Pour des villes à hauteur d’enfant
À l’occasion de la traduction en français de La Ville des enfants. Pour une [r]évolution urbaine de Francesco Tonucci, Clément Rivière revient sur cette utopie urbanistique née dans la commune italienne de Fano au début des années 1990. Car si l’expérience a depuis fait des émules, c’est en partie grâce à l’ouvrage de ce pédagogue italien, paru en 1996, véritable manuel à destination des municipalités tentées par un tel projet.
En mai 1991, au cours d’une semaine consacrée à l’enfance intitulée ‘La ville des enfants’, la ville de Fano propose de repenser l’espace urbain par et pour les enfants. Lié au projet depuis son origine, «Francesco Tonucci, dont Fano est la ville natale, participe à l’événement en tant que conseiller. En plus de la tenue d’ateliers, conférences et autres expositions, un conseil municipal extraordinaire est organisé en présence de nombreux enfants, qui décide de la reconduite annuelle de l’initiative. Tonucci en devient le directeur scientifique et propose au maire de transformer l’événement en ‘projet permanent de transformation de la ville’». Un laboratoire chargé de mener à bien les aménagements est mis en place.
La visée de ce programme est de «restituer aux enfants de la ville la possibilité de sortir de chez eux tout seuls pour vivre avec leurs amis l’expérience fondamentale de l’exploration, de l’aventure et du jeu». Le pédagogue déplore en effet la perte d’autonomie des plus jeunes ainsi que le climat anxiogène qui règne désormais dans les zones urbaines. «Dans la préface à l’édition italienne, le philosophe turinois Norberto Bobbio (1909-2004)» abonde en ce sens: «Autrefois, il n’y a pas si longtemps, les enfants avaient peur de la forêt, où l’on rencontrait le loup et les méchantes sorcières, tandis qu’ils se sentaient protégés par la ville. Aujourd’hui les choses se sont inversées, parce que c’est la ville qui est devenue hostile».
Cette réappropriation des aires urbaines par les enfants passerait notamment par la diminution de la place accordée à l’automobile, cette «nouvelle patronne de la ville (…) qui engendre à la fois danger, pollution sonore, pollution de l’air, vibrations, occupation du sol public». Elle suppose aussi un renforcement du lien social à travers entre autres l’engagement des commerces désignés comme «des lieux de réassurance, où l’on peut entrer pour trouver de l’aide, demander son chemin ou encore aller aux toilettes».
Pour l’auteur de l’ouvrage, «abaisser la vision de l’administration à hauteur d’enfant» permettrait aussi de «bénéficier à l’ensemble [des] habitants» car «quiconque sera capable de tenir compte des besoins et des désirs des enfants n’aura aucune difficulté à tenir compte des nécessités des personnes âgées, des handicapés, des sans-abri».
(30 juin 2021)