Le fascisme va passer
Pour Frédéric de Coninck, même «en cas de majorité simplement relative du RN à l’Assemblée», les autres partis ne parviendront pas à s’unir contre lui et «il y aura donc une cohabitation avec un premier ministre issu du Rassemblement National». Il faut donc «se préparer à un long, un très long hiver», car «ce que l’on voit dans les autres pays d’Europe qui ont porté à leur tête des leaders nationalistes et autoritaires est que la déception vient, mais lentement».
Texte publié sur Tendances, Espérance.
Mon âge (même si je suis trop jeune pour avoir vraiment participé aux manifestations étudiantes des années 60) m’a donné l’occasion d’entendre le slogan, répété à tout propos: «Le fascisme ne passera pas». Il y avait souvent, là dedans, beaucoup d’inflation verbale et certains voyaient, à tort, le fascisme à tous les coins de rue.
Mais cette fois-ci, je sors du registre habituel de ce blog et je me risque à une prévision: «Le fascisme va passer». Bon, tout n’est pas comparable entre les mouvements d’extrême droite européens (et français en particulier) et le fascisme italien de naguère. Mais il y a quand même beaucoup de similitudes.
Le coup désespéré d’Emmanuel Macron
D’un certain côté, je comprends la décision d’Emmanuel Macron, qui voyait son action paralysée par son manque de majorité parlementaire. Il ne s’imaginait pas terminer son mandat à coups de 49.3 répétés. Il me fait penser à un joueur d’échecs qui, acculé, tente un coup désespéré en comptant sur la surprise de son adversaire pour le déstabiliser.
Oui, Emmanuel Macron était acculé. Mais une fois que j’ai dit cela, j’ajoute qu’il se berce d’illusions s’il pense provoquer un électrochoc et réveiller son électorat endormi. Il compte, apparemment, sur les divisons de ses adversaires, à gauche et à droite, mais il ne voit pas que son propre électorat est parti en lambeaux. Une partie sans doute, ont rejoint les abstentionnistes pour les élections européennes et se mobiliseront pour les législatives. Mais une autre partie voguent maintenant vers d’autres lieux et ne le rejoindront pas.
Le seul bloc significatif est le Rassemblement National et, contrairement à d’habitude, il est à prévoir qu’il remportera la plupart des éventuelles triangulaires du second tour. Et dans les situations où il aura un seul candidat en face de lui, il le battra la plupart du temps. Je pense donc que si le RN n’obtient pas la majorité absolue à l’Assemblée Nationale, ce sera en tout cas la force politique la plus nombreuse.
Donc Emmanuel Macron use de la corde éculée de «Moi ou le chaos». Et ce sera le chaos.
Près de trois ans de cohabitation et puis ?
En cas de majorité simplement relative du RN à l’Assemblée, je ne vois, de toute manière, pas tous les autres partis faire bloc pour rejoindre la macronie qui est devenue un bateau ivre. Il y aura donc une cohabitation avec un premier ministre issu du Rassemblement National.
Et au bout de deux ans et demi, quand la campagne des présidentielles commencera, je doute qu’il y ait un nombre significatif de déçus du Rassemblement National. Ce que l’on voit dans les autres pays d’Europe qui ont porté à leur tête des leaders nationalistes et autoritaires est que la déception vient, mais lentement.
Donc là, pour revenir sur la métaphore du jeu d’échecs, Emmanuel Macron n’avait peut-être pas d’autres coups à jouer, mais il a joué, en tout cas, un coup perdant. Quant à ses conseillers qui comparent cette initiative surprise au débarquement en Normandie, ils seraient ridicules s’ils n’étaient pas pathétiques.
Donc le fascisme va passer
Je précise que je suis tout à fait prêt à faire un article, le 8 juillet, qui s’intitulerait «Je me suis trompé», au cas où ce serait le cas.
Pour l’instant, il faut se préparer à un long, un très long hiver, peuplé de décisions absurdes et dangereuses (concernant les enjeux climatiques), injustes et cruelles (concernant les migrants), hasardeuses (pour la politique étrangère) et, pour couronner le tout, catastrophiques pour les finances publiques.
Quant au réveil collectif, s’il arrive, il sera lent et douloureux et même si, de tous côtés, des voix s’élèveront pour tenter de lutter contre d’inévitables dérives, elles seront peu entendues.
«Il y avait un autre chemin», a affirmé sur France 2 la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet. «Il y avait un autre chemin qui était le chemin d’une coalition, d’un pacte de gouvernement.» Mais il y a longtemps qu’Emmanuel Macron a tourné le dos à un tel chemin et faute de négociations, en temps et en heure, il n’aura que l’affrontement.