Du labeur industriel à l’ouvrage artisanal: quel nouveau régime de travail ?
« Se défiant d’une tendance libérale qui imagine trop facilement que chacun puisse devenir l’entrepreneur de soi-même, l’auteure ne fait pas de l’indépendance ou de la condition d’artisan, l’horizon du contrat d’ouvrage. Au contraire ! Ce n’est pas tant le statut qui l’intéresse que le régime de travail induit par la notion d’artisanat. Que recouvre-t-elle vraiment ? »
« Le XXe siècle a donné naissance à l’économie de masse : la production de masse, les médias de masse, l’école de masse. Et l’emploi salarié s’est imposé comme un pilier de cette économie. Grâce au salariat, chaque emploi est devenu un agrégat de plusieurs composantes : un revenu présent (le salaire) ; un revenu futur (la pension de retraite) ; une protection contre les risques critiques, comme les accidents du travail ou la maladie ; un statut social ; la possibilité de prouver sa solvabilité pour emprunter de l’argent et acheter son logement ». Or, pour Laetitia Vitaud ans son livre Du labeur à l’ouvrage dont rend compte Denis Maillard, « ce modèle du « labeur » est désormais en crise en raison d’un double phénomène a priori contradictoire : d’une part la désindustrialisation liée à la libéralisation des échanges et la mondialisation, mais d’autre part aussi, la « surindustrialisation » des services à qui l’on a imposé une suite d’externalisation associée à une division scientifique du travail dans le but d’accroître les gains de productivité ». Pour Vitaud, « un autre régime de travail est possible », celui du « contrat d’ouvrage » : en s’inspirant de l’artisanat et des « services de proximité », elle défend « un « régime de travail » fondé sur quatre qualités professionnelles dessinant ensuite le modèle du contrat d’ouvrage : responsabilité, utilité, finalité et altérité », quatre qualités « propres à l’artisanat » et qui étendent son domaine grâce à la révolution numérique. Mais « rien ne bougera sans une transformation profonde de l’intervention de l’État dans ce domaine » et « sans un nouveau rapport de force social dans ce régime de travail ».
(8 mars 2020)