Covid-19, chronique d’une émergence annoncée - Forum protestant

Covid-19, chronique d’une émergence annoncée

 

« On est donc constamment menacé par ces maladies émergentes. Ce sont des maladies d’anthropocène : pour l’essentiel voire exclusivement, elles sont liées à la prise en main de la planète et à l’empreinte que l’homme y laisse. Ce qui est valable pour le climat, pour l’environnement, est tout aussi valable pour les maladies infectieuses, en particulier émergentes, et les trois sont liés. Il y a donc une histoire en trois épisodes : 1/ ces accidents de sauts d’espèce, 2/ le débordement éventuel, si le saut d’espèce remplit le cahier des charges et que l’homme peut être infecté et transmettre à d’autres individus, et 3/ l’explosion pandémique, du fait des transports intercontinentaux. La carte des foyers d’infection et celle des vols aériens intercontinentaux se recouvrent à 100 %. »

« L’évolution de cette épidémie est entre nos mains », dit le spécialiste des maladies infectieuses Philippe Sansonetti lors de sa conférence du 16 mars au Collège de France, puisqu’à chacune des deux émergences précédentes de coronavirus (SRAS en 2003, MERS en 2012), « on s’est inquiété, puis rassuré, et pas grand-chose n’est arrivé ensuite pour prévoir et anticiper, en termes de thérapeutique et de vaccin ». Après avoir rappelé ce qu’est le coronavirus et s’être félicité de « la rapidité très inhabituelle avec laquelle cette épidémie a été initialement détectée », il note qu’à la différence des deux précédents cas, c’est « une maladie à fort potentiel épidémique, avec mise en tension majeure du système sanitaire, et c’est ce qui a décidé les autorités à mettre en place des stratégies pour atténuer l’évolution de la maladie ». Mais que son « taux de mortalité est relativement faible. Quand on fera le bilan complet de cette pandémie, on s’apercevra fort probablement qu’il était de 1 à 2 %. (…) 1 % de mortalité, 10 % de cas sévères, ce n’est pas énorme statistiquement, mais rapporté au nombre de cas d’infection, compte tenu de la transmissibilité et de l’infectiosité du virus, cela peut commencer à faire des valeurs absolues importantes qui peuvent mettre en danger notre système de santé. C’est ce qui légitime cette politique d’atténuation. » Une « position intermédiaire » entre l’approche « immunité de groupe » et « l’isolement massif » décrété en Chine et dont le but est « d’écraser le pic épidémique pour l’étaler dans le temps, en espérant qu’un peu moins de 60 % de la population sera finalement infectée et surtout que l’ensemble du dispositif sanitaire sera préservé ». Quant aux traitements antiviraux, « il s’agit d’abord du « repositionnement » de certains médicaments déjà éprouvés pour d’autres virus » puis de trouver un vaccin mais qui « ne permettra que de gérer les rebonds, les étapes finales, voire de prévenir la maladie dans d’autres continents comme l’Afrique, où des mesures d’isolement seront difficiles ». Enfin, à plus long terme, lorsqu’on aura mieux compris l’éco-pathologie de ce type de virus et la la physiopathologie des syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA), on pourra développer « une pharmacologie dédiée utilisant des molécules repositionnées puis des molécules véritablement nouvelles ».

(19 mars 2020)