La France de 2019: plus critique et plus altruiste
« Les différences de revenus, de diplôme, d’engagement dans la vie publique, d’intérêt pour la politique façonnent des préférences différentes en matière économique et sociale. Mais dans nombre de domaines, leur influence n’est pas plus forte aujourd’hui qu’il y a quarante ans, affirment les chercheurs. Néanmoins, l’orientation politique et les préférences partisanes figurent parmi les lignes de clivages clé subsistantes : « Tout se passe comme si l’identité politique tendait à encapsuler et organiser des appartenances multiples et parfois en tension. Il faut entendre ici l’identité politique au sens large » »
« Les valeurs, ce sont des croyances profondes, générales et durables » qui se distinguent « des opinions, plus volatiles et sensibles au contexte ». Analysant l’ouvrage La France des valeurs (qui étudie les résultats français de l’enquête décennale européenne European Values Study), Anne-Sophie Boutaud note, comme cela pouvait être attendu, « la progression du libéralisme des mœurs » qui « se retrouve dans tous les domaines de la vie : acceptation du divorce, de l’avortement, de l’homosexualité, du suicide, de l’euthanasie … Autonomisation, refus des contraintes, épanouissement personnel : chacun veut avoir son mot à dire ». Ce qui est moins attendu, c’est que cette « tolérance en matière morale va de pair avec une autre tendance majeure : la poussée de l’altruisme. Depuis 1990, les Français se disent de plus en plus concernés par les conditions de vie des personnes âgées, malades ou handicapées. Mais aussi des chômeurs et des immigrés ». Un altruisme qui semble se conjuguer avec « l’émergence d’une demande d’autorité » : « ne pas payer son billet dans le train ou l’autobus, demander des indemnités indues, accepter un pot-de-vin, tricher dans sa déclaration d’impôts : l’incivilité du quotidien comme les déviances en col blanc sont de moins en moins tolérées dans la société. Pour permettre l’expansion des libertés individuelles, les règles communes doivent être respectées. » Très critiques envers leur système politique, les Français ne remettent pourtant pas en question « le principe d’un gouvernement démocratique » et ce goût du paradoxe pourrait être le fruit de « l’élévation du niveau d’éducation » : « les individus ont développé des formes de sophistication cognitive qui leur permettent d’acclimater des valeurs à première vue opposées » …
25 avril 2019