La démocratie d’entreprise, une utopie à portée de main ?
« La plupart laissent les salariés déterminer leurs horaires, quand ce ne sont pas aussi leurs salaires. Dans plusieurs cas, il n’y a ni cadres, ni titres, ni rangs. Parfois, ce sont les salariés qui choisissent leurs chefs, la description de leur poste, qui inventent pratiquement leur activité. Certaines entreprises n’ont pas de département RH, ou pas de budget, voire même de service financier, et la plupart pas de procédure de planification à long terme » (Getz, 2017, p. 34). Voilà qui ressemble typiquement à une démocratie d’entreprise (…). Sauf que le pivot d’un tel système, selon Getz, c’est un certain style de direction qu’il nomme le « leadership libérateur ». Ayant étudié une centaine d’entreprises américaines et européennes fonctionnant selon ce schéma, il a ainsi découvert qu’une entreprise ne peut être « libérée » que par son dirigeant. « Le leader doit toujours être au centre, car c’est d’abord à lui de se transformer, d’obtenir le mandat et de mener la libération. »
Pour Thibault Le Texier, qui se livre ici à un tour d’horizon des réflexions actuelles sur le travail et l’entreprise, la loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) actuellement en discussion au Parlement « va dans le bon sens » mais « pas assez loin. Car non seulement l’État dispose de peu de leviers pour transformer le fonctionnement interne des entreprises, mais le gouvernement ne semble pas vouloir agir sur les facteurs macroéconomiques qui détériorent actuellement les conditions de travail en France. » Accent mis sur la valorisation financière, le court-terme, pouvoir démesuré donné aux logiciels de gestion, sous-traitance, fragmentation des tâches, individualisation des statuts … les tendances récentes semblent avoir abouti à une « bipolarisation des marchés du travail » avec d’un côté des emplois « peu qualifiés, mal rémunérés » et de l’autre des « emplois très qualifiés, très demandés et bien rémunérés ». Ceci dans un pays où, à cause d’une bien ancrée perception patrimoniale de l’entreprise, existe « un antagonisme de fond entre des salariés peu investis dans leur entreprise et un patronat arc-bouté sur son droit de propriété – le tout sous l’arbitrage de l’État, jugé seul dépositaire de l’intérêt public ». Face à cette situation peu encourageante, les réflexions actuelles sur le travail se focalisent soit sur sa durée, soit sur le concept encore flou d’entreprise libérée ou de démocratie d’entreprise. Or, « démocratiser une organisation coûte cher et prend du temps » tout en nécessitant une réflexion générale sur les comportements, l’éducation et l’économie …
8 mars 2019