Les deux tendances déplorables de la critique aujourd’hui
« Quand on regarde quelque chose, cette chose vous regarde en retour. Quand on lit vraiment un texte, ce texte vous lit également. Il voit en vous quelque chose qui était déjà là et que vous n’aviez pas encore remarqué. La relation qu’on peut avoir avec une œuvre d’art ou un poème est une relation d’amour. Comme dans l’amour, il faut être deux. Et la façon dont une œuvre nous aime est aussi importante que la façon dont on l’aime. Une grande lecture est une lecture à travers laquelle le livre nous lit au moment même où on le lit. »
« Il y a deux tendances tout à fait déplorables qui, à elles seules, font 99 % de la critique esthétique d’hier et d’aujourd’hui. La première, c’est la comparaison entre les œuvres. La deuxième, c’est la manie de la hiérarchie et du jugement », résume l’essayiste Pacôme Thiellement dans sa participation à l’ouvrage collectif Postcritique (sous la direction de Laurent de Sutter). La première tendance rendrait les critiques incapables d’apprécier ce qui est nouveau puisque « ce qui définit proprement le critique rapprocheur c’est la détestation profonde de ce qu’il ne connaît pas. C’est comme si ce qu’il ne connaissait pas ne devait pas exister ». La deuxième tendance fait croire faussement que tout peut être noté « selon les mêmes critères » et qu’il y a « une unité d’intention et une cohérence de réception entre différents usages d’une même matière d’expression ». Aux arguments défendant l’utilité du critique, Thiellement répond que « les deux seules manières de découvrir une œuvre sont : 1) le conseil d’ami ; 2) le hasard ». Le premier car il « s’épargne toute question d’objectivité ou d’universalité », le second car « la meilleure façon de lire un livre reste encore de ne rien en savoir et de l’ouvrir et de commencer … ».
25 avril 2019