De quoi sommes-nous malades ? - Forum protestant

De quoi sommes-nous malades ?

 

« La compréhension de la maladie ne provient plus d’une expérience vécue en première personne, mais d’une analyse épidémiologique extraite de statistiques. Or cette perte de repère n’a pas seulement un impact sur le vécu du patient, mais aussi sur la capacité à débattre des grands enjeux de santé, et finalement sur le sens même de la maladie. Comme si la précision des données avait brouillé le sens des choses, comme si, à mesure qu’on voyait mieux ce qui peut nous guérir, on comprenait moins ce qui nous rend malades. De quoi sommes-nous vraiment malades ? »

Face à une médecine qui a totalement changé son mode de pensée en quelques décennies, où il n’y a plus agression du corps mais facteurs de risque, où il n’y a plus de mal mérité mais niveaux en plus ou en moins, le danger pour le patient est « d’être exproprié de sa maladie » et qu’il n’ait plus de « modèle clair de compréhension » de celle-ci. Cette « multiplication des signes médicaux » doit, pour le philosophe en éthique médicale Guillaume von der Weid, forcer la médecine à clarifier « les principes et les valeurs qui permettront de trancher des questions cruciales que sa complexité ne permet plus d’éclairer ». Et refaire une place, loin des mirages du transhumanisme, à la notion de maladie non comme conséquence de « comportements excessifs » (version classique) ou de « funestes hasards » (version actuelle) mais comme limite : « Or la vie est une puissance limitée et la maladie, avec la souffrance, la blessure, la mort, en sont le signe irréductible. Car nous ne sommes pas plus malades d’un virus ou d’un déséquilibre qui nous puniraient, que de corrélations statistiques ou d’aléas génétiques, nous sommes malades de ce que nous sommes limités ». Une limite qui rappelle le retrait de Dieu conceptualisé par les kabbalistes et peut nous faire comprendre que « le prix à payer pour être fort et autonome, c’est de pouvoir être faible et dépendant ».

20 février 2019