La révolution virale n’aura pas lieu - Forum protestant

La révolution virale n’aura pas lieu

 

« Forte de son succès face à l’épidémie, la Chine vendra l’efficacité de son modèle sécuritaire dans le monde entier. Après l’épidémie, le capitalisme reprendra et sera plus implacable encore. Les touristes continueront de piétiner et de raser la planète. Le virus n’a pas fait ralentir le capitalisme, non, il l’a mis un instant en sommeil. Le calme règne – un calme d’avant la tempête. Le virus ne saurait remplacer la raison ; et ce qui risque de nous arriver, à l’Ouest, c’est d’hériter par-dessus le marché d’États policiers à l’image de la Chine. »

« Test système pour le logiciel étatique », la crise du coronavirus a, pour le philosophe allemand Byung-Chul Han, démontré « les avantages systémiques de l’Asie face à l’Europe dans la lutte contre la maladie » grâce à une politique massive de « surveillance numérique » et d’ « exploitation des mégadonnées » : « Aujourd’hui, en Asie, ce ne sont pas les virologues ou les épidémiologistes qui luttent contre la pandémie, mais bien les informaticiens et les spécialistes du «big data» – un changement de paradigme dont l’Europe n’a pas encore pris toute la mesure. » Ceci car « il n’existe chez nos voisins asiatiques presque aucune forme de conscience critique envers cette surveillance des citoyens. Même dans les États libéraux que sont le Japon et la Corée, le contrôle des données est presque tombé aux oubliettes, et personne ne se rebelle contre la monstrueuse et frénétique collecte d’informations des autorités ». Se demandant « pourquoi notre monde est pris d’un tel effroi face au virus », il l’explique d’abord « parce que nous vivons depuis très longtemps au sein d’une société sans ennemis, une société du positif », ensuite parce que « la numérisation supprime la réalité, et c’est en étant confronté à la résistance qu’on éprouve la réalité, souvent dans la douleur ». La « peur exagérée du virus » serait « avant tout le reflet de notre société de la survie, où toutes les forces vitales sont mises à profit pour prolonger l’existence. La quête de la vie bonne a cédé la place à l’hystérie de la survie. » Sceptique sur l’après-virus, il estime que « si nous n’opposons pas la quête de la vie bonne à la lutte pour la survie, l’existence post-épidémie sera encore plus marquée par la survie forcenée qu’avant cette crise. Alors, nous nous mettrons à ressembler au virus, ce mort-vivant qui se multiplie, se multiplie, et qui survit. Survit sans vivre. »

(5 avril 2020)