L’initiative de l’aurore
Pourquoi David, dans le psaume 57, dit-il «qu’il réveillera l’aurore» ? Pour Augustin, «l’homme chante dans la nuit la lumière qu’il ne voit pas encore». Pour Ricœur, «l’homme n’est jamais celui qui subit le temps; il est celui qui seul peut lui donner sens par l’acte d’interprétation» car «l’avenir n’est pas simplement ce qui va arriver; il est ce qui se construit dans l’attente». Pour Levinas, après la nuit («pure existence sans l’existant»), «l’aurore marque l’inverse; elle est l’émergence du visage, la venue de l’altérité. Réveiller l’aurore signifie se maintenir dans une veille éthique». Alors que «notre humanité semble s’enfoncer dans une obscurité croissante», l’aurore ne doit pas être pour nous «une échappatoire» mais «la critique déterminée de l’obscurité, car l’aurore de la Bible ne nie pas la nuit. Elle surgit d’elle».
«Je réveillerai l’aurore» (Psaume 57,9) (1)
Dans les Écritures, l’évocation de l’aurore excède toujours la description d’un phénomène naturel. Elle constitue un motif d’une densité symbolique exceptionnelle qui se prolongera en écho, siècle après siècle, dans la littérature: lumière naissante, mais aussi promesse de dévoilement, signe de justice et de guérison. L’aurore marque un seuil entre la nuit et le jour, entre la peur et la confiance, l’opacité et la clarté, le repli et la visitation. Du verset d’Ésaïe «Alors ta lumière poindra comme l’aurore, Et ta guérison germera promptement; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l’Éternel t’accompagnera» (Ésaïe 58,8) (2) au vers bien connu du Cimetière marin de Valéry «Tout le ciel éclatait en fraîcheur d’aurore», se perpétue non seulement le mélange du sensoriel et du spirituel, d’éveil du corps et de l’esprit, mais aussi le signe de vitalité et de renouveau. De quelque chose qui s’ouvre: une guérison, un sens, une conscience. Et malgré la distance entre le prophète et le poète, ils partagent une symbolique profonde du passage de l’ombre à la clarté où apparaît une forme de présence supérieure, divine chez l’un, quasi métaphysique chez l’autre.
Réflexion théologique et résonance existentielle
Toute réflexion théologique sur l’aurore trouve facilement une résonance existentielle. Qui n’a pas guetté le lever du jour pour en saisir toute la splendeur ? Longtemps je me suis levé très tôt. Pour travailler, mais aussi pour devancer le lever du jour et le voir peu à peu éclairer mon bureau, dissipant l’obscurité intérieure jusqu’à pouvoir éteindre ma lampe. Comme si être le guetteur et le témoin de l’aurore participait d’une expérience intime, comme si «l’astre d’en haut» me visitait, inondant d’abord l’horizon d’une intense lueur rouge, puis, victorieuse d’on ne sait quelles forces contraires, inondait patiemment le ciel d’une lumière chaleureuse, annonçant un jour nouveau chargé d’espoir. Cela me remplissait alors de bonheur, d’ardeur et de confiance. Aujourd’hui, cette expérience s’est raréfiée, et l’âge me rapproche davantage de l’Ecclésiaste, «car la jeunesse et l’aurore sont vanité» (Ecclésiaste 11,10) (3). En termes plus savants, et moins poétiques, on pourrait appeler cela l’expérience phénoménologique de l’aube. Le lever matinal pour anticiper la lumière dissipant les ténèbres intérieures. C’est une structure récurrente dans la tradition biblique. Le sujet croyant, tel un guetteur, participe à une visitation cosmique où l’astre d’en haut triomphe des forces obscures, inaugurant un temps chargé de promesses eschatologiques. Mais je n’étais peut-être alors sensible qu’à une axiologie superficielle…
«Je réveillerai l’aurore.» Un acte théologal
Pour qui s’en tiendrait à cette axiologie primaire, ce verset du psaume 57 déplace en profondeur la compréhension de ce symbole. Ce n’est plus seulement la lumière qui vient à l’homme mais l’homme qui anticipe la lumière. David, encore entouré de ténèbres, menacé, caché dans une caverne pour échapper à Saül, affirme qu’il réveillera l’aurore. Par la puissance de ce futur de volonté, il se situe du côté du commencement. Il n’attend pas la lumière, il l’appelle. Il ne constate pas son apparition, il la convoque. Il ne se contente pas de la subir, il s’y associe. Dans son commentaire, Augustin souligne le paradoxe: l’homme chante dans la nuit la lumière qu’il ne voit pas encore (4). C’est un acte théologal, un geste de pleine confiance – en Dieu comme en soi-même-en-Dieu (5) – qui ne dépend pas du visible. Au-delà de sa poésie, ce verset engage une anthropologie et une théologie du temps. C’est là que l’éclairage de Paul Ricœur se révèle, une fois de plus, précieux. Pour le philosophe, l’homme n’est jamais celui qui subit le temps; il est celui qui seul peut lui donner sens par l’acte d’interprétation (6). L’aurore en tant que symbole porte en elle «un surplus de sens» (7) qui reconfigure le rapport de l’homme à son avenir. Quand David affirme: «Je réveillerai l’aurore», il exprime l’acte même de la «refiguration» ricœurienne. L’avenir n’est pas simplement ce qui va arriver; il est ce qui se construit dans l’attente. L’aurore peut être interprétée comme une figure herméneutique de l’espérance. Non comme une vague aspiration mais comme une puissance de configuration. Et c’est aussi là que l’éclairage de Levinas s’ajoute harmonieusement à celui de Ricœur. Dans Totalité et Infini (8), Levinas décrit la nuit (9) comme le «régime» de l’impersonnel. Elle est le règne de l’«il y a», une pure existence sans l’existant. Moment où le monde perd son relief, où l’être humain est tenté par la «fascination» du néant, être sans forme, sans visage, sans orientation. Un temps de dissolution, de retrait et d’indécision. L’aurore marque l’inverse; elle est l’émergence du visage, la venue de l’altérité. Réveiller l’aurore signifie se maintenir dans une veille éthique. La responsabilité pour l’autre se précède elle-même, agit avant que le visage n’apparaisse. C’est une fidélité sans image. Celui qui réveille l’aurore est celui qui refuse le chaos nocturne et demeure attentif à l’irruption du visage. L’acte théologal est vigilance transcendante. Selon cette perspective d’interprétation, David dans la caverne n’attend pas la fin du danger pour être responsable. Il se tient, dès la nuit, dans une posture d’ouverture.
La structure symbolique de l’aurore. À propos de trois récits bibliques
L’événement divin, la transformation du sujet, la reconfiguration du monde sont ainsi les trois éléments qui s’articulent pour définir la structure symbolique de l’aurore. Trois récits bibliques majeurs nous semblent l’illustrer: la lutte de Jacob avec un être mystérieux, la scène de la Mer Rouge, le cantique de Zacharie.
La lutte de Jacob
En Genèse 32, dans la lutte de Jacob, l’aurore est le moment où le combat intérieur, qui s’est déroulé dans l’obscurité, trouve sa fin et sa résolution. L’être mystérieux que Jacob (ange, Dieu, Logos ?) affronte est tantôt interprété comme un ange, tantôt comme Dieu lui-même. La lecture des Pères, celle d’Origène en particulier, rejoint celle d’une interprétation ontologique et spirituelle: cette nuit du combat représente la confrontation de l’homme avec son péché, sa duplicité et ses parts d’ombres. C’est un moment de vérité. C’est aussi une lutte de l’âme avec Dieu. Mais aussi celle d’un homme en quête de Dieu, dans les ténèbres, c’est-à-dire dans l’incomplétude de la connaissance humaine (10). Ce n’est qu’au lever du jour que Jacob reçoit un nom nouveau: Israël. Transition d’une identité subie à une identité narrative dirait Ricœur (11). Le sujet intègre dans son histoire une blessure qui devient bénédiction. Par contre, Levinas lit ce récit comme la figure d’une relation où l’Autre (Dieu) se donne sans se réduire à une présence objectivable (12). L’aurore révèle que l’homme renouvelé ne sort pas indemne: Jacob boîte. La lumière révèle la faille mais aussi la bénédiction qui lui est désormais liée, car l’aurore révèle ce que la nuit préparait.
La scène de la Mer Rouge
Cette scène offre une symbolique complémentaire. Israël traverse dans la nuit, dans un entre-deux incertain où le salut n’est encore qu’une promesse. Et c’est «à la veille du matin» (13) que Dieu disperse les Égyptiens (Exode 14,24). C’est au lever du jour, moment décisif, que les eaux se referment et que la menace disparaît. Les Pères ont lu dans cette séquence une double dynamique: la libération spirituelle d’un peuple et une anticipation de la Résurrection. L’aurore symbolise la fin d’une oppression, le moment du passage pour un peuple du non-être à l’être. Là encore, elle marque l’entrée dans une histoire neuve, dans une temporalité désormais orientée vers la promesse. Dans la perspective herméneutique ricoeurienne cet événement constitue une « redescription du réel ». En étant raconté, symbolisé, il reconfigure une expérience collective et reconstitue l’identité d’un peuple. Fidèle au philosophe, nous pourrions dire que ce récit n’est pas seulement mémoire mais travail sur le sens, comme une nouvelle manière d’habiter le monde. Levinas, quant à lui, permettrait d’en proposer une lecture différente. Il y verrait la sortie de la totalité oppressive vers un espace de responsabilité partagée, où peut se déployer la responsabilité pour autrui. Ainsi, l’aurore est le moment d’une subjectivité libérée, appelée à répondre. Dans ce paysage symbolique, l’aurore est l’acte inaugural d’une liberté donnée, le commencement d’un monde nouveau où le peuple peut enfin se tenir debout et s’engager dans un chemin qui est véritablement le sien.
Le cantique de Zacharie
«Le soleil levant nous a visités d’en haut»: l’aurore, transposée dans une dimension spirituelle, prend une signification explicitement christologique. Cette visitation n’est pas une métaphore, elle désigne la venue du salut dans l’histoire humaine, salut qui prend corps et se rend visible. L’aurore demeure un symbole mais se constitue comme une vérité incarnée. Elle est le nom même de l’initiative salvifique de Dieu. Catégorie théologique ouverte, l’aurore désigne à la fois ce que Dieu accomplit déjà et la promesse encore en attente de son plein déploiement. L’aurore manifeste la primauté divine dans le mouvement du salut: c’est Dieu qui, le premier, s’avance vers l’homme, qui dissipe les ténèbres avant même que celui-ci n’en prenne conscience, et qui oriente les pas du croyant vers la paix avant qu’il n’en découvre lui-même le chemin. Réelle dans la première venue du Christ, cette aurore ne clôt pas l’horizon; elle en appelle plutôt à sa plénitude, à ce midi de lumière encore à venir. Si l’on reste fidèle à notre essai d’articuler théologie et phénoménologie, cette aurore est pour Ricœur un symbole herméneutique qui articule événement, promesse et Espérance. La venue de Christ s’inscrit dans un récit orientant le temps humain vers son accomplissement. Pour Levinas, l’aurore est le signe du Dieu qui vient. Mais c’est d’abord l’irruption d’une altérité qui ne peut se résumer à un phénomène christologique mais ouvre à l’infini éthique. Elle ne clôt rien, comme dans un récit; elle oblige (17).
L’aurore: une posture de veille, une exigence de responsabilité
Motif biblique, l’aurore est aussi un symbole profondément inscrit dans notre condition humaine. Notre époque en porte les contradictions ; notre humanité semble s’enfoncer dans une obscurité croissante. Conflits armés, fractures sociales et culturelles, crises écologiques, solitude et perte de sens. Les discours se radicalisent et se durcissent, les relations se fragmentent et les horizons se referment. Nous traversons ce que Ricœur nomme «un désert de sens». Toutes les tentatives de récits communs semblent ne plus parvenir à structurer l’existence collective. De son côté, Levinas avait pressenti cette «perte du visage». L’autre devient une abstraction, un fait statistique, voire un danger dont il faudrait se prémunir. Et c’est dans ce contexte que la symbolique de l’aurore doit retrouver sa force. Non comme une échappatoire, mais comme la critique déterminée de l’obscurité, car l’aurore de la Bible ne nie pas la nuit. Elle surgit d’elle. Dans la caverne, David ne fuit pas la nuit, mais la traverse sans nier le danger. Ce n’est pas une lumière illusoire qu’il imagine ; il se tient dans une attente active. Ni consolation, ni stratégie, l’appel de l’aurore est pur geste spirituel. Même lorsque le monde se rétrécit, que l’avenir devient opaque, David exprime une confiance tenace qui ne dépend d’aucun facteur extérieur. Ce futur de volonté, que nous avons instinctivement préféré, pourrait être cependant interprété à tort comme un défi, ou comme un acte héroïque. A bien y réfléchir, la traduction de la Segond 21 «Je veux réveiller l’aurore» n’est pas, comme on pourrait le croire, une atténuation du futur de volonté, mais l’expression d’une humble, constante et inébranlable force intérieure, d’un acte intérieur. Demeurer fidèle à la lumière dans un environnement marqué par la violence. Car ce geste est profondément théologique autant qu’éthique. Dans la perspective levinassienne, c’est une posture de veille qui signifie que la responsabilité ne dépend pas des circonstances mais les devance. Même dans la caverne, même dans la nuit, le visage de l’autre demeure une exigence. Comme si la nuit rendait la responsabilité plus urgente. L’aurore devient dès lors un symbole de responsabilité car elle est l’éveil de l’humain à l’appel d’autrui avant même que cet appel ne soit exprimé. Qu’est-ce que l’Espérance, sinon ce qui permet de «tenir parole» (18) même dans des conditions où la parole ne garantit plus rien.
Le temps liturgique de l’Avent: une pédagogie chrétienne de l’Aurore
Les bougies progressivement allumées lors des quatre cultes du mois de décembre nous enseignent à veiller. En ce sens, le psaume 57 est un psaume d’Avent. Il montre comment l’âme croyante peut anticiper la lumière, dans une attente active. «Je réveillerai l’aurore» en est l’expression: la lumière vient mais doit être appelée. Elle est donnée, mais doit être reçue. L’Avent commence dans l’obscurité, celle d’un monde en attente de délivrance, celle d’un peuple exilé, celle d’une humanité en quête de lumière. L’esprit de l’Avent consiste à espérer dans la nuit, dans nos nuits. À attendre la venue du Christ sans se laisser engloutir par l’obscurité. À discerner les signes infimes de la lumière en germination, lumière qui s’impose mais requiert un mouvement intérieur, celui qui habite David. L’aurore est un symbole théologique majeur; elle révèle l’interaction entre la grâce et la liberté. Comme l’aurore, la grâce vient, mais l’homme doit se tenir debout pour la recevoir. Cette dynamique, qui tient aussi du courage, éclaire la manière dont l’Écriture décrit la relation entre commencement et accomplissement. Car l’aurore n’est pas la lumière totale, aveuglante. Elle n’est pas le plein midi. Elle n’est pas la réalisation mais le début. Dans la tradition chrétienne, elle est associée à la première venue du Christ mais elle renvoie aussi à sa venue finale. Le Christ accomplit l’aurore, mais l’aurore, en son symbolisme, dépasse ce seul événement. Elle désigne toute intervention de Dieu qui ouvre un avenir (19). Dans sa réflexion sur les symboles, Ricoeur insiste sur le fait que les symboles ne s’épuisent jamais dans une interprétation unique (20). L’aurore étant symbole, son interprétation demeure ouverte.
L’articulation théologie-phénoménologie
Cette articulation nous semble nécessaire et féconde. Dans cette perspective, la théologie de l’aurore ne peut se réduire à une christologie ; elle inclut une anthropologie, une éthique, une phénoménologie et une eschatologie. L’aurore manifeste comment Dieu donne aux hommes mais aussi comment les hommes reçoivent. Comment la lumière peut surgir mais aussi comment nous l’accueillons. Car la vérité de l’aurore est dans la réciprocité: Dieu ne se révèle que si nous nous tenons en éveil. Mais cette articulation théologie-phénoménologie conduit à une réflexion plus profonde sur la nature même de cette lumière. Levinas rappelle que la lumière ne se réduit pas à la visibilité. Celle qui éclaire, illumine le visage d’autrui est une lumière éthique: elle révèle l’autre en tant qu’autre. Elle est la lumière qui permet la rencontre, celle qui fonde l’éthique. Et pour Ricœur, cette lumière est celle qui rend possible la narration, donnant forme au chaos. Ainsi pourrions-nous dire que la lumière est l’origine de toute intelligibilité car c’est le moment où le monde, incompréhensible, peut de nouveau être interprété.
Lorsque tout menace de nous déshumaniser…
Aujourd’hui, il est rare que j’attende les premières lueurs du matin. Elles me surprennent plus souvent que je ne les guette. Mais la lecture du psaume 57 m’a rappelé que l’aurore n’est pas seulement ce qui vient ; c’est aussi ce que l’homme peut réveiller. Ce n’est pas un optimisme naïf, mais une décision. Elle est ce qui permet de rester humain, «intérieurement droit», lorsque tout menace de nous déshumaniser, lorsque rien ne semble la promettre. L’Avent n’est pas seulement la mémoire de Celui qui est venu, il est la préparation de Sa nouvelle venue. Et il est chaque jour, dans le monde et dans nos âmes. C’est l’acte par lequel l’homme se fait veilleur.
Ainsi, réveiller l’aurore n’est rien d’autre que cet acte fondamental: dire oui à la lumière, même dans la nuit. S’ouvrir à la visitation, même dans l’incertitude et malgré, peut-être, la culpabilité de vivre. Accueillir l’autre, même dans l’obscurité. Alors, parce qu’elle vient de Dieu, la lumière ne cessera jamais de se lever.
Illustration: aurore sur la Mer Morte (photo Davidi Vardi, CC BY 2.5).
(1) La Segond 21 traduit «Je veux réveiller l’aurore»; La Segond 1910 traduit: «Je réveillerai l’aurore». Cette traduction a recours au futur de volonté, de détermination, proche de la valeur aspectuelle et modale de l’hébreu biblique. C’est une résolution ferme que n’exprime pas la valeur temporelle courante du futur. D’où cette nuance performative et poétique. Verset repris dans le psaume 108,3.
(4) Augustin, Discours sur le psaumes 57, Clerus.
(5) La confiance en soi-même est indissociable de la confiance en Dieu. Avoir confiance en soi ne peut-être qu’avoir confiance en soi-même-en-Dieu.
(6) Paul Ricœur, Temps et récit, 1 – L’intrigue et le récit historique, Seuil (L’ordre philosophique), 1983.
(7) Paul Ricœur, Finitude et culpabilité, II La symbolique du mal, Aubier (Philosophie de l’esprit), 1960.
(8) Emmanuel Levinas, Totalité et Infini, Essai sur l’extériorité, Le livre de Poche (Biblio Essais), 1990.
(9) La nuit devient une expérience ontologique révélant la fragilité de l’homme.
(10) La tension de l’ambiguïté dans le texte est pour Origène intentionnelle: la lutte est contre Dieu et vers Dieu.
(11) Ricœur, à notre connaissance, n’a pas consacré une étude unique à Genèse 32, mais il y fait allusion à de nombreuses reprises dans ses écrits.
(12) Pour Levinas, Dieu est celui «qui se retire à l’aurore», c’est-à-dire l’inaccessible par essence. Il refuse toute interprétation gnoséologique (qui concerne la connaissance) ou ontologique. Pour lui, ce qui compte n’est pas notre essence mais notre responsabilité.
(13) «À la veille du matin, l’Éternel, de la colonne de feu et de nuée, regarda le camp des Égyptiens, et mit en désordre le camp des Égyptiens» (Segond 1910).
(14) La traversée nocturne, suivie de la victoire à l’aurore, préfigure selon eux le passage du Christ des ténèbres de la mort à la lumière de la vie nouvelle.
(15) Paul Ricœur, Temps et récit 1, op.cit. Cette «redescription» est interprétation du monde en le reconfigurant symboliquement par le récit, la métaphore, la fiction, l’analyse.
(16) «Afin de donner à son peuple la connaissance du salut Par le pardon de ses péchés, Grâce aux entrailles de la miséricorde de notre Dieu, En vertu de laquelle le soleil levant nous a visités d’en haut, Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, Pour diriger nos pas dans le chemin de la paix» (Luc 1,77-79) (Segond 1910)
(17) N’oublions pas que Levinas est d’abord un phénoménologue qui, à partir de Totalité et Infini (1961) détourne la phénoménologie de son centre qui est la conscience, le sujet, l’être. Levinas oriente la philosophie sur l’Autre et sur l’éthique. Il parle d’un «au-delà de la phénoménologie».`
(18) Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Seuil (L’ordre philosophique), 1990.
(19) «Le Christ vient à nous de trois manières: il est venu, il vient chaque jour dans la Parole, et il viendra à la fin des temps.» Luther insiste sur les trois venues («Triple Avent») du Christ: passée, actuelle et future. Sermon sur Matthieu 21,1-9..
(20) Paul Ricœur, Le conflit des interprétations, Essais d’herméneutique, Seuil (L’ordre philosophique), 1969.
Commentaires sur "L’initiative de l’aurore"
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Votre texte m’a profondément rejoint par sa manière de tenir ensemble nuit et aurore.
Votre méditation sur l’aurore m’a rencontrée depuis un autre seuil: celui du crépuscule. Tous deux suspendent la conscience croyante dans ce moment décisif où la clarté fait défaut, mais où demeure l’appel à rester humain, responsable et ouvert au visage de l’autre.
J’ai été particulièrement sensible au croisement que vous opérez entre Ricœur et Levinas, qui permet de lire le «Je réveillerai l’aurore» comme un acte théologal, à la fois performatif et éthique: une anticipation confiante du sens (Ricœur), qui s’accomplit comme responsabilité pour autrui (Levinas). L’espérance n’y est pas attente passive, mais engagement intérieur précédant les conditions de sa vérification.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le reste de votre article, notamment sur la lutte de Jacob, l’épreuve de la nuit comme lieu de transformation, ou encore sur la pédagogie biblique de l’Avent que vous déployez avec finesse. Ces développements élargissent la symbolique de l’aurore à une véritable dynamique spirituelle du passage et de la maturation.
Il me semble que nous nous rencontrons sur le même seuil, par des voies (et voix) différentes. Serait-il juste de dire que vous pensez le seuil à partir de l’eschatologie (le seuil est incontournable parce qu’il ouvre) tandis que je pense le seuil à partir de l’incarnation (le seuil est nécessaire parce qu’il est habité) ?
Sans que ces deux approches s’opposent, au contraire: elles se complètent, se complémentent comme deux nourritures spirituelles, et même se complimentent, en se rehaussant l’une l’autre.
Nous voici, peut-être, ainsi équipés pour persévérer sur le Chemin.
Merci pour ce texte, qui n’éclaire pas seulement l’Écriture, mais aide à habiter le temps présent avec discernement spirituel. Vos mots rappellent avec justesse que la nuit n’est pas un échec de la foi, mais le lieu même où s’en éprouve la vérité.