Le mille-feuille des politiques publiques, ou le retour du vieux monde
« Tout ceci est conforme à ce qu’aurait pu prévoir l’analyse économique. La concurrence est bien imparfaite dans la restauration, comme dans la grande majorité des activités (…). Dans ces conditions, les prix incorporent une rente de situation. C’est ce que confirme la faible baisse des prix au bénéfice des consommateurs. La baisse de TVA a simplement permis d’accroître la rente, et celle-ci a été récupérée par ceux qui se la partageaient, en fonction de leur pouvoir de marché. Très peu donc pour les employés, un peu plus pour les fournisseurs, la plus grosse part est allée aux restaurateurs. »
En se basant sur une étude examinant l’impact de la baisse de la TVA sur les prix de la restauration en 2009, Charles Wyplosz détaille d’abord les objectifs annoncés de cette mesure qui a coûté dès la première année 3 milliards d’euros à l’État : « La promesse d’alors était de faire baisser les prix de la restauration (objectif : plaire au Français moyen friand de sorties culinaires), de stimuler l’emploi dans le secteur (objectif : faire baisser le taux de chômage) et d’y encourager les investissements (objectif : relancer la croissance après la crise financière) ». Un « contrat d’avenir » avait même été signé avec les organisations professionnelles du secteur qui avaient fait un certain nombre de promesses. Or, « d’après l’étude, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé » : la baisse des prix se limita à un timide 2 % (au lieu des 12 % promis) et il n’y eut pas d’augmentation de l’activité ni donc de l’emploi. En fait, « plus de la moitié a été accaparée par les restaurateurs eux-mêmes, dont les profits ont augmenté de 24 %. Le reste a été consacré à une modeste augmentation des salaires des employés, de l’ordre de 1 %, et à une hausse des prix perçus par les fournisseurs des restaurants, évaluée à 5 % » … Pour Wyplosz, le véritable résultat, symptomatique des politiques publiques, a été d’ajouter une nouvelle couche au « célèbre mille-feuille budgétaire » et de créer une nouvelle rente de situation.
10 septembre 2019