À l'école : que faire après le virus? - Forum protestant

À l’école : que faire après le virus?

 

«S’il va de soi que l’école à la maison est plus inégalitaire que l’école à l’école, on ne peut oublier que l’école à l’école est loin d’être aussi égalitaire qu’elle le prétend, notamment quand elle externalise le travail scolaire sur les familles. Ce qu’elle fait de manière routinière. Jusque-là, on ne semblait guère se soucier des élèves peu connectés, des parents absents ou accaparés, pas plus qu’on ne semblait s’étonner que des parents de collégiens et de lycéens se mobilisent tous les week-ends pour faire en famille les exercices, les exposés et les dissertations. Pire, quand on demandait aux parents d’aider leurs enfants, ce travail familial semblait parfaitement normal.» 

S’interrogeant sur les scénarios de l’après-confinement à l’école, le sociologue François Dubet n’exclut pas que tout cela soit vite oublié «pour retrouver au plus vite nos querelles, nos routines, nos examens, nos programmes et nos manières de trier les élèves» mais estime que «ce serait dommage, parce que nous pourrions faire quelque chose de cette crise». La crise a en effet révélé «une capacité de mobilisation, une générosité et une inventivité de la plupart des enseignants qu’aucun ministre n’aurait obtenues, quitte à y mettre des primes, des décrets, quelques inspecteurs et beaucoup de négociation» et a confirmé que «tous les élèves n’ont pas un ordinateur à disposition, tous n’ont pas des parents capables de les aider, tous n’ont pas une chambre ou un «coin à eux» pour faire leurs devoirs». La crise a aussi montré que «toute la vie familiale est réglée par l’école dans une société où les deux parents travaillent. Toute la vie économique l’est aussi: plus d’école, plus de centres de loisirs, plus de crèches, plus de clubs sportifs… et toute la vie de travail est désorganisée. Les économistes pourraient sans doute calculer l’effet de la fermeture des écoles sur le Pib». Or, si «l’école à l’école est meilleure que l’école numérique, que l’école à la maison» en matière d’inégalités, «l’école française n’est pas la plus accueillante et la plus démocratique qui soit. Bien souvent, à l’école, la vie juvénile et la vie scolaire coexistent dans une indifférence relative, quand ce n’est pas dans une sourde hostilité. On sait que les élèves et les étudiants français se distinguent de leurs camarades européens par une très faible confiance en eux». La crise peut peut-être alors nous pousser à généraliser l’équipement numérique: «les élèves accéderont aux cours et aux leçons en ligne, les exercices seront donnés et rendus de cette façon. Comme chaque enseignant aura une relation individuelle avec ses élèves, il ne pourra pas ignorer ce que font et ne peuvent pas faire les parents». Le temps de cours libéré pourrait alors être «consacré à ce que l’école française ne fait guère: faire quelque chose, et quelque chose ensemble (…) : faire des expériences scientifiques, écrire des textes et faire du théâtre, monter des fab labs, parler des langues étrangères, découvrir des métiers et des activités professionnelles, faire du sport à l’école et pas uniquement de l’«éducation physique», faire de la musique… Ici, la présence des enseignants est indispensable, elle renouvelle leur métier, elle est susceptible de motiver les élèves et de leur apprendre à parler et à vivre ensemble dans le cœur de l’école, pas seulement dans les marges de la vie scolaire, pas seulement dans le «périscolaire».»

(25 mai 2020)