Des métamorphoses de nos démocraties
« Il faut à cet égard souligner ce qui constitue l’une des nouveautés des populismes contemporains par rapport à la plupart de ceux du passé. Ces derniers rejetaient la démocratie et souhaitaient instaurer des régimes autoritaires voire des dictatures. Ceux d’aujourd’hui se présentent comme les meilleurs défenseurs de la démocratie en usant d’un argument qui a un impact considérable : « nous, nous n’avons pas peur du peuple ». La preuve, ajoutent-ils, nous souhaitons le consulter sur tout et en permanence. Toutefois, leur démocratie est fondée sur le dénigrement et même le refus de la représentation. Aussi, la tâche fondamentale des démocraties consiste à démontrer leur capacité de se rénover, en mettant au point des modalités et des pratiques de démocratie délibérative et participative complémentaires aux formes de la représentation qui conserveraient leur prééminence. Sinon, le spectre de la démocrature nous hantera de plus en plus. »
Pour Marc Lazar (directeur du Centre d’histoire de Sciences Po qui vient de publier avec Ilvo Diamanti Peuplecratie. Les métamorphoses de nos démocraties), interrogé par Laurent Chamontin, ce n’est pas le populisme qui est nouveau, c’est le fait que, contrairement aux vagues précédentes, il dure, il s’étend et il touche « différents pays, quels que soient leur situation économique et sociale, leur système politique, leurs institutions, leurs modes de scrutin ou encore leur histoire ». Un populisme qui est selon lui « avant tout un style. Un style politique qui peut se combiner avec des partis et des cultures politiques traditionnelles ou un style politique qui peut exister à l’état pur » comme ce serait le cas actuellement où les mouvements populistes, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, « sont en train d’éroder les fondements de nos démocraties libérales et représentatives, voire de les bouleverser » en affaiblissant les contre-pouvoirs, médiations et corps intermédiaires au profit d’une « démocratie immédiate » qui serait « régie par la temporalité de l’urgence puisque justement il n’y a point de questions complexes ». C’est la conjonction de cette nouvelle et durable vague populiste avec la démocratie du public apparue dans les années 1970 (conjuguant elle le « déclin des partis », « la personnalisation, la présidentialisation et la médiatisation de la vie politique ») qui marque la période actuelle que Lazar et Ilvio baptisent peuplecratie.
28 avril 2019