PISA-Choc ou déni ? - Forum protestant

PISA-Choc ou déni ?

 

« Dans le refus de prendre cette question de front, on est bloqué dans une logique opposant faussement « pédagogues contre élitistes », persuadés qu’il faut choisir entre école de masse et école d’élite. Or ce que montre Pisa – et c’est révolutionnaire -, c’est que l’un et l’autre vont de pair : les pays qui ont beaucoup de bons élèves sont aussi ceux qui ont réussi à diminuer l’échec scolaire. Rénover le système ce n’est pas refuser la sélection mais la retarder. Le système finlandais souvent donné en exemple, est très sélectif ! Mais à partir de l’université … Pas dès le collège ou même l’école primaire. »

Tous les 3 ans, l’enquête PISA vient rappeler à la France qu’elle « reste la championne des inégalités et le pays où l’origine sociale joue le plus dans la réussite scolaire », mais à la différence d’autres pays où cette enquête a pu provoquer un « PISA-Choc », cela ne semble pas engendrer ici, après un petit temps de commentaires obligés et prévisibles, « une réelle prise de conscience dans l’opinion ». Pour Philippe Watrelot, cela tient d’abord à « une accoutumance aux inégalités » et surtout à la « permanence d’un « idéal » méritocratique » qui protège l’école de la contestation généralisée actuelle et justifie la position et les diplômes de ceux « qui ont la parole et l’accès aux médias ». Cela tient aussi selon Watrelot à ce qu’en France, « on se préoccupe plus de « Qui » parle (et d’« où ») que de ce qui est dit ». Et l’enquête PISA est organisée par l’OCDE, un organisme « considéré à tort ou à raison comme le bras armé du libéralisme ». Or le constat régulièrement délivré par l’enquête PISA n’est pas isolé et a déjà été fait par des interlocuteurs plus respectés par le monde enseignant comme Pierre Bourdieu ou l’ex-Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). Un PISA-Choc supposerait « de s’interroger sur la persistance d’une sélection précoce en France » puisqu’à la différence d’ici, « dans la quasi-totalité des pays concernés par l’enquête, les élèves de 15 ans sont tous au même endroit ». Au-delà de la fausse opposition « pédagogues contre élitistes », il s’agirait de retarder la sélection, ce qui est plus une question de pédagogie que de moyens. Mais ce ne sera possible que si l’École française est enfin « claire sur ce qu’elle veut » (il ne peut pas y avoir élitisme et réussite de tous, individualisme et « travail sur les conditions sociales ») et fonctionne selon un mode moins bureaucratique et vertical. Ce qui ne concerne pas que l’école …

(3 décembre 2019)