«Cessons de présenter le numérique comme la solution à tout» - Forum protestant

«Cessons de présenter le numérique comme la solution à tout»

 

« Nous partons d’un constat simple : le numérique est construit sur l’hypothèse très fragile d’un monde en paix, en croissance éternelle avec des ressources infinies. Nous réajustons l’équation de départ pour nous demander : comme innovateurs, comme clients, que peut-on construire d’intéressant dans un monde incertain et à ressources limitées ? Les investisseurs sont-ils partants pour investir sur le long terme ou veulent-ils continuer de brûler leur vaisseau ? »

Partisan d’un « numérique choisi – et non plus subi », Jacques-François Marchandise (directeur de la Fondation Internet Nouvelle Génération, FING) constate qu’à chaque grande étape du développement d’internet, « on a gagné en commodité, mais on a recentralisé, perdu une part de maîtrise ». La conséquence est que « si on n’anticipe pas aujourd’hui, le numérique et l’écologie pourraient s’unir demain dans un système normatif et de surveillance, comptage, péage, portiques, pesage. Si on n’y prend pas garde, le numérique, c’est les tickets de rationnement de demain, dans un monde très inégal. Il faut que la société civile s’empare activement de ces questions. » Avant qu’il ne soit trop tard puisque « aujourd’hui, c’est le dernier arrêt avant le moment où il n’y aura plus rien entre subir et renoncer. Il faut de toute urgence reconstruire une capacité d’action. » Pour cela, une première étape serait de réussir à « faire ajouter cinq lignes » dans les cahiers des charges des collectivités territoriales qui « mettent de l’argent public sur l’innovation numérique » sans « principes d’action sur les questions d’éthique, de coût énergétique, de maintenance, ou de privacy ». En effet, « l’argent public pèse lourd, parce que l’État finance l’innovation, et parce qu’une part du marché des objets connectés et des services urbains, c’est de la commande publique ». Dans le numérique, « on ne peut pas se dire « Un jour les grandes personnes vont prendre les bonnes décisions ». Dans le champ du numérique, il n’y pas de grandes personnes pour prendre les bonnes décisions, en tout cas aucune en qui on puisse avoir confiance. C’est à la société de fabriquer des choix collectifs. » Bref, ne pas renoncer « à sa capacité d’action », ne « pas rejeter le numérique mais cesser de le présenter comme la solution à tout ».

(13 mars 2020)