vécu comme tel par son auteur. La clémence n’est ni absolution, ni légitimation. Face au mal inévitable, l’éthique de détresse met à nu la fragilité humaine. Ricœur invite à résister à la tentation de normaliser ce qui doit rester l’exception. Si le législateur peut comprendre le mal, il ne peut pas le cautionner.

La réflexion de Paul Ricœur trouve évidemment une résonnance profonde dans le débat sur la fin de vie, notamment en ce qui concerne l’aide active à mourir (euthanasie et suicide assisté (8)). L’éthique de détresse désigne une situation où la décision morale ne se joue pas entre un bien et un mal clairement identifiés, mais entre deux maux. Ces cas-limites — soins palliatifs impuissants, souffrances incurables, volonté persistante de mourir — confrontent le soignant comme le souffrant à une tragédie du choix, où l’acte juste est celui qui cause le moins de tort, sans jamais annuler le mal. L’éthique de détresse ricœurienne est une éthique de la tension, c’est une éthique du tragique.

 

Dans les interstices de la morale

C’est dans ces interstices de la morale, si l’on peut dire, que surgissent des demandes d’euthanasie ou de suicide assisté. L’éthique tente alors de répondre à la souffrance. Le droit est sollicité pour encadrer ou autoriser des pratiques jusqu’ici interdites. La mise en garde que Ricœur adresse au législateur a peut-être inspiré celle du doyen Jean Carbonnier, citée par le Conseil d’État lorsqu’il a été saisi par le gouvernement, le 15 mars 2024, du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades en fin de vie:

«Ne légiférer qu’en tremblant, préférer toujours la solution qui exige moins de droit et laisser le plus aux mœurs et à la morale».

Référence implicite à la prudence et à l’humanisme de la loi Claeys-Leonetti (mars 2015) qui, au fond, supposait chez les soignants «une certaine simplicité d’esprit et de cœur» (Jankélévitch, La Mort). Et respectait leur liberté de conscience (10). Jean Carbonnier saisit parfaitement l’épreuve du tragique qui menace le législateur, qu’il invite à l’humilité et à la retenue, et l’exprime en termes explicites (11). L’éthique de détresse implique des choix sans gloire, et peut-être sans rédemption. Mais le législateur peut-il les normaliser – voire les ériger en principes – sans perdre l’essence du droit qui est la visée du juste, trahissant le caractère tragique et précaire de la condition humaine ? L’éthique de la détresse chez Ricœur n’abolit pas les repères moraux, mais en suspend l’applicabilité. Les décisions qu’elle inspire, toujours douloureuses et exceptionnelles, tragiques, n’ont aucune vocation à être juridiquement légitimées. Transformer ces décisions en normes, c’est tenter de légitimer ce qui relève de la transgression et ouvrir la porte au pire: justifier ce qui ne devrait jamais l’être.

 

La sagesse du tragique ?

Le tragique, en philosophie comme en littérature, est bien plus qu’un malheur. C’est l’épreuve terrible que font les hommes lorsqu’ils affrontent ce qui les dépasse. Lorsque nos vies se déchirent dans la tension entre ce que nous sommes (notre liberté, notre conscience, notre dignité) et ces limites infranchissables redoutées, impensables et irrévocables telles que la douleur, mais surtout la finitude, la perte, le deuil irrémédiables. C’est pourtant ce tragique qui habite et fonde une part de notre humanité, qui met à l’épreuve notre vulnérabilité. «L’ambiguïté du discours pour l’euthanasie est de faire croire que l’existence pourrait se passer du tragique», écrit le philosophe Jacques Ricot (12). Tout comme Ricœur, très proche de sa pensée, il ouvre une réflexion philosophique sur notre condition humaine. Sur le rôle de la souffrance, sur le sens de la vie face à la mort. Il est vrai que vouloir choisir ou maîtriser la mort c’est, d’une certaine manière, tenter d’adoucir son caractère inéluctable. Vouloir en faire un moment sans trouble et sans violence, un passage maîtrisé. Ce qui est humain et peut-être légitime. Mais le discours en faveur de l’euthanasie semble sous-entendre que grâce à la technique et à la législation, l’homme pourrait reprendre le contrôle de sa mort en en faisant l’enjeu d’un choix rationnel et planifiable, que supprimer l’épreuve de la tragédie au lieu de la traverser est à portée de main. Loin d’être une fatalité, la mort devient sous la plume du législateur un événement programmable à l’issue d’une vie qui par contre coup n’a de valeur que relative.

«Rupture anthropologique» ? On peut en douter. Pour Lévi-Strauss, ce concept n’existe pas. Ce sont à ses yeux les évolutions d’une société qui sont à l’origine de ces phénomènes. Or la mort n’est-elle pas aujourd’hui examinée (et non pensée) au filtre du relativisme, du nihilisme, du consumérisme et de l’individualisme (13) qui rongent notre époque et la précipitent sur «le chemin de la régression» ? Peut-on alors s’étonner que la mort soit désormais assimilée à un soin, et qu’un amendement déclarant «décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir» soit finalement adopté en commission ? 
Ricœur nous a appris à distinguer l’«agir éthique» de la simple application des normes. Il a toujours proposé une sagesse pratique fondée sur la capacité à interpréter avec humilité, humanité, les situations tragiques. Il nous a aussi appris à chercher la juste mesure entre la règle et la singularité du vécu. Lévinas nous a invités à ne pas fuir le visage souffrant de l’autre, mais à y répondre en responsabilité par une éthique de la présence, dans une relation de compassion et de sollicitude.

Enseignements totalement oubliés, presque désuets, occultés par certains législateurs qui se font les interprètes-miroirs d’un monde qui valorise l’efficacité, la performance et rêve d’éliminer la souffrance plutôt que d’y répondre. Et entre liberté et illusion de maîtrise, ils nous précipitent dans un imaginaire malsain en nous autorisant à mourir comme on veut. Alors que la question est de savoir comment accompagner l’autre dans son épreuve tragique sans fuir notre propre humanité. À la lecture de Ricœur, de Ricot, qu’est alors pour nous la sagesse du tragique ? Ce n’est pas se résigner au mal. C’est accepter que toute vie humaine a sa part d’inachèvement, d’incertitudes, de souffrances. C’est là que naît le courage du soin, de la solidarité, de la vraie compassion et de la spiritualité. La sagesse du tragique, c’est ne pas confondre liberté et pouvoir sur la vie. C’est ne pas confondre dignité et contrôle absolu. La sagesse du tragique n’est ni résignation, ni toute-puissance (14).

 

Un regard protestant. Une éthique de la grâce face à la fin de vie

La modestie éthique

Rappelons la citation de Bonhoeffer:

«Nous ne pouvons agir de manière responsable et historique que dans l’ignorance dernière de notre bien et de notre mal, à savoir dans la dépendance de la grâce».

Citer Bonhoeffer dans un guide protestant de réflexion à propos de la fin de vie (15) nous invite à l’humilité de la méditation. Extrait d’un contexte de résistance à l’inhumain, ce jugement prend aujourd’hui une résonance particulière parce qu’elle nous confronte à cette vérité cruelle: notre prétention à juger du bien et du mal est toujours incomplète. Et c’est de la reconnaissance de cette ignorance que naît la responsabilité. Les débats sur la fin de vie sont très souvent étayés par des positions morales tranchées, entre respect absolu de la vie et droit à mourir dans la dignité. Nous inviter à relire le théologien, c’est nous rappeler que toute décision humaine, surtout lorsqu’elle touche à la vie et à la mort, se fait dans l’incertitude. Et c’est dans cette incertitude, cette «ignorance dernière» que le législateur de Ricœur «ne saurait donner sa caution». Bonhoeffer ne nous invite pas au relativisme, mais à une lucidité tragique. Dans les grandes décisions de la vie, il n’y a pas toujours de solution rationnelle, de bien moral assuré. «Entre le mal et le pire», nous ne pouvons tout maîtriser. En dernière instance, nous devons nous en remettre à quelque chose de plus grand: la grâce. Ce n’est pas une dérobade, ni un refuge commode. Elle est appel à l’humilité. Elle ne justifie pas nos choix. Elle nous accompagne dans l’angoisse d’avoir à choisir sans certitude. Cette «ignorance dernière», là où notre responsabilité prend racine, est l’insurmontable limite de notre savoir moral.

Face à une personne en fin de vie, dont les souffrances sont irréversibles, le dilemme des soignants et des proches est évident. Il exige un «agir éthique» véritable. Et cet agir ne peut trouver sens que dans l’ouverture à la grâce, et non dans des dogmes figés. «On agit souvent sans garantie», dit un soignant en soins palliatifs; «Vous agissez sous la dépendance de la grâce», aurions-nous pu répondre, ignorant ses convictions. Mais nous l’avons pensé. Il ne fuyait pas dans les principes mais assumait le réel, avec ses contradictions. Il connaissait la complexité des situations cliniques, la douleur des familles et les limites de la médecine. Il refusait implicitement l’arrogance morale et, sans vraiment le savoir ou l’exprimer, il servait une éthique de la compassion et du discernement. Une modestie éthique, avec sa terrible part d’incertitude, d’irréductible incertitude, que ne renieraient ni Ricœur ni Bonhoeffer, ignorés certainement de cet homme, mais si profondément et laconiquement commentés sans avoir été lus ! «On agit souvent sans garantie.» L’éthique du discernement sans certitude plutôt que la règle.

 

Agir historiquement

Lorsque Bonhoeffer parle, dans le contexte de l’Allemagne nazie, de responsabilité historique, il sait que les choix éthiques ne peuvent pas se régler sur une morale ordinaire (16). Cet agir historiquement relève à nos yeux de l’éthique de la détresse. C’est précisément cela: agir dans une situation irréductible à des principes, dans un contexte marqué par l’ambivalence et le tragique. Cette citation de Bonhoeffer nous appelle à porter un regard distancié sur cette prétention du législateur. Il est vain de construire des lois en la matière, encore moins de faire semblant de tracer d’illusoires cadres moraux qui les justifieraient. Si la loi prétend encadrer – et ses éventuelles évolutions ne laissent pas de nous effrayer – elle ne peut prétendre à résoudre la part tragique de notre humanité. Agir historiquement, c’est agir dans l’Histoire mais aussi pour l’Histoire. Parce qu’aujourd’hui le Droit connaît l’épreuve du tragique et, si de nombreux juristes en sont conscients (17), nombre de députés semblent ne pas mesurer leurs responsabilités, peu habités par ce que nous nommons une éthique du tragique. Au bord de la mort, la vie incarne ce tragique dans toute son intensité. Dans les situations singulières, les décisions humaines sont imparfaites. Le rôle du droit n’est pas de légiférer sur l’éthique, mais de protéger les conditions d’un discernement libre et partagé, dans l’acceptation humble et lucide de notre ignorance. Mais il est vrai, et bien douloureux, de constater que le législateur semble plus préoccupé par les personnes qui veulent mourir que par celles qui vont mourir (18) !

Pour à la fois conclure et prolonger la réflexion, nous ferons une double référence à deux ouvrages de Marguerite Yourcenar, les Mémoires d’Hadrien et l’Œuvre au Noir. Après avoir renoncé à la tentation du suicide, Hadrien constate: «Ma mort me semblait la plus personnelle de mes décisions, mon suprême réduit d’homme libre; je me trompais». Et déclare, sur le ton de la méditation:

«Il me paraît que l’existence n’a plus rien à m’offrir: je ne suis pas sûr de n’avoir plus rien à en apprendre. Je ne refuse plus cette agonie faite pour moi. L’heure de l’impatience est passée… J’ai renoncé à brusquer la mort».

Enfin, comme un écho étrange à la pensée paulinienne, cette déclaration de Zénon dans l’Œuvre au Noir: «Un jour, Dieu effacera du cœur des hommes toutes les lois qui ne sont pas d’amour». La loi sur la fin de vie est-elle une loi d’amour ?

 

Illustration: buste de l’empereur Hadrien (photo Livioandronico2013, CC BY-SA 4.0).

(1) Cette citation de Paul Ricœur est aujourd’hui très souvent reprise par ceux qui s’opposent à la loi mais hors de son contexte, ce qui cependant n’affaiblit pas son sens. Même si Ricoeur dit: «Les frontières du bien sont incertaines». La voici intégralement: «Et, s’il est vrai qu’en certains cas extrêmes, qui rendent le suicide respectable, l’acte de se donner la mort devient celui qui fait coïncider, une seule fois, la vie et la mort, l’acte de vivre et l’acte de mourir – et s’il faut avouer que les pratiques clandestines d’euthanasie actives sont inéradicables et si l’éthique de détresse est confrontée à des situations où le choix n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le mal et le pire — même alors le législateur ne saurait donner sa caution». (Paul Ricœur, Accompagner la vie jusqu’à la mort, Esprit 323 (mars-avril 2006), pp.312-316).  Voir l’amendement du 23 mai 2024, présenté par Dominique Potier. Ce texte a été écrit au cours de l’été 2000 pour une discussion organisée à Préfailles (44) pour le groupe œcuménique. Il est paru dans la revue protestante Amitié 4 (décembre 2000, Rencontre entre chrétiens. Sciences de la vie. Problème éthique), pp.30-34. Puis publié dans la revue Esprit.

(2) Dietrich Bonhoeffer, Éthique, Labor et Fides, 2019, p.219, (L’Histoire et le bien).

(3) Lire la note envoyée aux députés le 6 mai 2025 par la FPF (Proposition de loi 1364-A0 relative au droit à l’aide à mourir) et l’article dans Réforme sur une contribution du 14 mai 2025.

(4) Jean-Paul Sanfourche, Le blanc, le noir et cinquante nuances de gris, Forum protestant, 16 mai 2025.

(5) Église protestante unie de France, À propos de la fin de la vie humaine, 12 mai 2013. Rappelons tout de même trois éléments importants. Tout d’abord le texte de la Commission d’éthique protestante évangélique du 29 mars 2023: «Nous demeurons donc opposés à toute inscription de l’euthanasie ou du suicide assisté dans la loi sous forme de dépénalisation ou de légalisation. Ce non à une extension de la loi actuelle (C’est nous qui soulignons) nous appelle, nous chrétiens et communautés chrétiennes, avec toute personne de bonne volonté, à un oui encore plus exigeant: celui d’accompagner les personnes, familles, aidants et soignants en souffrance» (Choisir de mettre fin à sa vie avec le secours de la médecine et l’aval de la loi ?). Seconde information dont il faut aussi tenir compte: «Lors de l’assemblée générale de la Fédération protestante de France, fin janvier à Sète, lorsque furent projetés les résultats du sondage sur la réalité du protestantisme en France, il y eut comme un malaise quand apparurent les chiffres sur les questions que l’on dit ‘de société’. Tout particulièrement sur le « légalisation de l’aide active à mourir » qui a recueilli les avis favorables de 67% des protestants. Le peuple protestant ne se reconnaît manifestement pas dans les démarches et prises de position de ses institutions. Mais il ne s’agit pas d’une spécificité protestante. La hiérarchie catholique, qui s’exprime de façon beaucoup plus répétitive, tranchée, radicale contre toute atteinte à la vie, de la naissance à la mort, est désavouée par le peuple catholique» (Christian Apothéloz, Qui doit décider de la fin de vie ?, Réforme, 14 mars 2025). Enfin la position ouverte de l’ancien président de la FPF, François Clavairoly: «La proposition de loi sur « l’aide à mourir » s’inscrit dans un long et sérieux cheminement éthique et juridique et dont le pays peut être fier»  (François Clavairoly «vers une position plus ouverte» sur l’aide à mourir, Réforme, 19 mai 2025).

(6) Curieusement, la citation n’est pas complète dans ce Guide de Réflexion, à moins que l’édition de référence de 1997 soit incomplète (nous n’avons pu contrôler). Celle de 2019, la nôtre, semble plus complète (p.179): «Lorsqu’un malade incurable constate que son état et les soins qu’il requiert entraînent la ruine matérielle et psychique de sa famille et qu’il délivre celle-ci par sa libre décision, on ne pourra le condamner, malgré une certaine hésitation devant un acte aussi délibéré». Ce même guide cite (note 9) également Karl Barth: «La vie n’est pas le souverain bien (…). Ne convient-il pas d’envisager que se tuer n’est pas forcément un crime, mais qu’il s’agit d’une action qui peut être accomplie dans la foi et dans la paix avec Dieu ?» (Dogmatique, n°16, Troisième volume, tome quatrième, Labor et Fides, 1965, p.95).

(7) Les soignants, par exemple, vivent parfois ces situations – ils parlent alors de «médecine de guerre» – lorsqu’ils doivent faire un choix entre des malades ou des blessés et décider de ceux à soigner en priorité. Ce tri, douloureux, n’obéit à aucune morale.

(8) Rappelons-le: l’euthanasie est l’acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci. Le suicide assisté est l’acte par lequel la personne se donne la mort à l’aide de moyens fournis par un tiers. L’euthanasie comme le suicide assisté est l’acceptation d’un tiers d’entrer dans le désir de mort de l’autre et de l’accomplir.

(9) Avis sur un projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, Conseil d’État, 10 avril 2024.

(10) Cette liberté de conscience remise partiellement en cause par le projet de loi: «Certes, en l’état du texte, les médecins ne seraient pas forcés de pratiquer l’euthanasie, l’objection de conscience leur étant garantie (aux termes de l’article 14, qui oblige néanmoins le médecin objecteur à orienter le patient vers un médecin pratiquant l’euthanasie). Néanmoins, cette clause de conscience est déniée aux pharmaciens. Concrètement, un pharmacien serait forcé de préparer la substance létale pour un patient. Applaudis il y a peu pour leur dévouement, certains professionnels de santé seront donc privés d’une liberté essentielle dans un État de droit : la liberté de conscience» («La loi sur l’aide à mourir fera de la mort une thérapie parmi d’autres» : 575 juristes alertent sur les risques de dérive, Le Figaro, 21 mai 2025).

(11) À ce propos, relisons Montaigne: «Or les loix se maintiennent en crédit, non par ce qu’elles sont justes, mais par ce qu’elles sont loix. C’est le fondement mystique de leur authorité; elles n’en ont poinct d’autre. Qui bien leur sert. Elles sont souvent faictes par des sots, plus souvent par des gens qui, en haine d’équalité, ont faute d’équité, mais toujours par des hommes, autheurs vains et irrésolus.
 Il n’est rien si lourdement et largement fautier que les loix, ny si ordinairement. Quiconque leur obeyt parce qu’elles sont justes, ne leur obeyt pas justement par où il doibt» (Montaigne, Essais, Livre III, chapitre 13).

(12) Jacques Ricot, Penser la fin de vie, Actu Philosophia, 23 mars 2018.

(13) Rappelons l’aphorisme de Lucien Sève: «La libre volonté du sujet ne crée d’obligation éthique pour la collectivité que sous la condition d’être universalisable». Cité par Thomas de Koninck dans Questions ultimes (Vivre la mort, L’Agora, 15 septembre 2020).

(14) À nos yeux, les soins palliatifs sont la seule réponse profondément humaine. Ils ne prolongent pas la vie à tout prix, ils ne l’interrompent pas brutalement. Ils l’accompagnent dans le respect du mourant. L’écoute et la présence prennent le pas sur la technique, présente mais maîtrisée. Ils incarnent une philosophie du soin aux antipodes de l’actuel projet de loi. Non la mort choisie, mais la vie partagée jusqu’au dernier souffle. Lire Claire Fourcade, Jacques Ricot, L’euthanasie contredit le soin palliatif, Études 4297 (octobre 2022).

(15) Voir notes 2 et 5.

(16) Bonhoeffer parle surtout d’éthique et rarement de morale.

(17) «La loi sur l’aide à mourir fera de la mort une thérapie parmi d’autres», art.cit.

(18) Lire (article mentionné par la sélection du Forum protestant du samedi 17 mai) Yves-Marie Doublet, Suicide assisté, euthanasie: le choix de la rupture et l’illusion du progrès, Fondapol, mars 2024.

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