Le manager, corps intermédiaire ou acteur du dialogue professionnel ?
« Ce récit confirme que le dialogue professionnel permet d’embarquer les sujets qui hantent les conversations de façon lancinante : inutile d’avoir peur du dialogue professionnel car avec ou sans lui, ces sujets sont débattus autours de la machine à café. Le dialogue professionnel permet de leur donner un débouché performatif en les décrivant précisément (sans rester à la surface du travail) et en s’efforçant de leur trouver des solutions opérationnelles. »
« L’emprise bureaucratique, la puissance des technostructures anonymes et lointaines, la force des process informatisés et des régulations financières ont dévitalisé le travail et plongé bon nombre de salariés dans les tourments de la perte de sens. » Face à ce constat très partagé, Mathieu Detchessahar (professeur de management à l’Université de Nantes qui dirige l’ouvrage L’Entreprise délibérée ; Refonder le management par le dialogue) met l’accent sur le dialogue professionnel, « une approche de management prometteuse mais pourtant peu connue, qui elle, n’a jamais bénéficié des lumières qui inondent les modes managériales ». Martin Richer, qui rend compte de l’ouvrage, voit 6 raisons de s’intéresser à cette approche. La première, c’est que, pour revaloriser la « condition managériale » (6 salariés sur 10 ne souhaitent pas diriger) l’on propose ici un « management par la discussion » permettant de « refaire du travail un objet central du management ». La deuxième, ce sont les limites du modèle actuel de l’entreprise libérée qui insiste trop sur l’autonomie sans reconnaitre que l’entreprise doit d’abord être « le monde des dépendances assumées dans lequel chaque participant renonce à déterminer seul son action pour la définir de façon coopérative avec les autres ». La troisième est que l’on démontre « que ce n’est pas de l’excès de management dont les entreprises souffrent mais de son absence » puisque les managers sont « au chevet des machines de gestion » et pris par les « réunions d’information descendante ». La quatrième, c’est le rôle crucial donné aux managers de proximité et à la subsidiarité, évitant ainsi le « populisme d’entreprise » qui défait les corps intermédiaires au profit d’un utopique « rapport direct entre le leader libérateur et les salariés ». La cinquième est de profiter de l’expérience acquise dans les espaces de discussion sur le travail (EDT) qui permettent de décrire les problèmes et de trouver des solutions opérationnelles. Enfin la sixième raison (et non la moindre) de s’intéresser à l’entreprise délibérée, c’est que « le dialogue professionnel est bénéfique pour l’entreprise mais aussi pour la Société car il fabrique de la citoyenneté. La pratique du dialogue crée des compétences (écoute, synthèse, argumentation, recherche de compromis, …) précieuses en entreprises mais tout aussi cruciales pour préserver la vitalité de nos sociétés démocratiques fatiguées, attaquées par la vague populistes, la prolifération des infox et plus généralement la dégradation du débat public ».
17 juillet 2019