L’Esprit dans la Bible (2e rencontre Théo-Lettres)
«Examiner comment les auteurs de la Bible définissent» la notion d’Esprit et «comment ils la représentent»: c’est l’objet de ces trois journées où sept spécialistes de la Bible, théologiens et spécialistes de la littérature («et plutôt les deux, autant que possible») le feront tour à tour. En tentant donc à la fois de «rendre compte de la manière la plus objective possible du sens des textes, tel que leurs auteurs ont voulu l’exprimer» et de réfléchir à des «systèmes d’interprétation adaptés aux mentalités actuelles».
Il y a des traditions qui s’installent dans de petites paroisses pleines de hardiesse. À Marseille Sud-Est en tout cas, membres et responsables sont toujours prêts à s’investir pour organiser des événements invraisemblables, d’ampleur et d’ambition. Naguère, ce fut pour accueillir deux Festivals de poésie de la foi, une première Rencontre Théo-Lettres et d’innombrables soirées de poésie ou de réflexion autour de la Bible. Dans quelques jours aura lieu dans les locaux de cette paroisse la deuxième Rencontre Théo-Lettres, qui réunira sept spécialistes de la Bible, théologiens ou universitaires des facultés littéraires et plutôt les deux, autant que possible. Tous, en tout cas, s’intéressent à la fois au contenu de la Bible et aux méthodes adéquates pour le saisir en profondeur. Dans le langage savant, ils sont ainsi désignés à la fois comme des exégètes et des herméneutes. Mais très simplement, ils vont venir exposer leurs recherches et leurs réflexions devant le public curieux et toujours attentif de cette paroisse de Magnan.
Les enjeux des Rencontres Théo-Lettres
La première Rencontre, qui a eu lieu en mai 2023, a eu pour objectif de poser, si possible, des principes communs d’interprétation des textes. Car les méthodes et les enjeux sont bien différents dans l’Église et hors de ses murs. Dans les universités, les chercheurs tentent de rendre compte de la manière la plus objective possible du sens des textes, tel que leurs auteurs ont voulu l’exprimer. Ils sont à l’écoute. Ils utilisent les outils des sciences humaines pour éclairer le contexte historique, les modalités de la rédaction des Écritures ou les logiques contemporaines, afin de percevoir l’élaboration de la pensée dans sa situation originale et originelle. En théologie, cette démarche est souvent dépassée au profit de la construction de systèmes d’interprétation adaptés aux mentalités actuelles et des privilèges accordés à la subjectivité. Après tout, le texte biblique n’est-il pas fait pour parler à chacun, et répondre à ses attentes bien personnelles ? Les lecteurs parlent alors en leur nom, à partir de leur approche de la Bible. Pourquoi pas ? Si ce n’est que les discours se développent parfois de manière contradictoire et que plus personne ne s’entend.
Les littéraires admettent parfaitement que tout un chacun puisse faire l’usage qu’il souhaite de ses lectures. Mais, dans leur travail scientifique, ils manient le concept et le critère du contre-sens, qui vise simplement à souligner à quel moment l’interprétation donnée d’un texte ne correspond pas à la visée de son auteur. Si l’on considère que la parole des auteurs bibliques a une quelconque autorité, il est intéressant de conserver ces repères. Si l’on cherche à s’émanciper de leur influence, l’honnêteté intellectuelle minimale consiste tout de même à établir clairement leur pensée, pour assumer les écarts que l’on revendique et ne pas s’approprier leur propos en le déformant. Autrement les fondements de tout échange théologique, intellectuel, ou d’ordre de la spiritualité, sont instables.
L’Esprit, concept fondamental de toute spiritualité
Précisément, pour prétendre s’aventurer dans le champ de la spiritualité chrétienne, encore faut-il savoir ce que la Bible entend par le mot Esprit (avec et sans majuscule). Nos contemporains sont en effet avides de spiritualité. Savent-ils que les philosophies ou religions d’Extrême-Orient ne sont pas les seules à en proposer une ? La foi chrétienne, aussi, est une spiritualité, à partir du moment où intervient l’action de l’Esprit, dans notre esprit. François Cheng souligne cette condition nécessaire, en tout temps et en tout lieu, pour définir une spiritualité:
«Force nous est de constater que ce corps vivant est constamment animé, c’est-à-dire qu’en lui quelque chose est animé, et que, dans le même temps, quelque chose anime. Ce que les Anciens désignent par le binôme ‘animus-anima’. À la question « Dans l’ordre vital qu’est-ce qui est capable d’animer ? », la réponse que donnent toutes les pensées est invariable: le Souffle de vie. La pensée indienne le nomme ‘Aum’, la pensée chinoise ‘Qi’, la pensée hébraïque ‘Ruah’, la pensée arabe ‘Rûh’, et la pensée grecque ‘pneuma’. En chaque être particulier, l’’animus’ est régi par l’’anima’».
«Quelque chose anime», écrit François Cheng. C’est-à-dire que la volonté ou le cerveau humain ne sont pas les seuls responsables du mouvement physique ou intellectuel de notre être. Un Souffle, une inspiration viennent nous apporter d’ailleurs l’expérience d’une connaissance qui peut être transcendante. Dans la reconnaissance de l’action de l’Esprit, la pensée (chrétienne) ne demeure pas une philosophie, mais devient spiritualité.
Le programme de la deuxième Rencontre Théo-Lettres
Cependant, il est difficile de discerner l’action de l’Esprit, et tout autant sa nature. L’enjeu de cette deuxième Rencontre Théo-Lettres, intitulée L’Esprit dans la Bible, consiste non pas à imposer l’idée, à ceux qui y répugnent, qu’il faut sortir du rationalisme et entrer dans le domaine de la spiritualité pour vivre pleinement foi ou connaissance, mais à examiner comment les auteurs de la Bible définissent cette notion ou comment ils la représentent. Car cette recherche est indispensable pour saisir la pleine mesure de leur message. C’est à cela qu’une équipe de sept intervenants s’emploiera, du 16 au 18 mai, dans la paroisse de l’Église protestante unie de Marseille Sud-Est, au 8 boulevard Magnan, 13009 Marseille.
Tous les secteurs de la Bible seront interrogés, dans les deux Testaments, et le sujet sera abordé aussi à travers les commentaires des premiers Pères de l’Église.
Formé entre autres à l’École pratique des hautes études, Jean Alexandre, pasteur retraité, traducteur de la Bible, cherchera à cerner ce «Souffle habité», ce pneuma;
Jonathan Thiessen, docteur es lettres et pasteur à Illkirch, abordera la question de manière légèrement décalée, en examinant ce que la même notion recouvre dans la pensée populaire et le langage courant du premier siècle;
pour ma part, je pensais étudier la première mention du mot Esprit dans le Nouveau Testament: «L’Esprit saint viendra sur toi» (Luc 1,35), et cette enquête m’a conduite aussi à relire, en parallèle ou en miroir, le livre de la Genèse;
Yves Parrend, pasteur, docteur en théologie, explorera les livres de sagesse de l’Ancien Testament et tirera de son étude des enseignements pour notre temps;
Benoit Benhamou, agrégé de philosophie, doctorant à Aix Marseille Université, me rejoindra dans l’analyse de la pensée de Luc, mais cette fois à propos du baptême: « »Moi, je vous baptise avec de l’eau… Lui, il vous baptisera dans l’Esprit saint et le feu » (Luc 3,16): les trois baptêmes (eau, Esprit, feu) selon Origène»;
Céline Rohmer s’intéressera à la question de l’activité créatrice de l’esprit chez Paul;
Christian Boudignon, maître de conférences à Aix Marseille Université, travaillera aussi à partir de la pensée d’Origène, et précisera en quoi consiste «prier en esprit» pour cet auteur.
Les sujets sont passionnants et essentiels: naissance du Christ, baptême, prière, sagesse… Nos conférenciers esquisseront des pistes pour comprendre où est censé se situer l’Esprit dans tout cela.
Un atelier d’étude biblique sera ouvert à tous les participants à la Rencontre qui voudront eux aussi s’exercer à cette recherche littéraire, théologique, spirituelle.
Une sortie culturelle guidée par le pasteur Dodré, membre de l’Académie de Marseille, sera organisée dans un haut lieu de culture religieuse de la ville.
L’ensemble de la manifestation est ouvert à tous et gratuit. Venez nombreux ! La paroisse de Magnan est très accueillante, l’ambiance est bon enfant.
Vous pouvez consulter le programme et son planning sur le site des éditions Jas sauvages.
Illustration: détail du Baptême du Christ par le Greco (1597-1600, Prado, Madrid).
(1) Le contenu des échanges a été publié dans un volume d’actes intitulé Première rencontre internationale Théo-Lettres à Marseille, paru aux éditions Jas sauvages en 2023.
(2) François Cheng, De l’âme. Sept lettres à une amie, Albin Michel/Le livre de poche, 2016, p.26. Ce sujet est abordé dans tout le livre.