Les finalités de l’entreprise
« Lorsque le management et les directions prennent des décisions dans l’entreprise, ils utilisent toujours des grilles de lecture et des outils comptables qui orientent leur action. Avec les outils comptables orientés profit et rentabilité mais également marges et prix de revient, l’objectif systématique est de réduire les coûts et les charges. Dans cette logique comptable, l’entreprise comme « structure productive » n’existe pas. Il n’y a rien d’étonnant puisque toute la comptabilité repose sur le droit comptable de la société qui reflète le seul point de vue des détenteurs de capitaux. »
Interrogé par Jean Bastien à propos de son dernier livre Reconstruire l’entreprise pour émanciper le travail, le sociologue Daniel Bachet précise que, plus que le profit et la rentabilité qui « ne sont que des indicateurs à faible portée », ce sont « les biens et/ou les services produits et vendus en vue de répondre à des besoins qui représentent la véritable richesse des entreprises et plus largement d’un pays ». De même, l’entreprise n’étant ni « un objet de droit ni une personne » , les actionnaire ne possèdent pas l’entreprise (ni donc ses salariés) mais seulement « le véhicule juridique de l’entité économique, bien réelle qu’est l’entreprise ». D’où un regard critique sur les aménagements limités (car selon lui sans « contenu précis et impératif ») prévus par la loi PACTE qui continue à faire prévaloir l’intérêt « des seuls détenteurs de capitaux associé à une vision déformée de l’entreprise ». Pour Bachet, « une organisation plus équilibrée des pouvoirs ne pourra faire l’économie d’une nouvelle manière de voir l’entreprise et d’une refondation des outils comptables ». Car des « outils comptables orientés profit et rentabilité mais également marges et prix de revient » forcent à toujours « réduire les coûts et les charges ». Alors qu’« une autre manière de voir et de compter en vue de faire véritablement « exister » l’entreprise » mettrait au premier plan la valeur ajoutée qui « est à la fois le véritable revenu de l’entreprise et la source des revenus des ayants droit entre lesquels la valeur ajoutée est répartie ». Ce qui « permettrait de faire les liens entre les dimensions physiques et matérielles des produits et les facteurs économiques sociaux et environnementaux. Donc de sortir du productivisme, d’économiser les ressources et de les rendre renouvelables au sein de nouveaux modèles de développement. »
(18 janvier 2020)