Les assemblées citoyennes en Irlande. Tirage au sort, référendum et constitution - Forum protestant

Les assemblées citoyennes en Irlande. Tirage au sort, référendum et constitution

 

« La véritable raison de la non-participation d’élus n’est pas une réaction à la précédente expérience d’assemblée mixte, largement plébiscitée par les citoyens et les politiciens ; elle tient à la nature de l’enjeu : l’avortement, perçu comme politiquement très risqué. Ainsi, la plupart des professionnels de la politique refusent de se prononcer ouvertement sur l’avortement par peur de perdre des voix, voire leur siège, eu égard au clivage profond divisant l’électorat sur cette question. »

Déjà expérimenté au Canada, aux Pays-Bas et en Islande dans les années 2000 mais sans que cela ait abouti à une mise en œuvre des changements proposés, le système des assemblées citoyennes par tirage au sort a connu une floraison inédite en Irlande depuis 2012. Après une campagne d’opinion en 2011, des activistes obtiennent en 2012 de la coalition qui vient de gagner les élections la création d’une Convention constitutionnelle avec un tiers d’élus et deux tiers d’autres citoyens désignés par tirage au sort. Cette Convention se réunit un week-end par mois pour entendre des experts et élaborer par petits groupes des propositions de réforme ensuite transmises au Parlement, qui décide lesquelles seront soumises au vote du peuple par référendum. C’est cette procédure qui a permis l’adoption du mariage homosexuel en 2015 (61 % de oui). La seconde Citizen’s assembly en 2016 est principalement chargée de la délicate question de l’avortement avec cette fois 99 citoyens tirés au sort (sur échantillon représentatif) et présidés par une juge de la Cour suprême. Critiquée autant par les catholiques anti-avortement que par l’extrême gauche pro-avortement, l’assemblée vote finalement à 64 % pour une légalisation. Un résultat étonnamment proche de celui finalement enregistré lors du référendum sur cette question (66 %). Exercice concluant donc puisque « le recours à des processus de délibération peut rendre gouvernables des situations bloquées ». Si les Irlandais sont les premiers à faire aboutir des propositions décidées par des assemblées tirées au sort, Dimitri Courant (qui a étudié ces processus en détail) relativise ce succès : premièrement, tout (initiative, choix et devenir des propositions) reste « aux mains des élus ». Deuxièmement, l’impact des délibérations de ces assemblées dépend grandement de leur couverture médiatique. Troisièmement, pour être efficaces, « les dispositifs délibératifs sont contraints » et loin de la spontanéité que l’on pourrait imaginer.

5 mars 2019