En prison tout est violent: les énormes murs, les miradors, les barbelés, les portes métalliques, les grilles, les sas, les barreaux, les cellules minuscules. Et puis il y a les femmes et les hommes: surveillants, administratifs, éducateurs, agents d’insertion, détenus, aumôniers et enseignants qui apportent leur humanité avec les bons côtés et les mauvais côtés. Avec des paroles qui écrasent, avilissent, tuent et des paroles qui relèvent, réconfortent, apaisent.
Yves s’est retrouvé au quartier des nouveaux arrivants complètement «explosé» par ce qu’il lui arrivait. Un enchaînement complexe de situations l’a amené en prison. Il n’arrivait même pas à s’expliquer, à formuler ce qui s’était passé. Prostré dans sa cellule, le contact était très difficile. Ce n’est qu’après plusieurs rencontres que des mots ont pu être posés sur la situation. Des flots de paroles lui ont été nécessaires pour nettoyer et éclairer la situation avant qu’il ne puisse entendre quelques mots de réconfort.
Dans ces situations, l’écoute empathique est la meilleure manière d’établir une relation afin de pouvoir ensuite parler et être entendu. Fréquemment il nous arrive d’être interpellés dans les coursives par des détenus qui nous demandent de venir les rencontrer dans leur cellule afin de parler religion. Souvent cela commence par des questions clivantes: «Pourquoi tant de religions? Pourquoi la vôtre serait la meilleure? Quelles sont les différences?». Ces questions nous permettent d’arriver doucement à la dimension spirituelle et non plus religieuse puis à la relation personnelle avec Dieu. De quoi ai-je besoin pour entrer en communication avec Dieu? Quel intérêt il y a-t-il d’entrer en relation, en communication avec Lui? Les discussions sont souvent âpres mais sincères et sans détour.
Lorsque la parole se libère, elle permet d’aller chercher l’Essentiel là où Il se trouve et de l’inviter chez soi. Parfois je me dis qu’il serait intéressant d’avoir ces discussions libératrices dans nos communautés, cela nous ferait un bien énorme!
Le milieu carcéral n’est pas composé uniquement d’enfants de chœurs, la violence est une des composantes importantes de la vie en prison. D’ailleurs, les médias nous informent régulièrement des faits et des méfaits qui s’y passent.
Samedi, je suis allé animer un groupe de partage biblique. Nous étions une dizaine dont quatre qui venaient pour la première fois. Comme de coutume, nous avons commencé par chanter. Un peu déroutés dans un premier temps (chanter en prison des chants chrétiens cela semble bizarre), les nouveaux ont d’abord écouté les anciens qui ont donné de la voix, qui ont proposé des chants, qui ont expliqué ce qui les touche, qui les ont aidés pour se retrouver dans la recherche de textes bibliques, qui les ont simplement accueillis. Les nouveaux ont découvert que dans ce monde hostile à bien des égards, on peut rencontrer des personnes dans les mêmes difficultés mais qui ont trouvé un appui, un soutien une ouverture, une présence qui leur permettent de continuer leur chemin.
Cette ouverture spirituelle des uns a été communicative, elle a permis d’entrouvrir des fenêtres de possible pour les autres. Les carapaces de dureté de certains se sont craquelées laissant apparaître la vraie personnalité, fragile, sensible, à la recherche du sens de sa vie. Nous avons vécu un moment de grâce dans ce lieu qui n’avait plus une si grande importance mais où la communion fraternelle malgré nos différences, la certitude de la présence de Dieu, la qualité de l’écoute et des réflexions nous ont transportés pendant deux heures dans un monde plus beau. À refaire!
Illustration: mur d’enceinte de la maison d’arrêt de Fresnes (photo Lionel Allorge, CC BY-SA 3.0).