La ville numérique en chantier : fantasmes et réalités
« Ce qui me frappe depuis que je travaille sur cette question, c’est de voir à quel point il existe une incertitude généralisée. On entend souvent dire que les acteurs publics sont dépassés : il est vrai que le numérique entraîne des changements beaucoup plus rapides qu’auparavant, et de l’incertitude pour les pouvoirs publics. Mais c’est la même chose en face, chez les acteurs privés ! Eux aussi ont énormément de mal à se projeter, et à savoir si leurs offres et services vont fonctionner ou pas. »
« Une notion un peu fourre-tout » : c’est ainsi qu’Antoine Courmont (interrogé par Claire Richard) juge le terme de smart city qui veut synthétiser les efforts d’optimisation numérique du fonctionnement urbain. Pour dépasser les discours systématiquement positifs ou négatifs sur les « effets que la technologie va produire dans l’espace urbain », l’ouvrage collectif Gouverner la ville numérique a voulu « aller voir ce qui se passe concrètement sur le terrain ». Et a constaté « que les réalisations sont souvent assez éloignées des discours, qui sont souvent des discours de communication — et surtout que les effets peuvent être très variés ». Plutôt que le « pilotage de la ville par un grand tableau de bord qui regroupe toutes les données », c’est surtout « la mise en place, dans différents secteurs de l’action publique, de capteurs qui permettent de rendre le réseau urbain un peu plus efficace ». Plutôt qu’une « privatisation des services », on semble aller vers une « co-construction de ces marchés du numérique urbain » car les acteurs privés eux-mêmes « ont besoin d’un cadre règlementaire clair et stable pour pouvoir développer leur offre ». Le nouveau mode de représentation de la ville (un ensemble de traces individualisées plutôt qu’un système) modifie les pratiques des gestionnaires de réseau et de leurs utilisateurs comme le montre Waze avec la régulation des transports mais ne supprime pas la tension « insoluble » entre les « lignes d’instruction très formelles » de l’informatique et l’« informalité, le caractère substantiel de ce qui fait la ville, le territoire, l’humain… »
(30 janvier 2020)