Après le virus, l’école sera-t-elle comme avant ?
« De ce point de vue, les élèves ne font rien ou pas grand chose : ils apprennent les sciences mais n’en font pas beaucoup ; ils apprennent la littérature mais n’écrivent pas et ne font pas de théâtre ; ils doivent avoir des idées mais n’en discutent pas. Non seulement l’idée de faire quelque chose n’est pas très vivante dans la culture scolaire française, mais elle a du mal à se couler dans le module homogène de la classe. Alors, elle est souvent renvoyée au « périscolaire » et au seul enthousiasme des enseignants. »
Pour le sociologue François Dubet, le retour à la normale « après le cauchemar de la pandémie » sera difficile pour l’école « car nous devrons partager notre appauvrissement bien plus que nos richesses ». Les enseignants se sont mobilisés tout du long « pour ne pas « perdre » leurs élèves » et fait la « classe à la maison » avec « une inventivité et une générosité dont beaucoup ne soupçonnaient plus la vigueur » mais la crise a révélé que si « tous les élèves ne sont pas égaux à l’école », « ils le sont encore moins quand l’école se fait à la maison. Tous les élèves ne sont pas connectés et ne disposent pas des équipements indispensables. Tous les parents ne possèdent pas les compétences nécessaires pour aider efficacement leurs enfants ». La crise a aussi révélé « qu’il est possible de faire l’école autrement. Ceci ne devrait pas conduire à fermer les écoles, mais, au contraire, à les ouvrir plus encore pour y travailler d’une autre manière et pour lui donner une vocation éducative plus affirmée ». À l’école, les élèves passent ordinairement l’essentiel de leur temps « à prendre des notes, à apprendre des leçons et à se préparer aux évaluations. Le travail collectif reste extrêmement rare ; les élèves français travaillent seuls dans la mesure où ils apprennent d’abord pour être évalués et classés. » L’après-pandémie pourrait alors être l’occasion de réfléchir à une « école à l’école » différente : « Faire quelque chose à l’école, et quelque chose ensemble, permettrait aux élèves de découvrir des talents, des compétences et des métiers que l’école ignore et méprise parfois. »
(20 avril 2020)