«La cause des pauvres» - Forum protestant

«La cause des pauvres»

 

«Ce glissement d’une vision structurelle de la pauvreté comme produit des inégalités à une vision morale, individualisante, s’accompagne d’une mise sous pression des pauvres en contrepartie de prestations bien trop maigres. (…) En définitive, la lutte contre la pauvreté n’a pas complété les institutions du salariat ; elle s’y est en partie substituée (notamment pour le salariat populaire, victime de la précarité accrue).»

À l’origine du livre La cause des pauvres en France, un «paradoxe»: «entre la fin des années 1980 et celle des années 1990, plusieurs grandes lois sociales se sont données pour objectif de combattre la pauvreté (le RMI, devenu RMA puis RSA aujourd’hui, la CMU, etc.) et cela s’est produit alors même que le droit des salariés était détricoté. La cause des pauvres en France n’a pas fait bon ménage avec la cause des salariés». Pour Frédéric Viguier (interrogé par Jean Bastien), ces grandes avancées dans la lutte contre la pauvreté sont certes «d’immenses progrès pour les personnes concernées» («C’est en raison de ces «amortisseurs sociaux», comme disent les économistes, que la France a un des taux de pauvreté les plus bas parmi les pays développés et que la pauvreté n’augmente pas aussi fortement qu’ailleurs en période de crise économique») mais «il ne faut pas en rester à ce satisfecit». D’abord parce que «le montant du revenu minimum est très insuffisant et le droit au logement n’est pas effectif». Ensuite parce que «ces lois ont eu des effets pervers et se sont en partie retournées contre les pauvres. L’insistance sur le caractère moral de la lutte contre la pauvreté et, notamment, sur le droit moral à l’insertion pour les pauvres et le devoir moral d’insérer les pauvres pour la société a abouti à un contrôle des pauvres, constamment sommés de s’insérer, d’acquérir des compétences, alors même que la file d’attente du chômage est très longue».

(30 août 2020)