«Il faut sortir de l’idée que la pauvreté est une punition» - Forum protestant

«Il faut sortir de l’idée que la pauvreté est une punition»

 

« Or c’est extrêmement prétentieux et hautain de penser que la façon dont on gère son argent lorsqu’on en a en quantité suffisante est la même que la façon de le gérer quand on est en situation de misère. Dans d’autres pays ou d’autres cultures, il y a d’autres façons de faire que les nôtres et elles n’ont pas forcément moins de valeur : sur ce point, on a plus ou moins dépassé une forme d’ethnocentrisme culturel. Mais ce n’est pas le cas en matière économique ! On pense que tout le monde devrait épargner comme les classes moyennes et se comporter comme elles. »

C’est en partant du « réflexe inavouable mais répandu » du doute sur la misère réelle de qui nous demande de l’argent que Denis Colombi (interrogé par Pablo Maillé sur son livre Où va l’argent des pauvres ?) examine nos perceptions de la pauvreté et propose quelques pistes pour la réduire. Pour Colombi, nous pensons « que tout le monde devrait pouvoir agir de la même façon » que nous en matière de consommation et surtout d’épargne. Or, « quand on prend la peine de se pencher sur le sujet », on voit « que lorsqu’on a peu d’argent, on ne peut pas le gérer de la même façon que lorsqu’on en a suffisamment. Les stratégies et les modes de gestion sont totalement différents. » Les comportements jugés irrationnels, par exemple les fameuses « émeutes du Nutella », sont au contraire « complètement » rationnels puisque lorsqu’il y a « une promotion importante sur le Nutella, on doit pouvoir essayer d’en acheter, de le stocker, en se disant qu’on pourra pendant quelque temps donner cela à son enfant et économiser sur d’autres dépenses. Économiquement, c’est tout à fait bien pensé ». Colombi s’attaque aussi à « à l’idée que les pauvres auraient certaines valeurs, certaines normes culturelles qui leur sont propres et qui expliqueraient leur pauvreté » (« Ils aiment les bagnoles, ils sont sexistes, ils sont homophobes… ») alors que « C’est d’abord la situation de pauvreté qui explique cet attachement culturel. Selon moi, la « culture de la pauvreté », c’est donc la culture qui naît de la pauvreté, pas la culture qui explique la pauvreté. » Du côté des solutions, Colombi pense que le revenu universel n’est pas « la solution miracle à appliquer absolument » mais qu’il a le grand avantage de s’adresser à tous, ce qui est généralement plus efficace car « on est collectivement plus soucieux d’élever le niveau d’aide lorsqu’il nous concerne tous plutôt que lorsqu’il ne concerne qu’une partie de la population ». Et que « pour combattre la pauvreté, il faut sortir de l’idée que c’est une punition, qu’il y a des cas où elle serait « justifiée ». Si on veut vraiment lutter contre, il faut qu’on arrive à se convaincre que la pauvreté ne doit concerner personne. C’est à ce prix-là qu’on pourra en sortir. »

(18 février 2020)