Quel avenir la religion a-t-elle encore dans les sociétés modernes ? - Forum protestant

Quel avenir la religion a-t-elle encore dans les sociétés modernes ?

« Joas conclut son livre par une considération normative. Si le récit alternatif au désenchantement qu’il propose est valide, alors les cartes du dialogue entre croyants et non-croyants se trouvent redistribuées. Les premiers, qui, par essence, ne sauraient se résigner à comprendre leur foi comme un engagement strictement privé et sectoriel, doivent accepter, dans des sociétés plurielles spirituellement, de vivre leur engagement religieux en dépit des critiques ou de l’indifférence. Les seconds, eux, ne sauraient plus prétendre que toute religiosité est, dans une société moderne, obsolète et vouée, au-delà des survivances présentes, à disparaître entièrement. »

« Les sociétés occidentales contemporaines n’en ont pas fini avec le religieux, car la modernité n’est nullement réductible à la désacralisation et à la sécularisation des sociétés » : c’est la thèse centrale du livre de Hans Joas Les pouvoirs du sacré dont rend compte Olivier Fressard. Pour le sociologue allemand, les progrès de la modernité ne sont pas « inversement proportionnels au recul de la religiosité. Le sécularisme n’est pas l’alpha et l’oméga des Temps modernes, pas plus que la rationalité ne triomphe absolument. Régulièrement se manifestent, dans toute société humaine, des impulsions à sacraliser, de telle sorte que l’on assiste, plutôt qu’à une évolution unilinéaire, à une alternance entre des phases de désenchantement et des phases d’enchantement ». « Le peuple, la nation et la personne humaine » peuvent être vus comme « des formes séculières du sacré » dans notre histoire récente et « comportent des dangers, comme l’ont illustré les religions séculières caractéristiques du totalitarisme ». Remettant ainsi en question « l’un des paradigmes explicatifs prédominants de la pensée sociologique depuis sa fondation » et qui «  a même intégré le sens commun », Joas « entend en déconstruire, les uns après les autres, les principaux éléments constitutifs : outre l’idée même de désenchantement, la sécularisation, la rationalisation, la différenciation fonctionnelle des activités et, finalement, la modernisation conçue comme la convergence et l’unité de tous ces aspects ». Un livre qui « emporte la conviction dans les critiques adressées au récit trop unilatéral et rationaliste de la modernisation comme désenchantement du monde » mais qui, selon Fressard sauve peut-être « l’avenir de la religiosité au prix d’un excessif élargissement de la catégorie de sacralisation ».

(23 mai 2020)