La climatisation : un dilemme entre confort et survie
« Ces deux visions, foi dans l’innovation à venir ou repli sur des pratiques low tech déjà disponibles, peuvent s’avérer antagonistes, comme nous l’expliquait en mai dernier Philippe Bihouix, (…). « On a tendance à enrichir la complexité du monde aujourd’hui, alors que plus on va vers le simple, plus c’est résilient et efficace », assure-t-il, avant de déplorer que nous glorifiions en permanence les innovations technologiques, tout en délaissant les innovations économiques, politiques, sociales ou culturelles. Revenir à la bouteille consignée est peut-être moins prestigieux que d’inventer de nouveaux plastiques recyclables ou des technologies pour le transformer en énergie, mais sans doute plus efficace et rapidement applicable … »
Les trois effets pervers des climatiseurs sont, selon Vincent Lucchese, qu’ils « consomment énormément d’énergie » (10 % de la consommation mondiale d’électricité d’après un rapport AIE), qu’ils émettent en plus « directement des gaz à effet de serre » (les fluides réfrigérants qui fuient régulièrement) qui « ont un potentiel réchauffant 1 000 à 9 000 fois supérieur au CO2 », enfin que « mécaniquement, refroidir l’air quelque part, c’est le réchauffer ailleurs » (+2° à Tokyo où ils sont très nombreux). Et le réchauffement planétaire en cours ne semble pas devoir améliorer les choses : le parc « pourrait d’ici 2050 passer de 1,6 milliard à 5,6 milliards de climatiseurs installés dans le monde ». Face à cette « fuite en avant », il y a deux types de réponse qui suivent le clivage « entre le maintien d’un confort qui serait non négociable et le plaidoyer pour un nécessaire effort d’adaptation ». D’un côté, il s’agirait d’améliorer les climatiseurs pour limiter « leur impact sur le climat sans brider les désirs d’intérieur maintenus à 23°C en pleine canicule ». De l’autre, on met en avant « des solutions simples et connues » qui « permettent déjà de faire face à la canicule ». La France, où l’équipement reste faible (moins de 5 % des particuliers contre plus de 90 % aux États-Unis et au Japon), pourrait peut-être montrer l’exemple en choisissant cette deuxième réponse tout en réservant les climatiseurs aux endroits où « leur utilité est indiscutable » (hôpitaux, maisons de retraite …).
23 juillet 2019