« Je ne vois pas de nouveau Badinter à l’horizon »
« Il y a une vraie prise de conscience mais cela reste au niveau des déclarations d’intention. Le discours d’Agen de mars 2018 du président de la République posait les termes d’une refondation pénale. Mais rapidement, on se rallie à ce que l’opinion publique pense. Robert Badinter avait été capable de prendre des décisions fortes, de la suppression de la peine de mort, bien sûr, à la fin des quartiers de haute sécurité ou l’introduction de la télévision. Autant de mesures prises contre l’opinion … »
Interrogée par Stéphane Menu, Adeline Hazan (contrôleure générale des lieux de privation de la liberté depuis 2014) revient d’abord sur le rapport récent à propos des conditions de détention la nuit, un temps où « les libertés sont encore moins garanties que le jour » puisque « si quelque chose de grave survient au cours de la nuit, il est plus difficile encore d’alerter les surveillants, les infirmiers, voire les policiers dans les commissariats dans le cadre de gardes à vue ». Face aux demandes de sévérité et de sécurité de l’opinion publique, elle souligne qu’il y a une différence entre la psychiatrie (où « il y a une plus grande tolérance ») et « le reste, et notamment le monde carcéral et celui des centres de rétention » pour lequel « l’opinion est beaucoup moins souple ». Selon elle, « les gouvernements successifs n’ont pas fait assez de pédagogie pour montrer que la société elle-même aurait tout intérêt à être moins sécuritaire pour éviter la récidive qui est essentiellement liée à l’absence d’organisation en interne dans les prisons pour préparer la sortie vers une autre vie. La frilosité caractérise l’action des pouvoirs publics en la matière. Elle a du mal à se détacher de ce que l’opinion publique pense. »
22 juillet 2019