Les nouvelles servitudes - Forum protestant

Les nouvelles servitudes

 

« Si Orwell voit juste quant au développement de l’omniscience de l’État, son erreur, selon l’auteur, est de ne pas avoir vu que l’on discipline plus facilement les êtres humains en les prenant au piège de leurs passions qu’en essayant d’éradiquer le désir, comme tente de le faire Big Brother. Internet nous procure du plaisir, loin de la morosité du monde décrit par Orwell. »

« Chacun s’exhibe et observe les autres, chacun est à la fois meneur et suiveur. » Finie la « société de contrôle », voici la « société d’exposition », l’une des grandes nouveautés de l’ère numérique pour le juriste et philosophe américain Bernard E. Harcourt et le titre de son dernier livre dont rend compte Juliette Chemillier. Cette société d’exposition n’est ni la « société de surveillance » (Orwell), ni « l’État de surveillance » (Jack Balkin) ni le panoptique (Michel Foucault). Car si « la surveillance et le spectacle sont présents dans la société numérique, s’y ajoute une dimension d’exhibition de soi » qui n’avait pas été prévue. Et le vrai changement que cela entraine est le « déclin de l’humanisme et des valeurs comme la vie privée, l’autonomie ou encore la confidentialité. La vie privée n’est plus un besoin, comme le théorise Hannah Arendt, mais quelque chose que l’on monnaye. » D’où un affaiblissement de la démocratie comme l’avait prévu Tocqueville avec un État qui infantilise ses citoyens, « pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs ». Transformés « en moutons », « notre abandon de toute forme de résistance devant la capacité d’internet à capter notre attention et notre confiance prendrait appui sur cette tentation de la passivité propre à tout citoyen en démocratie, qui rend la surveillance acceptable. » Une passivité qui ne peut être combattue que par une « connaissance de soi » et de notre rôle dans ce nouveau système.

(26 février 2020)