Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau
« Nous assistons également à une invasion des neurosciences dans de très nombreux domaines autres que médicaux : la justice, le marketing, l’éducation, les ressources humaines, la politique. Cet essor est étroitement lié à l’émergence des techniques comme l’IRM, que certains utilisent déjà pour décrire la pensée, les émotions, les motivations, avec au-delà la perspective de maîtriser les processus de prise de décision qui guident nos choix et nos actions. Ils vont parfois jusqu’à attribuer aux neurosciences le pouvoir de décrire l’être humain dans son individualité, sa subjectivité, ses actions, sa vie privée et sociale. Or dans la réalité, les connaissances actuelles ne permettent pas de caractériser un individu ou son comportement par la simple observation de son cerveau, loin de là. Une personne humaine n’est pas réductible à son cerveau. »
Après avoir résumé les avancées récentes des neurosciences grâce au « développement des techniques d’exploration du cerveau » comme l’IRM fonctionnelle, Catherine Vidal et Hervé Chneiweiss, deux neurobiologistes membres du Comité d’éthique de l’Inserm, font une revue de « l’invasion des neurosciences » en dehors du cadre médical : neuro-amélioration (comportement et performances cognitives), neuro-justice (utilisation de l’imagerie cérébrale dans les expertises, caractérisation des comportements à risques), neuro-politique (utilisation des singularités cérébrales supposées de telle ou telle population), neuro-marketing (études des mécanismes à l’œuvre dans la décision d’achat), neuro-éducation … Si ces pratiques et leurs dérives semblent en roue libre aux États-Unis, elles sont limitées en France par les interdictions d’utiliser les appareils d’IRM hors des établissements de soins et de recherche biomédicale et d’utiliser la stimulation cérébrale en dehors d’un protocole de soins. Mais pour combien de temps ? Selon ces spécialistes, « les Français ne sont pas assez informés sur les dérives possibles de l’utilisation de l’IRM », d’autant que « pour un public non averti, les images colorées du cerveau sont fascinantes et peuvent apparaître comme une preuve scientifique objective ».
3 juillet 2018